vendredi 12 août 2011

Le PS prend la mesure de la crise: il s'aligne sur la majorité, en renâclant


Les candidats ont pris conscience de leur déficit de crédibilité économique


La campagne de la primaire socialiste ne peut ignorer plus longtemps son contexte économique et financier: il s'impose de lui-même aux prétendants socialistes pour 2012. Les candidats font tomber leurs oeillères. Mais, sans renoncer à l'invective contre la majorité, tous délivrent le même message qui ne risque pas de les distinguer de la concurrence et les militants devront choisir sur l'apparence plutôt que sur le fond, alors que le premier tour du vote, ouvert à tous, aura lieu dans quelques semaines, le 9 octobre.
Les candidats à la candidature préparent leurs argumentaires sur un terrain qui ne leur sera pas le plus favorable. « Mener une campagne présidentielle dans un climat de crise, on ne peut pas dire que ce sera neutre ! » observe l'ancien ministre Michel Sapin, l'un des spécialistes des questions économiques dans l'entourage de François Hollande. Mais que dire de la majorité qui doit elle aussi convaincre, mais non pas sur des idées, des promesses et des postures, mais sur ses actes: elle est tenue à la réussite, tandis que les plaignants impénitents n'auront qu'à faire illusion.

Les candidats socialistes se trouvent déjà des excuses

Désirdavenir Royal assurait ses arrières mercredi.

« Souvent les crises conduisent à des reflux conservateurs», s'inquiétait . Le tout à cause d'un «a priori» , dit-elle. La droite serait une meilleure gestionnaire que l'ensemble de la gauche…

Complexe d'infériorité chez les aubrystes
« C'est étonnant, c'est un résidu de l'histoire ancienne », gémit amèrement l'économiste et député du Rhône Pierre-Alain Muet, proche de Martine Aubry. «
Avant le début des années 1980, la droite gouvernait sans laisser se creuser le déficit. Mais depuis, jamais la droite ne l'a ramené sous la barre des 2 % », assure-t-il.
Evidemment, l'alternance est passée par là entre-temps et la gauche a laissé des séquelles. Mais, à l'entendre, c'est la gauche qui aurait pourtant été la plus vertueuse. malgré trois dévaluations du franc, l'effondrement de l'économie, des affaires catastrophiques, qui seront, évidemment, payées par les contribuables. A côté de cela, ils ont dénationalisé et privatisé, officiellement ou en catimini. Ils ont donc appliqué une politique non pas "socialiste", mais social-démocrate. C'est à dire que, dans leur totale incohérence, ils ont sacrifié à l'économie de marché qu'ils renient aujourd'hui, stigmatisant la responsabilité du système capitaliste dans la crise internationale que nous vivons.
Depuis l'élection de François Mitterrand, l'endettement n'a quasiment jamais cessé de se creuser, sauf en période de croissance internationale, dont a bénéficié le gouvernement Jospin, "à l'insu de son plein gré" !

C'est désormais à qui, de la droite et la gauche, apparaîtra la plus rigoureuse.
Dans les deux camps, il va falloir revoir les plans de bataille.

Au PS, les principaux candidats ont d'ailleurs décidé de mettre en scène des réunions de travail sur la crise. François Hollande a invité des économistes pour un séminaire de travail le 24 août. Martine Aubry a convoqué une «cellule de suivi de la crise» le 25.
«Je n'ai pas attendu aujourd'hui pour voir [des économistes] et encore moins dans quinze jours», a ironisé, jeudi sur Twitter, Ségol'haine Royal.
Il reste que les candidats socialistes se dérobent à tout "débat participatif" lors de l'université d'été de La Rochelle... Le dialoge attendra la rentrée: inutile en effet d'afficher l'insignifiance des différences de l'une à l'autre.
A force de lisser leur image et de se marquer à la culotte, leurs discours sont "bonnet rose et rose bonnet".

Tactiques politiques

À gauche, le problème est d'apparaître crédible

Le député du Doubs Pierre Moscovici, qui coordonne la campagne de François Hollande, a invité jeudi la gauche à une « révolution culturelle». Et ça consiste en quoi, ça ? Ce serait la prise en compte de « l'ardent impératif de réduire les déficits publics et la dette ». Inattendu !

Sur ce thème, Hollande semble avoir l'avantage, à en croire les sondages du commerce. « Il apparaît comme le plus outillé : il a les positions les plus claires ». C'est le sentiment d'un de ses proches, qui préfère toutefois garder l'anonymat.
À l'inverse, Martine Aubry est suspecte. Non seulement elle a fait des catastrophiques 35 heures son image de marque, mais elle a aujourd'hui radicalisé ses idées et le soutien de l'aile gauche du PS la plombe. « Elle devrait s'exprimer plus », veut croire un de ses soutiens, pour redorer cette image. A cet effet, le rêveur flouté juge bon d'évoquer le souvenir de la réduction du déficit de la Sécurité sociale: elle était ministre du Travail de Jospin quand la conjoncture internationale était propice. Mais la versatilité de la dame aux 35 heures doit pourtant être également rappelée, car celle qui mit en oeuvre cette politique controversée en 1997 avait déclaré six ans plus tôt ne pas croire « qu'une mesure générale de diminution du temps de travail créerait des emplois. »

Alors que la tempête financière fait rage, Nicolas Sarkozy tient la barre
Le chef de l'État compte bien utiliser cette adversité pour consolider sa stature présidentielle.
Sa cote de popularité ne cesse d'ailleurs de monter de trois points en trois points: à 34 % pour l'Ifop et 35 % pour l'institut CSA.
Il ne devrait pas avoir de mal à souligner les contradictions de ses opposants et démontrer le manque de crédibilité .
Il a lancé l'offensive avec le thème de la «règle d'or» qui vise à inscrire dans la Constitution une limitation du déficit. La gauche refuse de se lier à ce texte, même si elle ne conteste pas la nécessité du désendettement. Certains, comme Manuel Valls, se sont cependant déclarés prêts à discuter. À l'Élysée, on a sauté sur l'opportunité d'enfoncer un coin à gauche en laissant entendre que des rendez-vous avec ces personnalités d'opposition « constructives » étaient possibles. Mais Manuel Valls craint un alignement individuel. Il prône « un dialogue entre l'exécutif et l'opposition et [non] pas entre l'exécutif et quelques parlementaires ! ».

La crise oblige le PS à infléchir son projet peu à peu.
Les tactiques politiciennes s'accommodent mal de la conjoncture.
Sans parler de la démagogie constitutive du socialisme ! «
On ne peut pas dépenser un euro supplémentaire », met en garde Valls, en jugeant impossibles certaines propositions du PS, comme la création de 300.000 emplois jeunes. «C'est très facile à financer grâce à la suppression des exonérations de charges pour les heures supplémentaires », rétorque Pierre-Alain Muet (1945, retraitable...), décidément attaché aux vieilles lunes de Tartine Aubry depuis 1997.
Le débat va avoir lieu, comme sur l'augmentation du budget de la Culture, voulue par Aubry et contestée par Hollande. Finalement, les candidats à la primaire se démarqueront peut-être en promettant plutôt moins que plus.

Postures variées mais proches

Pour mieux embobiner les Français, Martine Aubry joue sur les mots

La maire de Lille ne cache pas que la «règle d'or» la met dans l'embarras. Alors elle endort la vigilance des Français. Si elle était élue, elle s'engage donc à suivre « une vraie [sic] règle de conduite » : « affecter la moitié des marges de manœuvre au désendettement du pays ». Si les Français ne comprennent pas que c'est pas autant de moins pour le social, c'est qu'ils ont vraiment la tête dans le guidon.
Elle s'est même dite finalement prête à respecter l'échéance «d'un retour sous les 3 % en 2013» qu'elle rejetait. Elle avait pourtant tout son temps jusqu'ici : " Plus des deux tiers des pays européens demandent que cette étape soit repoussée à 2015", assurait-elle, se retranchant derrière les autres. D'abord, elle estima donc que le retour aux 3 % de déficit ne serait pas réaliste avant 2014 ou 2015. Mais elle adopta la position de François Hollande lorsque son principal rival changea d'avis : "Nous nous sommes engagés, dans le projet socialiste, à respecter les engagements de la France, 3 % en 2013 puisque c'est la règle aujourd'hui", obtempéra l'agressive maire de Lille, le dimanche 17 juillet dernier. La veille, le samedi 16 juillet, son rival avait déclaré dans le journal Le Monde : "la dette est l'ennemie de la gauche et de la France" et François Hollande avait admis: "Il faut rééquilibrer nos comptes publics dès 2013."
Du coup, les socialistes, en cas de victoire, proposeraient d'engager un débat avec les gouvernements européens. Il n'y donc pas urgence à agir...

François Hollande se la joue 'On ne me la fait pas' !
Le député de Corrèze juge « factice » l'idée d'inscrire une «règle d'or» dans la Constitution, l'application étant reportée à 2013. Il fait une contre-proposition : adopter un amendement au projet de loi de finances 2012 pour que la France « s'engage à respecter sa trajectoire de retour sous la barre des 3 % en 2013 », pour ouvrir -vite- le débat sur les politiques économiques. Ca se serait fait sans lui, mais il est à noter que pendant des mois le PS avait refusé le dialogue et décliné les invitations du Chef de l'Etat par la voix de l'ancien professeur d'allemand, Jean-Marc Ayrault, jugulaire, jugulaire...

Sa Cynique Majesté Royal dénigre
La «règle d'or» n'est qu'un « gadget de plus » de Nicolas Sarkozy, selon sa fielleuse concurrente malheureuse de 2007, visiblement mal remise. Mais « s'il accepte les propositions qui consistent à écrire également dans la “règle d'or” la lutte contre les inégalités fiscales, la contribution à égalité des revenus du capital et des revenus du travail aux dépenses, la justice fiscale, alors oui, on est prêt». Tel est le défi gratuit de la candidate rétrogradée au troisième dans les sondages de la primaire socialiste.

Manuel Valls consensuel
Moins sectaire, le député-maire d'Évry est aussi le plus ouvert à la proposition du chef de l'État. « Je ne suis pas hostile sur le principe », a-t-il déclaré. Il laisse même à Nicolas Sarkozy le soin de trouver les conditions d'un « compromis ». Il évoque une remise à plat de mesures fiscales, par exemple la baisse de la TVA dans la restauration. Pour lui, «tout passage en force serait contraire à l'intérêt du pays».

Arnaud Montebourg, radical, voire borné

Le député psycho-rigide de Saône-et-Loire est le plus virulent : sans nier la nécessité « impérative » de réduire les déficits, il « s'oppose » à la « règle d'or », au prétexte qu' « elle signifie la fin des choix politiques ». Il propose « un pacte de désendettement », « choisi et assumé, et non une règle subie et intouchable». Et il polémique: « Le déficit est l'enfant bâtard de la droite. »

Malgré leurs efforts, on le voit, les socialistes ne sont pas crédibles.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):