A l'écart des assauts menés contre le Pr Raoult, Florence Ader dirige un essai clinique crucial
Cet étude coordonnée par... l'INSERM doit tester quatre protocoles, dont celui à base d'hydroxychloroquine, sur 3200 patients en Europe
Au travail à l'abri des querelles faites au professeur Raoult, la professeure Florence Ader pilote à Lyon un essai clinique visant à trouver un traitement contre le Covid19. Elle est depuis un mois à la tâche au coeur d'un "projet fou", loin de son quotidien habituel d'infectiologue-pneumologue.
D'emblée, elle élude les questions polémiques autour de l'efficacité de la chloroquine (associée à un antibiotique, avec des risques faibles de troubles du rythme cardiaque, insiste le professeur Philippe Gabriel Steg, co-président du comité de pilotage spécial Covid au sein de l'AP-HP) proposée par le Pr Didier Raoult et plébiscitée par la population de la région de Marseille. "Il faut s'extraire du buzz et privilégier les démarches de recherche médicale", coupe sagement la chercheuse lyonnaise. La Pr Ader est une des rares femmes présentes dans le débat médical actuel et, à la différence de sa consoeur Karine Lacombe, choisit la discrétion face à certains porte-parole politisés qui tentent de décrédibiliser le chercheur marseillais en faisant circuler des rumeurs complotistes ou alarmistes, quand des acteurs politiques sur le retour, tel Daniel Cohn-Bendit ne tombent pas dans les insultes. Lien PaSiDupes : "Qu’il ferme sa gueule," lance le trublion Daniel Cohn-Bendit au Professeur Raoult
Directrice du programme européen REACTing, un consortium multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, dont les travaux sont coordonnés par l'INSERM et ses partenaires d’Aviesan (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, laquelle a travaillé sur les épidémies de grippe H5N1 et H1N1, SRAS, Mers-Co, Chikungunya, Ebola et Zika), Florence Ader préfère donc parler de la "prouesse" que le service public français a, selon elle, réussi à réaliser avec Discovery, un essai clinique coordonné par l'Inserm qui doit tester quatre traitements, dont l'hydroxychloroquine, sur 3.200 patients en Europe, dont au moins 800 en France. Uniquement des patients hospitalisés et gravement atteints. "C'est l'une des grandes leçons de la crise d'Ebola de 2014. Le seul et unique essai randomisé avait été mis en place trop tard, avec seulement 72 patients", explique-t-elle. Notons que le mari Buzyn, Yves Levy, a dirigé l' Aviesan de 2014 à 2018 et l'Inserm (2014-2018 également)...
L'Hexagone est le premier pays européen à avoir mis sur pied et lancé un tel essai. Son budget : quelques millions d'euros, financé par la Direction générale de l'offre de soins du ministère de la Santé. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) doit aussi lancer son grand essai, "Solidarity", mais il en est encore à la phase préparatoire.
Le professeur Ader, face à l'exigence malgré l'urgence
L'essai clinique Discovery a commencé il y aune semaine.
Il inclut à ce jour 123 des 800 patients dans sept centres hospitaliers. Chaque participant se voit allouer soit l'un des quatre traitements testés, soit des soins standard, de manière aléatoire, après une randomisation numérique (méthode de répartition fondée sur le hasard).
Sont testés : le remdesivir (antiviral conçu initialement pour Ebola), le lopinavir en combinaison avec le ritonavir (des anti-VIH), la même combinaison mais associée à l'interféron bêta pour tenter de baisser le processus inflammatoire et l'hydroxychloroquine (cousin de la chloroquine, mais présentant moins de risque de toxicité, cet anti-paludéen a l'avantage d'être connu et bon marché).
"Nous n'avons pour l'heure aucune confirmation de la réalité de l'efficacité de ces traitements," insiste Florence Ader. "Nous n'avons que des données disparates sur ces molécules. On a des données in vitro pour certaines, pas pour d'autres; des données sur des modèles animaux pour certaines, mais pas pour toutes, d'autres données sur des petites séries de patients, pas pour d'autres".
D'où pour elle l'importance de ne faire "aucune concession" et assurer le même niveau d'exigence malgré l'urgence d'une pandémie qui a déjà tué quelque 30.000 personnes dans le monde, selon un bilan établi par la presse. "Plus les résultats seront significatifs et méthodologiquement robustes, plus le niveau de preuves sera élevé et plus on rendra service aux gens", souligne Florence Ader.
Aucune échéance précise
Cet essai est mené avec toute la rapidité et l'adaptabilité nécessaires au contexte, assure cette chercheuse, même s'il est lourd. La Pr Ader est entourée d'une vingtaine de personnes qui travaillent d'arrache-pied. D'abord une cheffe de projet qui gère la très lourde logistique depuis un centre dans le sud.
Sur le terrain, des centaines de techniciens, d'attachés de recherche, de médecins d'essai clinique collectent les données. Et à charge de l'équipe de méthodologie de l'Inserm de les exploiter. Les premières évaluations de patients vont commencer après 15 jours de traitement, dans une semaine environ. On pourra notamment estimer si leur état clinique s'est amélioré, s'ils ont toléré le traitement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):