Conséquence de la loi alimentation votée en octobre 2018, les prix vont augmenter de 5% à 6% en moyenne
C'est la méthode de la majorité macronienne pour tenter de rééquilibrer les relations entre agriculteurs, industriels et distributeurs
Dans les supermarchés, des produits alimentaires de grandes marques vont augmenter ce vendredi par centaines, mais ceux des marques de grandes enseignes pourraient baisser : un pari pour défendre l'agriculture, sur fond de grogne des "gilets jaunes" pour le pouvoir d'achat.
Le 1er février, des hausses de tarifs vont intervenir sur 4% des produits alimentaires de grande consommation, a confirmé le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, un ex-socialiste, mercredi matin.
C'est l'effet induit du relèvement à 10% du "seuil de revente à perte", imposé par la récente loi alimentation. Le projet de loi Egalim sur l'agriculture et l'alimentation a été porté par l'ancien socialiste Stéphane Travert qui a conduit les Etats généraux de l'alimentation, puis a fait face aux 2.300 amendements déposés après quatre mois, Libération estimant qu'il défendait une "vision très agro-industrielle et productiviste du secteur". "Ce texte est loin des espoirs, des ambitions et des propositions des Etats généraux de l’alimentation", a estimé l'ancien ministre socialiste Guillaume Garot.
Le gouvernement compte ainsi obliger les distributeurs à vendre même leurs produits d'appel à des prix supérieurs d'au moins 10% à ceux auxquels ils les ont achetés et à cesser les ventes à perte. Or, environ 20 % du chiffre d'affaires des distributeurs était jusqu'ici réalisé avec moins de 10 % de marge. "L'effet inflationniste varierait entre 14 et 38 euros par an et par ménage", estime l'Autorité de la concurrence.
L'Etat espère que la distribution pourra ainsi mieux rémunérer les producteurs issus de toutes les filières agricoles et aquacoles, qui sont asphyxiés et disparaissent, régulièrement rémunérés en dessous de leur prix de revient.
Car paysans et producteurs sortent chaque année KO debout de la grande négociation rituelle des prix qui se tient d'octobre à fin février, face aux géants de l'agroalimentaire et surtout aux incontournables centrales d'achat de la distribution.
"Des produits agricoles vendus à leur juste valeur"
"Ce que je demande aux grandes surfaces, c'est de trouver moyen de répartir les marges différemment, de répartir les choses mieux, l'objectif est que les produits agricoles soient vendus à leur juste valeur", a lancé le ministre au micro de Franceinfo.
Dans les supermarchés, "500 produits sur 13.000" devraient augmenter vendredi, alors que, dans les hypermarchés, a-t-il ajouté, "c'est 800 produits sur 20.000" qui sont concernés. Il a toutefois déploré :"Il y a 4% des produits qui vont augmenter beaucoup, je le regrette. J’aurais préféré que ça se fasse différemment."
"Lorsque les gens achètent de la viande, du poisson", les prix "seront protégés, contrairement à avant", a-t-il poursuivi, "surtout sur les marques de distributeurs (MDD)". "Ce qui m'importe, c'est que les consommateurs et les agriculteurs s'y retrouvent."
Message reçu par la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), regroupant tous les acteurs de la distribution, à l'exception de Leclerc, qui a mené la fronde contre la loi alimentation au nom de la lutte pour le pouvoir d'achat.
"Ce sur quoi tous les acteurs économiques, sauf Leclerc, se sont mis d'accord, c'est qu'il faut changer le système, de façon à ce qu'on revienne à des prix normaux, et que ça permette d'améliorer le sort des agriculteurs. Et, de ce point de vue, je trouve qu'il n'y a rien de choquant à ce que le prix du Ricard puisse augmenter un peu si ça permet d'augmenter le prix payé aux éleveurs laitiers pour un litre de lait", a réagi le délégué général de la FCD, Jacques Creyssel, .
prenant cet exemple au hasard...
Plusieurs accords avec des grandes enseignes
Pour Jacques Creyssel :"Le consommateur verra bien, quand l'ensemble de tout ceci sera terminé, c'est-à-dire dans quelques mois, qu'en réalité, c'est une opération positive pour tous," a-t-il promis.
Selon lui, plusieurs enseignes ont déjà annoncé dans la presse, en compensation, des baisses de prix sur leurs MDD, lesquels ne sont pas des produits de qualité équivalente à ceux de grandes marques qui les ont inspirés. Pour redorer leur image de marque, certaines enseignes vont aussi tenter d'actionner le levier de la fidélisation de leurs clients en proposant des avantages ciblés sur des produits "préférés", selon Cédric Chéreau, spécialiste de la promotion dans la grande distribution.
Aspect positif indiquant un changement d'attitude dans cette guerre de tranchées, la multiplication d'accords très médiatisés entre géants de la distribution et géants laitiers, permettant une revalorisation des prix du lait payés aux agriculteurs et éleveurs français.
Après Bel et Intermarché le 12 décembre, puis Leclerc et Danone le 2 janvier, c'est Leclerc et Lactalis qui ont annoncé mercredi un accord portant sur les prix de 200 millions de produits laitiers.
A un mois de la fin des négociations commerciales, les ministres feront le point le 7 ou le 8 février à Bercy autour de Bruno Le Maire et Didier Guillaume, avec la distribution, l'agroalimentaire et les producteurs autour de la table.
"On constate de vrais changements positifs en cours pour mieux rémunérer certaines filières organisées, comme le lait. Mais dans le secteur de la viande, cela ne part pas très bien", soulignait une source au ministère de l'Agriculture mercredi.
A l'heure où la question du pouvoir d'achat est très sensible, cette hausse effraie les enseignes. Et même le gouvernement.
Chez Carrefour, la hausse de prix sera en moyenne de 35 centimes par produit. "Il y a environ 1. 000 références qu'on vendait jusque-là avec des marges très faibles, entre 0 et 10 %, car ce sont les produits les plus bataillés", explique Élodie Perthuisot, directrice marketing et clients Carrefour.
Chez Intermarché, 5 % de l'assortiment affichera des hausses, ce qui correspondrait à une inflation de 0,8 % sur le panier de la ménagère en 2019.
Annoncé comme le grand perdant de cette inflation, Leclerc assure maîtriser la situation. "Environ 3.000 produits auraient dû augmenter mais, au 1er février, on aura réussi à juguler l'essentiel de la hausse. Restent 1.000 produits qui augmenteront de 3 %", assure Michel-Édouard Leclerc, président des Centres E. Leclerc.
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