L'état d'urgence dérange les internationalistes pro-arabes
Des rassemblements ont eu lieu dans 70 villes pour demander la levée de cet "état d'exception"
Au cri de slogans, tel "état d'urgence, état policier" |
L'idéologie des organisateurs se révèle dans le mot d'ordre du refus d'inscrire la déchéance de nationalité pour les binationaux dans la Constitution, mais aussi et surtout pour demander la fin de "la répression ciblée de certaines populations".
Des manifestations étaient prévues dans près de 70 villes en France ce samedi par les associations et collectifs de gauche et d'extrême gauche, internationalistes et révolutionnaires.
Les media ne citent que les moins offensifs ou les mieux encadrés et l’appel des collectifs "Nous ne céderons pas" et "Stop état d’urgence", des associations rappelant que "rien ne doit nous faire sortir de l’Etat de droit et nous priver de nos libertés" et qui regroupent notamment des syndicats (CGT, FSU, Syndicat de la magistrature), des associations (Attac, Droit au logement, Droits devant, La Cimade, le MRAP) et des organisations de défense des droits de l’homme (FIDH).
Près de 20.000 personnes ont défilé à Paris, et plusieurs autre milliers dans le reste du pays, selon les organisateurs. A Paris, la préfecture a pour sa part dénombré 5.500 personnes.
"Sous prétexte de lutte contre le terrorisme, nous vivons un coup d'état permanent marqué par l'arbitraire et la censure", a affirmé une manifestante à Paris.La presse ne donne qu'un faible aperçu de la multitude d'associations, collectifs, mouvements et réseaux divers sollicités pour ce meeting unitaire,
autorisé partout en France, bien que certains soient subversifs.
Pour avoir une vague idée du pullulement associatif, voici une liste moins restrictive des organisations participantes:
AC!, ACORT (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie), Association française des juristes démocrates (AFJD), Association France Palestine solidarité (AFPS), Association Grèce France Résistance, Association interculturelle de production, de documentation et de diffusion audiovisuelles (AIDDA), Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes (ARDLFM),ADTF (Association Démocratique des Tunisiens en France), AFA (Action antifasciste: cf: image ci-dessous), AFD International, Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda), ATMF (Association des travailleurs maghrébins de France), Association des Marocains en France (AMF), Attac, Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip), le 3C (Café Culturel Citoyen à Aix-en-Provence), CAPJO-Europalestine, CCIF (Collectif contre l'Islamophobie en France), CEDETIM (centre d'études anticoloniales et internationalistes), Collectif des féministes pour l'égalité (CFPE), CGT, Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Collectif national pour les droits des femmes (CNDF),
CNT, Coll. des désobéissants, Coll. des sans voix, Coll. de la marche des femmes pour la dignité (MAFED, constitué à l’initiative d’Amal Bentounsi, du collectif Urgence notre police assassine, et en lien avec la mémoire de Zyed et Bouna), Coll. Jamais déchu(e), Coll. OuiOui (collectif indépendant par différents groupes, associations,organisatrices/teurs de soirées gouines, trans*, pédés, hétéro-te-s et bi-e-s), Coll. stop état d'urgence (1er signataires), Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT), COPAF (Collectif pour l'avenir des foyers de travailleurs), centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), Commission islam et laïcité, Confédération syndicale des familles (CSF), Collectif des musulmans de France (CMF), CSP (Coll. des Sans Papiers), DAL, Droits devant!, Ecologie sociale (libertaire, inspirée de l’anarchisme et du communisme), EELV, Émancipation Tendance Intersyndicale (tendance intersyndicale révolutionnaire ), Emmaüs France, Emmaüs International, Ensemble, FASTI, Fédération nationale de la Libre pensée, Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), Filles et fils de la République (FFR), Femmes égalité, Filles et Fils de la République, Fondation Copernic, FSU, Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), Genepi, GISTI, FUIQP (Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires), Initiative Décroissante pour le Climat, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Maison des potes, Mamans toutes égales (MTE), Médecins du monde, Mouvement de la paix, MCTF (Mouvement citoyen des Tunisiens en France), Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP), Mrap, NPA, OIP – section française, Organisation de femmes égalité, PCF, Planning familial, Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits (RaidH), PG, Réseau éducation sans frontières (RESF), Réseau euromaghrébin culture et citoyenneté (REMCC), Réseau Euromed France (REF), Réseau pour une Gauche Décoloniale, Réseau IPAM (Initiatives Pour un Autre Monde), SNJ-CGT (syndicat de journalistes), Syndicat de la Magistrature (SM), SNPES PJJ (Syndicat National des personnels de l'éducation et du social), Solidaires, Sortir du colonialisme, Sud, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat national des journalistes (SNJ), UJFP (Union Juive Française pour la Paix), UNEF, UNL (Union Nationale Lycéenne), UTIT (Union des travailleurs immigrés tunisiens)...
L'exception devient la règle
Ce rassemblement a eu lieu trois jours après que le Conseil d'Etat a rejeté un recours de la LDH demandant la levée de l'état d'urgence, et alors que le gouvernement a l'intention de prolonger cet état d'exception, en vigueur depuis le 13 Novembre, va être prolongé au moins jusqu’à fin mai.
Une autre manifestante, a dénoncé " une mesure hypocrite et inutile. Le Parlement est appelé à voter comme un seul homme, nous manifestons pour montrer aux députés qui sont réticents qu'ils ne sont pas seuls
Une décision avant tout politique.
Les deux mois passés sous le régime d’exception donnent des résultats, du moins au premier coup d’œil. Les autorités socialistes ont largement recours aux deux mesures phares prévues par ce régime d’exception : les perquisitions administratives (3.189 réalisées au 21 janvier) et les assignations à résidence (392 à la même date). Les suites judiciaires paraissent elles aussi élevées au premier abord : 549 procédures ont été ouvertes après les perquisitions administratives. Sauf que l’écrasante majorité concerne des affaires de droit commun, du trafic de drogue, des séjours irréguliers sur le territoire, des trafics d’armes… Les enquêtes confiées à la section antiterroriste du parquet de Paris, compétent sur l’ensemble du territoire en la matière, se comptent sur les doigts d’une main : en tout, cinq procédures pour associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, dont une information judiciaire. Une seule personne a été mise en examen, selon les chiffres du ministère de la Justice, communiqués dimanche à la presse. Et ces résultats risquent fort de s'amoindrir encore, si c'est possible.
Un préfet en fonction dans une grande ville confiait dès la fin novembre que les saisies se raréfient à mesure que l’effet de surprise tombe. Un constat partagé par un député socialiste (tout aussi anonyme) qui avait voté la prolongation de trois mois en novembre : "Les préfets ont fait remonter les alarmes du terrain dès le mois de décembre : pas efficace passé l’effet de surprise et pas assez de personnel." "Les résultats en termes de saisies d’armes et de stups s’essoufflent, mais les perquisitions permettent aussi de faire du renseignement, nuance aujourd’hui le même préfet flouté. Beaucoup de données informatiques récupérées lors des perquisitions sont toujours en cours d’exploitation."
C’est cette érosion de l’efficacité d’un régime "hautement attentatoire aux libertés fondamentales" qui a motivé la Ligue des droits de l’homme à déposer le référé-liberté que doit examiner mardi le Conseil d’Etat.
Ce gouvernement s'apprête néanmoins à examiner la prolongation de l'Etat d'urgence et la déchéance de nationalité.
Seules les assignations à résidence devraient être maintenues. Leur champ est d'ailleurs restreint, puisqu’elles seront réservées aux personnes rentrant de zones de combat (Syrie, Irak, Libye…) ou voulant s’y rendre. Mais elles seront, là encore, décidées par le ministère de l’Intérieur, souverainement, sans contôle. Laurence Blisson, du SM (Syndicat de la magistrature, classé à gauche), y voit "une logique de contamination" de l’état d’urgence sur le droit commun, qui s’inscrit dans un mouvement plus ancien : "La loi Cazeneuve du 13 novembre 2014 prévoyait l’interdiction de sortie du territoire sur décision administrative," avec pour conséquence que le pouvoir judiciaire se retrouve de plus en plus contourné, ce dont s’est ému le premier président de la Cour de cassation, lors de ses vœux, début janvier.
"Pourquoi l’autorité judiciaire est-elle ainsi évitée ?" s’est interrogé Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation depuis juillet 2014, en présence de Christiane Taubira, l'ex-ministre de la Justice, aujourd'hui remplacée par un proche du premier ministre. Le premier procureur, Jean-Claude Marin, a même pointé un "risque considérable pour l’Etat de droit", si l’état d’urgence devenait la norme. Les assignations pourraient bien être contestées devant la justice administrative, mais "le juge administratif n’a pas la même culture que le juge judiciaire", fait remarquer Me Marie Dosé. L’avocate parle d’expérience: elle fréquente les tribunaux administratifs dans des dossiers d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière. "On est devant un mur : notre contradicteur [le représentant du ministère de l’Intérieur pour les assignations] a la même culture que le président du tribunal, déplore-t-elle. Au final, on est face à deux contradicteurs."
Dans le cortège parisien, une femme s'est demandée: "l'état d'urgence, jusqu'à quand' La fin de Daech' Dans dix ans' Jamais' Il faut y mettre un terme, surtout que notre arsenal législatif est déjà largement suffisant".
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