samedi 3 juillet 2010

Aubry-Hamon agitent le pays: Halte au feu !

Simone Veil et Michel Rocard sonnent le tocsin

Débat public ou chasse aux sorcières ?

Simone Veil, ancienne ministre, présidente d'honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, membre de l'Académie française et Michel Rocard, ancien premier ministre socialiste, ont signé le 4 juillet 2010 cette déclaration commune dans une tribune percutante du journal Le Monde:

« L'état du débat public - si tant est qu'il s'agisse pas d'un débat - autour d'une "affaire" qui fait les titres de la presse ces derniers jours nous inquiète profondément.

Le Club Vauban a été fondé il y a près de trente ans autour d'une idée simple : rien n'est plus essentiel que de favoriser le dialogue entre tous ceux qui, de droite, de gauche ou du centre, ont en charge l'intérêt public. Et rien n'est pire que l'anathème lorsqu'il prétend en tenir lieu. Sans dialogue, il n'existe pas de débat, pas d'échange d'idées, donc pas de démocratie.

Les membres de cette coopérative de réflexion viennent d'horizons différents. Ils n'ont pas les mêmes opinions politiques ou sociales. Ils n'ont pas les mêmes références, ni les mêmes convictions, même s'ils sont tous favorables à l'économie sociale de marché et à la construction européenne.
Des divergences, ils en ont, et de fortes. Mais ils professent que, si fortes soient-elles, elles ne doivent pas conduire à l'aveuglement, à l'insulte, à la déconsidération de l'autre.

Chacun d'entre nous a des convictions, et les défend avec force. Mais en vrai démocrate, c'est-à-dire avec l'ardente obligation de se montrer aussi honnête vis-à-vis de ses adversaires qu'on peut être loyal avec ceux de son camp.

Etre démocrate, c'est refuser de céder à la tentation partisane, c'est rejeter l'intolérance, repousser la facilité de l'amalgame. Cela même s'il faut avoir l'indépendance d'esprit et le courage de s'opposer à ceux qui vous sont proches, et s'il faut à un moment prendre le parti de qui vous est plus éloigné mais n'a pas forcément tort pour autant.

Cette attitude d'indépendance d'esprit et cette exigence de respect du débat démocratique, nous avons l'un et l'autre essayé, au-delà de nos différences, de les démontrer tout au long de nos parcours respectifs. C'est d'une certaine manière notre règle de vie, notre exigence, notre éthique politique.

C'est pourquoi nous prenons aujourd'hui la parole, ensemble, pour affirmer haut et fort qu' il est temps, grand temps, de dire "Halte au feu !".
Nous souhaitons dire cela avec d'autant plus de force et de gravité que le monde dans lequel nous vivons donne ces temps-ci, de la scène sportive à la scène médiatique, suffisamment d'exemples d'intolérance et d'intempérance pour que les responsables politiques s'abstiennent d'apporter du grain à moudre à la broyeuse populiste.

Mesure-t-on bien les effets dévastateurs du spectacle affligeant qui se donne jour après jour devant l'opinion autour de "l'affaire Bettencourt" ? Veut-on définitivement démonétiser une parole politique déjà suffisamment dévalorisée, décriée, diminuée ?

Les sondages nous disent ces jours-ci que nos compatriotes trouvent cette "affaire" grave. Grave, elle l'est d'autant plus en effet que les représentants des institutions les plus éminentes de notre pays - présidence, gouvernement, Parlement, justice - se trouvent interpellés, parfois en des termes plus qu'inappropriés, par des responsables politiques plus soucieux de leur carrière que de l'intérêt public. Qu'ils soient de droite ou de gauche, aux affaires ou dans l'opposition.

Comprenons-nous bien : chacun a parfaitement le droit, et même le devoir démocratique, de dénoncer, ou de défendre, telle ou telle situation de cumul de responsabilités, tel ou tel risque de conflit d'intérêts, tel ou tel motif de confusion des genres. Rien de plus normal, ni de plus sain, que cela : c'est l'essence même du débat politique en démocratie.

Mais débattre est une chose, vouloir à tout prix abattre l'adversaire en est une autre. Attaquer ad hominem, harasser sans relâche, dénoncer sans preuves, d'un côté comme de l'autre, ce n'est pas servir le débat, c'est desservir la démocratie, l'affaiblir et finalement l'asservir au nom même des principes que l'on croit si bien défendre. C'est porter atteinte à la dignité de la personne, c'est porter un coup à la politique, à la République.
N'oublions pas que le mot "république" vient de la res publica latine, la "chose publique", qui désigne l'intérêt général et le fonde en principe supérieur à tous les autres.

Aussi, reprenons quelque hauteur, ne cédons pas aux facilités rhétoriques et aux emportements à visée scénique, cessons les excès de tous ordres et débattons. Dignement.
»
Et cinglant.
Mais qui peut croire que - à l'intérieur du bureau national ou à sa marge - la bande d'énergumènes qui s'exaltent à la vue du sang puisse retrouver la maîtrise de ses esprits ?

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