vendredi 15 janvier 2010

Haïti: l'intox compassionnelle des media est insupportable

Un ancien président français de Médecins sans Frontières s'indigne

« Catastrophe », « chaos », « désastre », « dommages sévères »: les mots utilisés pour décrire le tremblement de terre de magnitude 7 qui s'est produit mardi 12 janvier, peu après 17 h, à seulement quelques kilomètres des côtes d'Haïti, laissent présager un lourd bilan." (citation de presse)

Interrogé sur la question de l'organisation de l'aide humanitaire, à la suite du tremblement de terre en Haïti, Jean-Hervé Bradol de MSF dénonce "un embouteillage dans la production des informations", à force de chiffres fantaisistes et d’images inappropriées. Il était l’invité de France Info ce matin.
Jean-Hervé Bradol fustigeait la presse qui manque de modération.
  • Exercer une autorité politique, haïtienne et internationale, est la priorité des priorités, sachant toutefois que les institutions haïtiennes existent, civiles et religieuses, qui n'ont besoin que d'être réorganisées. « La question du maintien de l'ordre est absolument essentielle», singulièrement dans le cadre de la distribution de nourriture.
  • Neutraliser les illuminés et les escrocs vantards est une autre priorité
    "Ceux qui avancent des chiffres de morts à travers le béton sont des illuminés".
  • Jean-Hervé Bradol proteste contre les poncifs classiques, ainsi que la multitude d’informations approximatives et d’idées préconçues relayées dans cette catastrophe. Les estimations au pif embouteillent les autoroutes de l'information qui sont essentielles à la mise en oeuvre des secours, insiste-t-il. "Les rédactions ont une responsabilité extrêmement importantes".
  • Le terme de "chaos", dont on abuse dans les reportages, est, dit-il, un terme inapproprié.
  • L'envoyée spéciale de France Info, Vanessa Descoureaux, totalement négative, anticipe des « émeutes de la faim » consécutives au manque de vivres, mais provoque une vive réaction de J.-H. Bradol, pour qui «parler d’émeutes par avance, c'est un peu inciter à la panique... »
  • Selon lui, critiquer la lenteur de l'intervention des secours internationaux est vain: l'urgence est assurée par la population locale et il faut laisser à l'aide extérieure le temps de s'organiser, pour être efficace. "La rapidité des secours internationaux projetés à partir de milliers de kilomètres de distance, ça ne peut pas être efficace en quelques jours", rappelle-t-il à la petite bourgeoise projetée de Paris dans le 'chaos'... « Vous ne pouvez pas produire de la coordination les premiers jours ». Et « s'en étonner tout le temps ne sert à rien ».
  • Autre contre-vérité: le risque d'épidémie. "Non, les cadavres de ce type de catastrophe ne sont pas une urgence sanitaire: c’est simplement une urgence sociale et psychologique", dit-il encore. "Le répéter ad nauseum, comme on l'entend à chaque fois-là, il faut arrêter: c’est appeler à la panique" ! Et produire de l'information ? "Les risques d'épidémie ne sont pas liés aux cadavres."
  • J.-H. Bradol, aujourd’hui directeur d’études à la fondation MSF, s'insurge aussi contre l'appel aux dons: arrêtons de "faire croire au public, à votre grand-mère ou votre frère à Trouville, que ce sont ses dons qui vont reconstruire le pays". Pour lui, c’est la mobilisation des États qui fera la différence. Il conseille de financer les organisations internationales...

    ENTENDRE ce responsable de MSF exhorter les media à plus de responsabilité et de professionalisme : Choisir ses mots et bannir les chiffres, pour parler aujourd’hui de cette catastrophe - Leçon de communication sur le séisme en Haïti, par Jean-Hervé Bradol, de MSF (13'36")
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