mercredi 22 mars 2006

CPE -7- Raymond Barre a la parole: par quel miracle?
Ancien maire de Lyon, l'universitaire Raymond Barre demande au gouvernement de « faire respecter l'ordre public. »L'entretien avec cet économiste qui sait de quoi il parle, contrairement à bien d'autres, qui se répandent pourtant dans les médias, n'a pas été relayé. Alors, écoutons-le:
« C'est le CPE... ou l'ANPE »
-Le CPE est-il une bonne idée ? Raymond Barre. Oui. Le CPE est un contrat utile. Il peut réduire la réticence des chefs d'entreprises, petites ou moyennes, à embaucher des jeunes de moins de 26 ans et peu qualifiés en dépit des difficultés de licenciement. Il offre aux jeunes une chance de trouver un emploi de deux années, ce qui est meilleur qu'un CDD. Il y a, certes, le risque de licenciement, mais ne mérite-t-il pas d'être pris car trouver un emploi est mieux que rester dans un chômage durable ? Pour utiliser un argument simple, CPE ou ANPE.
-Faut-il maintenir en l'état, aménager ou retirer le CPE ? Il ne faut pas retirer le CPE. Si des dispositions complémentaires sont adaptées, elles ne doivent pas alourdir le contrat ou, du moins, lui faire perdre son grand avantage : la simplicité.
-Le CPE a-t-il été, en amont, suffisamment négocié et discuté, notamment avec les partenaires sociaux ? Le Premier ministre a voulu agir vite. Il a soumis un projet de loi à l'Assemblée nationale et au Sénat : c'est une procédure normale en démocratie. La concertation, le dialogue, la négociation peuvent être utiles : elles conduisent trop souvent à des délais relativement longs et entraînent des résultats limités pour tenir compte des positions de tous les intéressés. Le risque est l'immobilisme. De plus, il n'appartient pas aux syndicats d'inspirer les décisions du gouvernement ou la loi. « Les manifestations finiront par s'essouffler »
-Diriez-vous, sur la foi de votre expérience, que la France est rebelle aux réformes ou que cette réforme, faute d'une « bonne gouvernance », a été « mal vendue » aux Français ? Réformer est très difficile dans une société dominée par des idéologies et comportant de puissants corporatismes. Il semble que la « bonne gouvernance » en France, c'est souvent de ne pas gouverner ou de gouverner le moins possible. C'est pourquoi la France enregistre un long retard dans son adaptation aux changements rapides qui caractérisent le monde d'aujourd'hui. Quant à la vente des réformes, elle est, elle aussi, difficile en raison des surenchères médiatiques.
-S'agit-il toujours du CPE ou d'une révolte globale de la jeunesse comme la France en a connu dans le passé ? N'exagérons pas les défilés et les manifestions actuelles d'étudiants et de lycéens : ce n'est pas la révolution. On ne parle pas de tous ces lycéens et étudiants qui travaillent sérieusement pour préparer leurs examens et faire face à leur avenir : ils sont pénalisés par les désordres et les blocages de leurs universités. Il faut souligner que la situation actuelle est l'expression de la dégradation du système éducatif français, du relâchement de la discipline, de la baisse de niveau liée à l'enseignement de masse, de la multiplication de diplômes insuffisants et dépourvus de débouchés. Tous les gouvernements sont responsables de cet état de choses. La réforme du système éducatif français est une priorité pour les années à venir. En particulier la réforme des universités. Ainsi pourra-t-on répondre à l'anxiété des jeunes due à leur inadaptation aux emplois du monde moderne.
-Etes-vous optimiste ou pessimiste quand vous pensez à la France en Europe et face à la mondialisation? La situation économique et sociale de la France ne m'incline pas à l'optimisme. Les difficultés de notre pays à s'adapter au monde moderne entament sa crédibilité internationale. L'étranger est souvent stupéfait des réactions défensives de notre société alors que la France dispose de grands atouts. J'ajoute que regarder à la télévision les images des manifestations en cours ne donne pas une haute opinion de la France.
-Si le conflit s'aggrave, Jacques Chirac doit-il demander aux Français de trancher dans les urnes ? Le recours aux urnes ne me semble pas justifié. Le gouvernement doit faire face avec sang-froid à des manifestations orchestrées et manipulées. Il doit faire respecter l'ordre public et sanctionner sévèrement les casseurs. Les manifestations finiront par s'essouffler.
-Villepin est-il, à vos yeux, courageux, imprudent ou autiste ? M. de Villepin est Premier ministre. Il assume ses responsabilités. On ne peut l'en blâmer. "

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):