mardi 3 mars 2020

Premières victimes du 49.3 à LREM: démissions de deux députés de Macron

Hubert Julien-Laferrière et Delphine Bagarry ,e prendront pas leurs retraites dans la majorité présidentielle

Ils exercent leur droit de retrait face au risque de contamination au totalitarisme

Ces deux députés avaient tenu contre le LBD 40, mais l'article 49.3 a eu raison de leur capacité de résistance aux coups. Ces départs sont en effet en lien direct avec l’annonce par le gouvernement de la décision de Macron de recourir au 49.3 pour faire passer à sec son projet de réforme des retraites. 

Après un sénateur des Bouches-du-Rhône, deux députés claquent la porte de La République en marche (LREM), après la décision du gouvernement de recourir à l’article 49.3 pour faire avaler la pilule du projet Macron de réforme des retraites. Les députés Hubert Julien-Laferrière , ci-contre, (Rhône) et Delphine Bagarry (Alpes-de-Haute-Provence) ont annoncé, lundi 2 mars, qu’ils quittent le groupe LREM à l’Assemblée nationale.

"Alors que depuis quinze mois le pays est, avec la crise des 'Gilets Jaunes, puis la réforme des retraites, secoué par des mouvements sociaux d’une intensité rarement atteinte, je ne me résigne pas à laisser jeter à nouveau le discrédit sur le Parlement", a écrit un économiste Hubert Julien-Laferrière, venu du PS. 
"L’usage de l’article 49.3 de la Constitution par le premier ministre  - par surprise et sur décision du président Macron, avalisée par le cercle restreint des membres du gouvernement constituant le Conseil des ministre - va attiser les tensions et aboutir à l’adoption d’une loi capitale sans vote et sans que les représentants de la nation aient pu débattre jusqu’au bout," explique-t-il dans son communiqué. 

Elu depuis juin 2017, Julien-Laferrière, reste "apparenté LREM" à l’Assembléedans un premier temps, selon son entourage. Il a indiqué qu’il ne votera "pas les motions de censure, car chacune des oppositions [dont celle à laquelle il appartenait comme proche du socialiste Gérard Collomb] aura également fortement contribué à ce discrédit". Quant à son départ du mouvement LREM,  le député "se laisse le temps de la réflexion". Les municipales portent conseil...

Delphine Bagarry (à droite sur la photo 1, ci-dessus, au côté du 'kéké' de Forcalquier) a, elle aussi, annoncé son départ du groupe majoritaire, expliquant notamment qu’elle ne se retrouve pas "dans la méthode du gouvernement et l’utilisation inappropriée du 49.3"
Plus clairement que son collègue masculin, cette membre du Collectif social-démocrate (CSD, fondé par 22 élus co-signataires), marqué à l’aile gauche de LREM - "pour tenir la digue sociale face au cap macronien" -, siégera  parmi les non-inscrits, dans un premier temps. Cette médecin urgentiste  qui est "en même temps" conseillère départementale du canton de Riez (04) déplore notamment que " l’enchaînement et la multiplicité des réformes précipitées ne laissent pas le temps de la concertation et obligent [?] au recours aux ordonnances ou au 49.3 qui confèrent à l’exécutif une mainmise écartant de fait les parlementaires et les citoyen.ne.s de toute discussion ou amélioration".
Membre de la commission des affaires sociales, elle avait cosigné récemment une tribune pour s’opposer par avance au recours au 49.3.


Désarroi en marche à l'aile gauche de LREM

Avec l'usage du 49.3, les bernés par Macron  dénoncent tour à tour un acte "autoritaire", une "impasse" et une "trahison" des promesses de 2017. Souvent issus du PS, ils se sentent trompés sur la marchandise et sont comme sonnés après la décision de matraquer le Parlement avec l’article 49-3 sur la réforme des retraites. 

Un coup de force qu’ils redoutaient au point de publier il y a huit jours une tribune dénonçant préventivement le "passage en force" et le "déni de démocratie" que représenterait un tel scénario. 

Mais le cynique Macron n'est pas seulement sourd aux citoyens: 
il est aussi déloyal envers ses élus. 
Il a réuni un "Conseil de défense" contre l'épidémie de coronavirus, officiellement pour fixer les mesures à prendre. 
A la sortie, on apprenait que ce conseil des ministres déguisé avait entériné la demande de Macron de faire adopter sa réforme des retraites à trous par la voie du 49.3...

Le sournois a choisi un samedi 29 février et la tombée de la nuit pour envoyer l'Edouard porter la nouvelle qu’il engage par surprise la responsabilité du gouvernement sur le projet de réforme des retraites pour mettre fin, selon le "Grand débatteur", à l'examen chaotique, à la lampe frontale, des trous du texte lui-même mais aussi à la fouille infructueuse des poches des financiers potentiels par les membres de  la "commission de financement", qualifiés de "stratégie d’obstruction délibérée d’une minorité de députés"Réduisant à néant leurs efforts. 

"On se retrouve brutalement projeté dans l’ancien monde", regrette le député LREM du Vaucluse Jean-François Césarini, membre du collectif social-démocrate, et souvent présenté comme le patron de l’aile gauche de la majorité, mais toujours en place à LREM.


Vers un groupe indépendant ?
Le passage en force de Macron a réactivé la volonté de créer un groupe parlementaire "de gauche" dans les rangs de la majorité. "Avec cette utilisation du 49-3, la question de la création d’un groupe de gauche se pose avec un peu plus d’acuité", confirme l’avocat et soutien de Ségolène Royal, puis de Macron, Jean-Pierre Mignard, qui a lancé en avril 2019 avec le député LREM Aurélien Taché le think tank de centre gauche Hypérion

L’ancien socialiste met au point une restructuration du PS, via un pôle "démocrate, social et écologiste", rattaché à La République en marche, mais "indépendant politiquement" du groupe majoritaire car, se justifie-t-il, "on est toujours plus fécond lorsqu’on est libre". Un stratégie qui apparaît comme un serpent de mer depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée en 2017 : l'idée d'un "Agir de gauche"  ayant été successivement portée par [des ex-PS] Jean-Yves Le Drian, Brigitte Bourguignon ou Olivier Dussopt. 

Depuis quelques mois, La République en marche (LREM) voit ainsi sortir de terre une multitude de chapelles (Hypérion, Collectif social-démocrate, 'Agir de gauche',…), au risque de donner l’image d’une majorité balkanisée. Pour rééquilibrer le débat face aux ministres de droite et attirer des élus avant les municipales, Jean-Yves Le Drian devait lancer sa chapelle au mois de juillet 2019. "Début et mi-juillet", Hypérion devait accoucher de "Faire société". Le Drian devait en assumer la paternité et présider le mouvement pour recréer la confusion dans l'électorat aux municipales, comme à la présidentielle. Un 'Agir de gauche', donc, en référence au parti éponyme de centre droit, qui soutient la majorité. Le Drian comptait attirer dans les filets macroniens des élus de gauche racolés par Adrien Taché dans la perspective des élections municipales de mars 2020 et, "en même temps", emballer la marchandise défectueuse dans un nouveau papier-cadeau. "C’est encore un peu gazeux", reconnaissait un des acteurs du projet. Mais une chose est certaine, selon le même apprenti-sorcier : ce mouvement "sera le réceptacle" de tous les courants, think tank et autres cercles de réflexion qui peuplent la gauche de la Macronie. Une volonté de maîtrise hégémonique qui a trébuché en marche sur quelques mines.
Le député du Vaucluse Jean-François Césarini a donc repris le relais. L’hyperactif parlementaire multiplie les prises de positions et les tribunes pour faire exister un courant "social" de la majorité. Il a rallié à lui une petite dizaine de députés.

Un enchaînement de libérations des chaînes

Depuis l’annonce par le gouvernement du recours au 49.3, le sénateur des Bouches-du-Rhône Michel Amiel a annoncé son départ du parti du président, tandis que les permanences de campagne de deux membres du gouvernement  ont été taguées : le premier ministre Edouard Philippe au Havre et son ministre Gérald Darmanin à Tourcoing.

Le groupe macronien a prononcé trois exclusions depuis le début de la législature et enregistré désormais une douzaine de départs volontaires, sur fond de conflits sur l'alignement inconditionnel des godillots LREM sur les décisions controversées de Macron (on pense ainsi au rejet à l'aveugle d'un amendement porté par le député UDI Guy Bricout, qui visait à étendre de 5 à seulement 12 jours la durée du congé accordé dans le cas du décès d’un enfant) ou de désaccords sur les alliances aux municipales
S’y ajoutent plusieurs passages à 'apparentés' de membres à part entière.

Avec le départ plein et entier de D. Bagarry du groupe LRM, les effectifs tombent à 298, alors que la majorité absolue est à 289 sièges. Mais en comptant l’allié MoDem et ses 46 députés, la majorité peut s’appuyer sur 344 élus sur 577.

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