François Ruffin et Emmanuel Macron ont-ils "utilisé les ouvriers" d'Ecopla ?
L'avocat-journaliste Juan Branco révèle un accord de stratégie
L'apparente hostilité entre les deux Amiénois, c'est pour les media et les électeurs.
Avocat franco-espagnol opposant à la loi 'Hadopi 1' sur les droits d'auteur en 2009 et conseiller juridique en France de WikiLeaks et de Julian Assange, Juan Branco accuse les deux hommes d'avoir "mis en scène leur rivalité". Pour preuve, il publie un enregistrement de 2016 de leurs échanges sur l'entreprise Ecopla alors placée en liquidation judiciaire. D'autres extraits de la discussion, en présence de salariés de l'entreprise, et déjà diffusée à l'époque, apportent un autre éclairage.
Ce fichier audio datant de septembre 2016 d'un échange entre Emmanuel Macron et François Ruffin a été publié le mardi 26 novembre par l'avocat Juan Branco. Le premier, né en 1977, vient alors de quitter le ministère de l'Economie et le gouvernement et le second, né en 1975, journaliste à Fakir, media situé à la gauche de la gauche, n'est pas encore officiellement entré en politique. Les deux ont suivi leur scolarité au collège-lycée jésuite La Providence (1991-2007), un établissement privé catholique d'Amiens où enseignait la future épouse (1953) du jeune Emmanuel Macron.
Dans l'enregistrement de Branco - qui sera un avocat-conseil de "certains" Gilets Jaunes -, les deux hommes, qui se rencontrent au QG d'En Marche!, discutent de l'entreprise iséroise Ecopla, qui fabrique des barquettes en aluminium à Saint‑Vincent‑de‑Mercuze (38) et qui est alors placée en liquidation judiciaire. François Ruffin propose une "stratégie" au futur candidat et chef de l'Etat : "Le mieux, c'est que vous soyez vivement interpellé, et publiquement, par les salariés d'Ecopla. Ça fera un épisode. Et que vous y répondiez en disant : 'Moi, je suis prêt à me déplacer'. Ça fait un deuxième épisode."
Macron tombe d'accord pour "mettre en scène leur rivalité, en utilisant les ouvriers pour propulser leur notoriété"
Les compères |
VOIR et ENTENDRE comment Ruffin et Macron ont mis au point leur stratégie commune de valorisation médiatique, utilisant les ouvriers pour propulser leur notoriété:
François Ruffin a "tout essayé" pour sauver Ecopla
Cette discussion avait déjà été en partie diffusée par Radio Nova, en octobre 2016, dans une émission intitulée "QG de campagne". Dans cette version, des éléments de contexte apportent un autre éclairage. La conversation se déroule en présence de représentants d'Ecopla, venus plaider leur cause au QG du futur candidat à la présidentielle, sur les conseils de François Ruffin. On entend d'ailleurs le journaliste de Fakir conseiller aux salariés de "faire exister" leur situation dans l'espace public. Pour cela, Ruffin estime que Macron est "la clé du dossier", car il est alors "en pleine lumière". "Il faut lui bouffer un peu de sa lumière", résume-t-il.
Une fois élu député La France insoumise (LFI), Ruffin se défend dans Le Monde.
"A ce moment-là, je mène une énorme bagarre pour sortir Ecopla du merdier. Ils ont été pillés par des fonds de pension, victimes d'un patron voyou. Quand il était ministre de l'économie, Macron ne les avait ni reçus ni écoutés."
Au Figaro, il ajoute : "Je n’ai pas honte. J’étais dans un combat pour sauver des salariés d’une boîte située au fin fond de l’Isère, assure pourtant Ruffin. J'avais une carte Macron à jouer, je l'ai jouée. Et j'ai d'ailleurs joué d'autres cartes, avec d'autres candidats à la présidentielle, au même moment", révèle-t-il cyniquement.
"A ce moment-là, je mène une énorme bagarre pour sortir Ecopla du merdier. Ils ont été pillés par des fonds de pension, victimes d'un patron voyou. Quand il était ministre de l'économie, Macron ne les avait ni reçus ni écoutés."
Au Figaro, il ajoute : "Je n’ai pas honte. J’étais dans un combat pour sauver des salariés d’une boîte située au fin fond de l’Isère, assure pourtant Ruffin. J'avais une carte Macron à jouer, je l'ai jouée. Et j'ai d'ailleurs joué d'autres cartes, avec d'autres candidats à la présidentielle, au même moment", révèle-t-il cyniquement.
François Ruffin a également réagi sur Twitter : "Oui, avec Christophe, Karine et les autres ouvriers, nous avons tout essayé pour sauver cette usine. Jamais je n'en aurai honte, oui, c'est ma fierté."
Egalement sur Twitter, le député LFI de la Somme a fustigé les "donneurs de leçons", les appelant à mener "ces batailles sociales autrement que depuis des posts sur Facebook".
Egalement sur Twitter, le député LFI de la Somme a fustigé les "donneurs de leçons", les appelant à mener "ces batailles sociales autrement que depuis des posts sur Facebook".
"J’avais une carte Macron à jouer, je l’ai jouée", se justifie Ruffin
Au journal Le Figaro, François Ruffin explique ne pas avoir "envie de [se] cacher sur ce truc-là", évoquant l'entourloupe dont furent victimes les ex-salariés d'Ecopla, lesquels n'avaient finalement pas pu reprendre leur entreprise, rachetée par un concurrent italien, Cuki.
France Bleu Isère a rapporté, par ailleurs, que la société Nicholl Food Packaging (NFP), ex-maison-mère d'Ecopla, a été condamnée en avril 2018 à verser 1,2 million d'euros de dommages et intérêts à ses anciens ouvriers pour licenciements abusifs.
L'entourage de Macron nie "toute mise en scène"
De son côté, l'entourage de Macron dans le déni assure que "les nombreux témoins des différents face-à-face en attesteront", selon Le Figaro.
Revoyons donc la scène du 'deal':
L'entourage de Macron nie "toute mise en scène"
De son côté, l'entourage de Macron dans le déni assure que "les nombreux témoins des différents face-à-face en attesteront", selon Le Figaro.
Revoyons donc la scène du 'deal':
Cette complicité contre nature du banquier et de l'activiste agite le monde politico-syndical de la gauche de la gauche au centre
Mardi 26 novembre, Juan Branco, avocat proche de certains « gilets jaunes », a publié un fichier audio d’un échange datant de septembre 2016 entre François Ruffin et Emmanuel Macron. Le Figaro a également publié mardi un extrait du même échange.
Pour Juan Branco, qui a écrit plusieurs essais critiques de Macron, notamment Crépuscule (Au Diable Vauvert, 2019), il est clair que les ouvriers ont été "manipulés" par les deux hommes.
Faux, répond François Ruffin, auteur d’un pamphlet contre le président de la République, Ce pays que tu ne connais pas (Les Arènes, 2019) où il assume totalement sa méthode en faveur d’Ecopla.
Il rappelle qu’il a accompagné les salariés à Paris en septembre 2016 (dans la version Radio Nova de l'enregistrement ils sont d’ailleurs présents à l’échange avec Macron). A l’époque, il les avait également conviés à la Fête de L’Humanité et leur a fait rencontrer la plupart des candidats pressentis – droite et gauche devaient passer par des primaires − à l’élection présidentielle de 2017.
Il rappelle qu’il a accompagné les salariés à Paris en septembre 2016 (dans la version Radio Nova de l'enregistrement ils sont d’ailleurs présents à l’échange avec Macron). A l’époque, il les avait également conviés à la Fête de L’Humanité et leur a fait rencontrer la plupart des candidats pressentis – droite et gauche devaient passer par des primaires − à l’élection présidentielle de 2017.
L'un et l'autre complices nient avoir instrumentalisé les salariés d'Ecopla.
"Je veux bien qu’on me donne des leçons de morale. Mais quand tu es une petite entreprise, comment tu mobilises le monde politique et médiatique ? Je ne suis pas dans la honte. J’ai une foi. Je mène un combat. On a fait tout notre possible pour la boîte, on était prêts à occuper l’usine. Si Macron est une carte pour peser, je prends cette carte et je la joue." L'un et l'autre ont joué leur carte personnelle, l'un contre les partis et l'autre contre les syndicats.
Sans honte de son double-jeu, Ruffin souligne également qu’il est allé tracter le soir même de cette entrevue, devant une salle où Macron tenait un meeting. A l’été 2016, Ecopla a été mis en liquidation judiciaire.
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