vendredi 14 décembre 2018

Gilets jaunes: l'instrumentalisation de l'attentat de Strasbourg par le gouvernement est-elle impensable ?

L'opposition face à une campagne de presse pour sa dénonciation de l'instrumentalisation gouvernementale de l'attentat de Strasbourg

Jeudi, Nicolas Dupont-Aignan a taclé le gouvernement pour son "instrumentalisation" de l'attentat islamiste de Strasbourg 

Le président de Debout la France a accusé le gouvernement d'"instrumentaliser" l'attentat de Strasbourg pour "essayer de faire taire" les 'gilets jaunes', qu'il a toutefois appelés à "rester" manifester en province samedi.
"J'ai toujours dit aux gilets jaunes, avant même l'attentat: évitez les manifestations à Paris, restez dans vos mobilisations de province calmes, pacifiques", a rappelé Nicolas Dupont-Aignan sur LCI.

Mais la crise des gilets jaunes et l'attentat de Strasbourg n'ont "aucun rapport" et "je n'instrumentaliserai pas, comme le gouvernement, cet horrible attentat pour essayer de faire taire un peuple qui n'en peut plus de la manière dont il est gouverné et saigné".
"On ne va pas interdire la liberté d'expression dans notre pays parce que l'Etat est incapable d'assurer la sécurité face des djihadistes", a-t-il ajouté, appelant plutôt à répondre aux manifestants avec de "vraies mesures de pouvoir d'achat".

Il a en outre indiqué qu'il votera la motion de censure portée par les députés socialistes, communistes et insoumis - qui totalisent 62 voix, loin de la majorité des 577 députés, et n'ont donc aucune chance de faire tomber le gouvernement.

Le nouveau patron du PS accuse de désinformation le nouveau chef de bande LREM à l'Assemblée

Surprenant des propos mensongers, Olivier Faure a interrompu le duplex du président du groupe LREM avec LCP.
Au micro de LCP, le président du groupe LREM au palais Bourbon revenait sur les propos du patron du PS à la tribune, Olivier Faure, qui a estimé que la majorité aurait été "bien inspirée" de reporter le débat en raison de l'attentat de Strasbourg. Particulièrement offensif, le député socialiste avait ainsi lancé: "vous avez fait le choix cynique d'utiliser le drame pour mieux cacher la crise".

Souhaitant réagir, Gilles Le Gendre s'est vu tendre un micro par ... LCI. Et il a ouvert son entretien en polémiquant hors la présence d'Olivier Faure qui, selon lui, aurait "une fâcheuse tendance à perdre son calme" et en estimant que le groupe PS est "très divisé" sur la stratégie du chef du parti. Sauf que, à ce moment précis, l'intéressé passait à proximité et a décidé de s'inviter dans ce duplex. "Il ne faut pas mentir Gilles", lui a lancé Olivier Faure.

Comme le montre l'échange isolé par LCP (ci-dessous), s'en suit un dialogue de sourds au cours duquel les deux chiffonniers règlent leurs comptes.


Fin de l'histoire? Non. La joute s'est poursuivie sur Twitter. "Voilà son sens de la démocratie : traiter en public le président Richard Ferrand de minable, et méconnaître sciemment le règlement de l'Assemblée", a lancé Gilles Le Gendre. Réponse illico du chef de file socialiste: "Oui Gilles Le Gendre, il est minable de prétendre que nous sommes divisés pour justifier vos choix. Comme il n'est pas glorieux de ne pas reconnaître que quand je vous en ai parlé, vous étiez aussi d'avis de reporter le débat de quelques jours par simple décence".

Le gouvernement instrumentalise contre les gilets jaunes l’émotion populaire créée par l'attentat islamiste de Strasbourg


La fusillade visant le marché de Noël de Strasbourg, ce mardi, a fait trois victimes et treize blessés. Cet acte barbare perpétré par un islamiste franco-algérien est instrumentalisé par le gouvernement pour "appeler les lycéens et les gilets jaunes à mettre un terme à leur mobilisation". Prétexte sécuritaire, non-respect des familles des victimes, responsabilisation indirecte des gilets jaunes, accusation de complotisme, tout est bon pour en finir avec les opposants au régime autoritaire de Macron. Depuis que le terroriste a été abattu, hier soir, suite à un signalement citoyen, la tuerie a été revendiquée par l'Etat islamique.

L’indignation et l’émotion sont légitimes. Ce qui l’est moins, c’est que le gouvernement les utilise à des fins politiciennes pour tenter d’étouffer la prochaine journée de manifestation des gilets jaunes, ce samedi 15 décembre. Dès le lendemain de l'attentat, le gouvernement a multiplié les injonctions à stopper la mobilisation des gilets jaunes et de la jeunesse.

Christophe Rouget, secrétaire général adjoint des cadres de la sécurité intérieure, a ainsi lancé un appel aux "lycéens et les gilets jaunes à mettre un terme à leur mobilisation pendant le temps" de la recherche du suspect (alors) en fuite. Les pressions ne portent plus seulement sur le prétexte, déjà sécuritaire, de "faire le jeu des casseurs", comme ce fut déjà le cas samedi 8 décembre. Elles visent à justifier par avance la répression. Les manifestants se trouvent désormais pointés comme responsables de toutes les violences de rue sur le territoire. Et la presse en profite pour citer des statistiques officielles mêlant indistinctement les victimes de part et d'autre, donc des Gilets jaunes, comme ce jeune homme tué à un carrefour d'Avignon, fauché par un conducteur polonais. 
Christophe Rouget regrette que "les policiers étaient déjà mobilisés avec les gilets jaunes et les lycéens". Ils l'étaient particulièrement à Lyon, dont le maire est l'ancien ministre de l'Intérieur de Macron et où on n'a pas eu à déplorer d'incidents, à la différence de Bordeaux ou Marseille. 
Le ministère de l’Intérieur diffuse en effet l'élément de langage d'un épuisement des forces de l'ordre, alors que son demi-ministre, Castaner, est actuellement interpellé sur sa maîtrise de l'événement, notamment son degré de vigilance et le niveau de sécurité adoptés. 

Dans Le Parisien, une fuite très peu accidentelle des services de police précise même que "les CRS du marché du Noël avaient été déplacés sur les manifs de lycéens". Ainsi les manifestants, "gilets jaunes et lycéens", sont-ils désormais accusés de faire le lit du terrorisme.

Dans ce contexte, rien d’étonnant, selon Le Parisien, à ce que les "thèses complotistes pleuvent dans les groupes de gilets jaunes". Le Parisien déplace même le problème. Il n'est plus question en effet de l'accusation de récupération quand le journal estime que "rendre le gouvernement responsable de cette fusillade n’a, bien sûr, rien de crédible, et ne repose sur aucun fait tangible". En effet, mais pas plus que de soupçonner les gilets jaunes et lycéens d'une quelconque part de responsabilité dans la tuerie de Strasbourg...

Cette instrumentalisation politique est "attestée par les multiples déclarations des membres du gouvernement et des membres du ministère de l’Intérieur".  Elle est bien en marche, insiste donc Le Parisien. "Il y a eu un événement dramatique à Strasbourg […] Je pense que le mouvement doit cesser", a déclaré la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, sur la même ligne que Castaner.

"Par simple décence, il ne faut pas que les gilets jaunes manifestant samedi" a renchéri le journaliste Jean-Michel Aphatie sur Europe 1, laquelle radio appartient à Lagardère SCA ( Elle, Paris Match, Télé 7 jours, Le Journal du dimanche), comme Le Parisien est détenu par le groupe Les Echos, filiale du groupe LVMH dirigé par l'homme d'affaires Bernard Arnault. Preuve - s'il était besoin - de la totale indépendance de ce dernier groupe, il bénéficie de subventions de l'Etat français. La pression est autant politique que médiatique : c’est la bataille de l’opinion que le gouvernement souhaite désormais gagner - avec le soutien de ses supplétifs nantis - en récupérant l'attentat de Strasbourg.

Or, les propositions du président, lundi soir, ont tenté de désamorcer la mobilisation des gilets jaunes, sans pour l’instant obtenir les effets escomptés : selon l’enquête Odoxa pour le Figaro, 59% des sondés n’ont pas été convaincus par le président et ils sont toujours 64%, imperméables au matraquage médiatique, continuent de soutenir la mobilisation des Gilets Jaunes, selon le sondage Opinion Ways pour LCI. Ce qui, du point de vue du gouvernement, reste largement insuffisant, eu égard aux efforts de manipulation de l'opinion, même sur la forme. Autre marque de pressions improductives, en dépit du climat de terreur instauré par Edouard Philippe et Christophe Castaner, le nombre de manifestants n’a pas décliné ce 8 décembre (environ 130.000 selon le ministère de l’Intérieur, soit autant que le 1er décembre, avec davantage de dégâts en rapport de l'exaspération des 'Gaulois réfractaires' attachés à la préservation de leur pouvoir d'achat.

De la même manière que de nombreux manifestants se sont mis à genoux en soutien et en solidarité aux lycéens de Mantes-La-Jolie, ce n’est pas au gouvernement d'imposer la manière dont on rend hommage aux victimes du terroriste islamiste de Strasbourg.

Face à un gouvernement aux abois, prêt à aller jusqu’à instrumentaliser l’émotion et l’indignation populaire pour en finir avec le soulèvement des gilets jaunes et contrecarrer toute convergence des luttes avec la mobilisation lycéenne, la seule riposte, c’est l'amplification des mobilisations par le maintien, d'une part, des manifestations et grèves CGT déjà prévues le vendredi 14 décembre et, d'autre part, de l’acte V prévu le lendemain, samedi 15.

Cette instrumentalisation de l’émotion populaire n’est qu’en définitive l’expression d’un Jupiter en fin de règne. Macron a reculé face à la rue pour la première fois de son quinquennat. Ce dont il a peur, c’est que les luttes continuent et qu'elles convergent dans un "tous ensemble".

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