samedi 20 octobre 2018

Brexit: la gauche remet en question le vote populaire majoritaire

Une foule géante demande un second référendum sur le Brexit

La gauche britannique, mais aussi européenne, s'est rassemblée à Londres, se déclarant trompée par les termes du Brexit


Des dizaines de milliers de citoyens se disant vigilants et éclairés ont commencé à manifester bruyamment ce samedi 20 octobre 2018 à Londres pour réclamer un référendum sur l'accord final sur le Brexit, toujours en négociation entre Londres et Bruxelles à cinq mois du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.


Le cortège des nostalgiques de l'Union européenne700.000, mais c'est selon The Guardian - venus des quatre coins du pays et amenés par plus de 150 cars a parcouru le centre de la capitale britannique à la mi-journée, en direction du Parlement.

Parmi eux figurent notamment de nombreux citoyens européens, représentés notamment par The3Million, un groupe de pression (on dit 'lobby', outre-Manche !) défendant les intérêts des quelque 3,7 millions d'Européens installés au Royaume-Uni
Ils répondaient à l'appel de People's Vote ('Le Vote du peuple', appellation surréaliste pour les battus d'un vote populaire), un mouvement militant pour un "vote populaire" et réunissant plusieurs associations europhiles.

"Les gens ont été trompés", assurent-ils, méprisant du jugement de leurs concitoyens pro-Brexit

Lors du dernier défilé de ce genre, en juin, environ 100.000 personnes s'étaient rassemblées et les organisateurs espèrent bien dépasser ce nombre, avec la manifestation "la plus grande" et la plus "bruyante" jamais organisée en faveur d'un tel scrutin.

Les Britanniques se sont prononcés à 52 % en faveur de la sortie de l'UE lors du référendum du 23 juin 2016, mais les organisateurs assurent qu'ils auraient voté différemment s'ils avaient eu conscience des réels enjeux du Brexit. La presse a-t-elle failli à sa tâche d'information ? Les travaillistes n'ont-ils pas plutôt échoué à convaincre la population ?

Ils veulent les avantages de l'UE, sans les inconvénients

"Rester ensemble", mais en dehors de  la "zone euro" !
"Je pense que les gens ont été trompés de plusieurs manières", raconte l'entrepreneur Peter Hancock, alors qu'il noue un drapeau européen, étoiles jaunes sur fond bleu, autour du cou de son grand chien de berger George. 

"Nous voulons rester européens", ajoute sa femme Julie, en fauteuil roulant. "Nous ne voyons pas du tout les bénéfices d'un retrait."

Veulent-ils aussi intégrer la 'zone euro' et abandonner la livre sterling ?
Le 5 juin 1975, 67.2% de l'électorat et tous les pays ou régions membres du Royaume-Uni, sauf deux, votèrent pour le maintien dans l'Union européenne. En 1983, le Labour Party (travailliste) fit campagne pour le retrait, sans référendum. En 1985, sans référendum, le gouvernement Thatcher ratifia le 'Single European Act', première révision importante du Traité de Rome. Le 1er novembre 1993, le Traité de Maastricht entérina le passage de la 'Communauté européenne' à l' 'Union européenne', actant l'évolution de l'organisation d'union économique en union politique.
En 1993 apparut le UKIP (UK Independence Party), parti eurosceptique qui arriva troisième aux Européennes de 2004 au Royaume-Uni, deuxième en 2009 et premier en 2014, avec 27.5% des suffrages, battant les deux partis historiques pour la première fois à des élections générales depuis 1910. Le succès de UKIP aux Européennes de 2014 annonçait le vote majoritaire pour le retrait de l'UE au référendum de 2016.
Le Royaume-Uni n'avait déjà pas voulu entrer dans la "zone euro"
La zone euro, zone monétaire qui regroupe les Etats membres de l'Union européenne qui ont accepté d'adopter l'euro (EUR, €) comme monnaie dont la création fut officialisée lors du traité de Maastricht ; sur les vingt-huit Etats membres de l'UE, dix-neuf utilisent l'euro. Le Royaume Uni l'a refusé... 
Le Royaume-Uni possède une dérogation permanente qui lui permet de ne pas adhérer à la zone euro. Pour l'heure, le pays n'envisage pas de se lancer dans une démarche d'adhésion... En effet, cet Etat poursuit depuis mars 2017 des négociations en vue de quitter l'Union européenne. Les zones souveraines britanniques de Chypre utilisent cependant l'euro par dérogation à ce principe et la législation locale a été mise en conformité avec le droit de l'Union européenne.
Les ministres des Finances des états membres de la zone euro constituent l'Eurogroupe, où le Royaume-Uni n'est donc pas présent. Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) est l'instrument dont les pays de la zone euro se sont dotés afin de coordonner leurs politiques budgétaires nationales et d'éviter l'apparition de déficits publics excessifs. Le Royaume-Uni n'en fait pas partie.

Les groupes de pression principaux en faveur du maintien sont :

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'Britain Stronger in Europe', communément appelé 'Remain' (Restons), dont les militants, dirigés par Stuart Rose, sont caricaturés en "Remoaners" (mot porte-manteau qualifiant de "geignards" les partisans du maintien).
Les autres groupes opposés au retrait sont 'Conservatives In', 'Labour in for Britain', '#INtogether' (Liberal Democrats), 'Scientists for EU', 'Greens for a Better Europe', 'Environmentalists For Europe', 'Universities for Europe' et 'Une Autre Europe est possible' (Another Europe is Possible), ces derniers prétendant infléchir la politique européenne de l'intérieur.
Quant aux groupes officiels en faveur du retrait, ce sont 'Vote Leave' ou "Leave.EU".

Les derniers groupes de pression en date s'opposent à un "hard Brexit" et militent pour des aménagements qui perpétueraient le régime particulier du Royaume-Uni
  
The3million' est un groupe de pression qui veut sauvegarder les intérêts des étrangers vivant au Royaume-Uni. Il est animé par Chuka Umunna, député travailliste du Grand Londres, 40 ans, né d'un père nigérian et d'une mère anglo-irlandaise, membre du cabinet fantôme, en tant que secrétaire d'Etat au Commerce, à l'Innovation et au Savoir-faire, réélu en 2015, lors du scrutin au profit des conservateurs de David Cameron.

Le groupe de pression populiste 'People's Vote' appelle à un nouveau vote, avec des conditions en faveur d'un 'soft Brexit', c'est-à-dire un régime special... 
Sadiq Khan November 2016.jpgLancé en avril 2018, il a le soutien de Chuka Umunna, ainsi que démocrates libéraux et de Verts.
Le parti travailliste instrumentalise le mouvement contre un "hard Brexit", espérant y récupérer des électeurs. Ainsi la marche du 20 octobre 2018 en faveur d'un nouveau référendum avant la décision finale, en mars prochain, était menée par le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan, ci-contre, né à Londres de parents pakistanais. 

Theresa May n'est pas une girouette

Mais ce rassemblement du weekend risque peu de convaincre la Première ministre Theresa May, fermement opposée à cette idée de référendum à répétition. "Il n'y aura pas de second référendum. Les gens ont voté", a déclaré la cheffe du gouvernement britannique mercredi 17 octobre, déterminée à "mettre en œuvre" le choix du peuple souverain en 2016.

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De leur côté, les organisateurs soulignent qu'à quelques mois du Brexit, prévu le 29 mars 2019, les négociations entre Londres et Bruxelles restent complexes et ardues, en particulier sur la question de la frontière sur l'île d'Irlande et que l'incertitude demeure sur la façon dont le Royaume-Uni quittera l'UE.

"Les problèmes les plus importants restent à négocier, de nombreuses conséquences restent cachées", estime Carmen Smith, partisane du mouvement 'For Our Future's Sake', FFS (Pour notre avenir, groupe étudiant en faveur d'un nouveau vote, lancé par la 'National Union of Students', syndicat étudiant dominant, dominé par le 'Labour party'), citée dans un communiqué. "Le temps presse. C'est un sujet urgent. L'élite du Brexit a montré qu'elle était incapable de résoudre le problème. Mais vous, vous pouvez, en demandant un vote du peuple." Démagogie populiste...

Qui sont les soutiens politiques ?

L'idée d'un nouveau référendum a gagné en popularité ces derniers mois au Royaume-Uni, avec la crainte de l'avenir et de son "splendide isolement", et des personnalités politiques de tous bords - mais singulièrement à gauche -  la soutiennent, comme l'ancien Premier ministre travailliste Tony Blair.

Le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan, était au nombre des orateurs entendus samedi dans le centre de Londres figurent , ainsi que des députés des partis conservateur, travailliste, libéral-démocrate, vert, et du SNP (parti indépendantiste écossais). 

"Le Brexit divise les générations. Une grande majorité de ma génération a voté pour partir. Une grande majorité des jeunes ont voté pour rester. Votre génération [les jeunes] est trahie par la mienne", n'hésite pas à dire le chef des libéraux-démocrates, Vince Cable, à l'intention des jeunes manifestants.

Ils remettent ça le 5 novembre prochain.

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