Le Parquet de Brest est dessaisi de l’enquête sur l’opération immobilière de Richard Ferrand
L’affaire porte sur le bien immobilier acquis à Brest par sa compagne, l’avocate Sandrine Doucen, puis loué aux Mutuelles de Bretagne, dont R. Ferrand était alors le directeur général.
Parti de Brest, Paris et arrivé à Lille, via Paris, le dossier nomade des Mutuelles de Bretagne, ou affaire Ferrand, du nom de l’éphémère ministre et actuel député (LRM) du Finistère, est une patate chaude. La Cour de cassation a ordonné, le 25 juillet, le dépaysement de l’enquête ouverte à Paris pour "prise illégale d’intérêts", "recel et complicité" de ce délit, a-t-on appris, jeudi 30 août.
Le parcours judiciaire de ce dossier suit une trajectoire sinueuse, depuis le premier article du Canard enchaîné, le 24 mai 2017. L’hebdomadaire dévoilait alors comment Richard Ferrand avait, en 2011, permis à sa compagne, Sandrine Doucen, ci-contre, de réaliser une juteuse opération immobilière. Celui qui dirigeait à l’époque les Mutuelles de Bretagne (1998-2012) avait organisé l’achat de locaux d’une valeur finale de plus de 580.000 euros, qu’elle avait ensuite loué à l’organisme.
A la suite de ces révélations, enrichies par d’autres enquêtes publiées dans la presse, les rebondissements judiciaires se sont succédé. Dès le 26 mai 2017, Eric Mathais, le procureur local de Brest, estime qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir une enquête. Avant de se raviser quelques jours plus tard, le 1er juin : à la suite de pressions ? Le gouvernement est-il intervenu.
Anticor ne lâche pas l'affaire
Entre-temps, Anticor a porté plainte auprès du Parquet, le 31 mai. L’association de lutte contre la corruption fait depuis preuve d’une persévérance certaine.
Après le classement sans suite annoncé par le nouveau procureur de Brest, le 13 octobre 2017, estimant que "les infractions d’abus de confiance et d’escroquerie n’[étaient] pas constituées" et les faits éventuels de prise illégale d’intérêts prescrits, l’avocat d’Anticor, Jérôme Karsenti, dépose une nouvelle plainte à Paris avec constitution de partie civile, en novembre.
Désigné par le Parquet national financier, le juge Renaud Van Ruymbeke décide d’ouvrir, le 12 janvier, une information judiciaire pour prise illégale d’intérêts.
Grève du zèle des procureurs
Fin février, le vice-président d’Anticor, Eric Alt, est brièvement auditionné en tant que représentant de la partie civile. Le processus judiciaire semble enclenché. Le président du groupe LREM à l’Assemblée nationale et sa compagne, Sandrine Doucen, doivent être entendus fin mars par le juge Van Ruymbeke. Leur audition est finalement reportée sine die, car dès la mi-mars, leurs avocats, Mes Philippe Bazire, Georges Holleaux et Frédéric Thiriez, dénoncent la partialité de la justice, soupçonnant un "conflit d’intérêts" et une "atteinte au principe d’impartialité objective". magistrat au Tribunal de Grande Instance de Paris, le vice-président d’Anticor, E. Alt pourrait ainsi profiter de sa " position professionnelle" pour peser sur la procédure.
Catherine Champrenault, la procureure générale de Paris transmet la demande de dépaysement à la Cour de cassation, qui l’a donc accordé, le 25 juillet, "afin de garantir l’impartialité objective de la juridiction saisie". Comme si le dépaysement du dossier était une garantie suffisante.
Certains voient dans cette succession d’étapes une volonté de gagner du temps. Me Jérôme Karsenti est de cet avis et regrette des "manœuvres dilatoires". " Depuis le début, M. Ferrand multiplie les embûches à l’ouverture d’une information judiciaire, estime l’avocat d’Anticor. On a perdu presque un an dans ce dossier depuis la plainte avec constitution de partie civile." Il déplore que l’association soit "privée du pôle financier, qui a une compétence nationale, sur un prétexte totalement ahurissant".
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