Le prince héritier d'Arabie saoudite en visite officielle à Paris pendant la grève SNCF
L'AFP nous en dresse un portrait favorable
Macron , avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, main dans la main, à Riyad |
L'un des hommes clés au Moyen-Orient, le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, sera en visite en France de dimanche à mardi prochain. Grève ou pas grève.
Le nouvel homme fort de Riyad, qui a déjà visité plusieurs capitales occidentales et qui nourrit d'importantes ambitions de réformes en Arabie saoudite, "sera en visite officielle à Paris lundi et mardi, pour une visite principalement axée sur la culture, le tourisme, l'investissement et les nouvelles technologies", a précisé une source proche de la délégation saoudienne, tandis que l'Elysée n'ébruite pas cette visite contestée.
Selon certaines sources, il devrait arriver dès dimanche en France. Un flou qui conforme les craintes des services respectifs de sécurité.
L'AFP lui décerne un brevet de respectabilité : surnommé MBS, Mohammed ben Salmane s'est récemment rendu en Grande-Bretagne et se trouve actuellement aux Etats-Unis, ce qui ne plaide pas franchement en faveur de MBS au regard des critiques incessantes de la presse aux ordres envers Trump.
L'AFP prête au trentenaire toutes les vertus
Réformiste de 32 ans, il a lancé une purge anti-corruption, a fait des déclarations sur l'évolution qu'il souhaite pour la société, notamment en ce qui concerne les droits des femmes, et veut réformer l'économie pour la préparer à l'ère de l'après-pétrole.
Les réformes du prince s’inspirent des Emirats arabes unis et Macron observe les deux avec sympathie.
Le projet de MBS est de faire de l’Arabie saoudite une version XL des Emirats arabes unis, c’est-à-dire un mélange de société ouverte, de libéralisme économique garant d’une certaine prospérité et d’autocratie, dans lequel Macron se reconnaît. Mohammed ben Zayed, 57 ans (ci-contre), prince héritier d’Abu Dhabi, le plus riche des sept émirats arabes unis, est devenu le mentor du Saoudien. MBS et MBZ, comme on les surnomme, sont très liés et une étroite coordination s'est établie entre les deux capitales, malgré le défi difficile : la population de l’Arabie saoudite est beaucoup plus importante, plus diversifiée et plus susceptible de se politiser.
Depuis sa nomination au poste de ministre de la Défense, MBZ est considéré comme le nouvel homme fort des Emirats arabes unis, notamment par les autorités français. Or, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis (donc Abu Dabi et MBZ) bombardent le Yémen depuis trois ans pour aider le gouvernement à vaincre ses ennemis houthis soutenus par l'Iran. Difficile pour Macron de dire qu'il est l'ami de l'Iran. Début janvier, à son homologue iranien Hassan Rohani, le président français a d'ailleurs exprimé sa "préoccupation" face "au nombre de victimes liées aux manifestations" des jours précédents en Iran et a appelé Téhéran à "la retenue et à l'apaisement." Assez pour tendre nos relations avec la Syrie, l'Irak, le Liban et le Yémen, alors que l'Iran soutient Daech.
Le prince saoudien pourrait relancer la guerre sunnites contre chiites
Acteur diplomatique majeur de la crise entre Ryad et Téhéran qui secoue l'ensemble de la région, il a aussi affirmé que l'Arabie saoudite se doterait de l'arme nucléaire "si l'Iran développe une bombe nucléaire".
Il est aussi un des acteurs clé de la guerre au Yémen où la coalition internationale emmenée par l'Arabie saoudite combat les rebelles houthis soutenus par l'Iran. Plusieurs ONG demandent à la France de cesser de fournir des armes à l'Arabie saoudite au motif que ces dernières feraient des victimes parmi les populations civiles du Yémen.
Son alliance objective avec Israël rebrasse les cartes au Moyen-Orient.
Les Israéliens ont le "droit" d'avoir leur propre Etat-nation comme les Palestiniens, a-t-il par exemple déclaré récemment dans la revue américaine The Atlantic, établissant ainsi un nouveau signe d'un rapprochement apparent avec Israël, alors que les deux pays ont l'Iran pour ennemi commun.
L'Arabie saoudite, allié encombrant
Le pétrodollar est l’une des bases fondamentales de l’économie mondiale moderne, rejaillissant inévitablement sur la géopolitique. Les Etat-s-Unis ont apporté à la famille régnante en Arabie Saoudite une certaine sécurité dans une région pleine de périls en échange d'une alliance sûre et essentielle parmi les membres de l’OPEP : l’Arabie Saoudite est le plus gros producteur de pétrole de l’OPEP, où elle occupe une position prépondérante, et elle est aussi le seul membre de ce cartel à ne pas être tenue de respecter un quota de productivité. C’est un producteur versatile qui peut augmenter ou diminuer sa production de pétrole pour provoquer une pénurie ou saturer le marché mondial. Par voie de conséquence, c’est pratiquement l’Arabie Saoudite qui détermine le prix du pétrole. Le système, qui fait du dollar la monnaie de réserve pour les échanges pétroliers a pour conséquence de maintenir la demande en dollars " artificiellement" forte depuis les années 70.
La politique américaine en Irak avait pour but de préserver et renforcer la position dominante des États-Unis, voire de s’emparer du pétrole irakien (et iranien). L'Etat irakien maintenait le verrou fermé aux populations entre le Sud et le Nord. Or, la menace islamiste sur le monde s’est matérialisée pendant ces dix dernières années et Daech poursuit d'ailleurs la guerre encore actuellement, à vaste échelle et à fronts multiples, ce qui appelle à une recomposition des stratégies et des alliances. MBS s'y emploie : c'est l'avenir de sa dynastie qui est en jeu.
De même que Macron montre les muscles sur plusieurs théâtres militaires, la politique extérieure agressive du prince au Yémen, au Qatar et au Liban pourrait potentiellement déstabiliser la région. Croyant aujourd’hui à un alignement des astres propice à un renversement des équilibres, l'un et l'autre apparaissent dangereux, notamment en Iran. Depuis des années, les Sunnites saoudiens se sentent encerclés par les Chiites iraniens, qui sont de plus en plus en position de force en Syrie, en Irak, au Liban, à travers le Hezbollah et au Yémen. Alors MBS s'est aisément rapproché de Jared Kushner, surnommé ironiquement "MBK", Mohammed ben Kushner, le gendre et conseiller spécial de Trump, comme du président américain, tous deux très anti-iraniens. Pour lui, c’est le moment où jamais de rabaisser l’influence de Téhéran dans la région. Il est dans une logique d’escalade.
Le prince héritier saoudien vient de traiter l’ayatollah Khamenei, guide suprême de l’Iran, de "nouvel Hitler" et les investisseurs étrangers ont pris peur. Son aventurisme à l’international sidère et la "purge anti-corruption" du 4 novembre 2017 a pu en refroidir plus d’un : 381 suspects avaient été arrêtés. Certains hommes d’affaires en France et ailleurs ont été choqués de voir leurs partenaires "embastillés" dans les suites du Ritz-Carlton à Riyad, sans jugement. Leurs avoirs ont été gelés. Et le premier prince libéré, le propriétaire du Crillon, à Paris, a dû signer un chèque de 1 milliard de dollars pour sortir. Le 9 novembre 2017, le président Macron s'était néanmoins rendu à Ryad, assurant que sa visite prévue plusieurs semaines à l'avance visait notamment à faire baisser la tension entre l'Arabie saoudite et l'Iran...
Peut-on faire confiance au prince héritier Mohammed ben Salmane ?
Comme Macron avec ses réformes, le nouveau faucon de Riyad prend des risques fous.
Comme lui, MBS gouverne d'une main de fer (il a fait arrêter des dizaines d’arrestations visant certains des hommes d’affaires les plus importants du pays, comme le milliardaire Al-Walid ben Talal, première fortune du monde arabe, qui détient notamment le George V à Paris ou Bakr ben Laden, qui dirige le plus grand groupe de BTP d’Arabie. Les milliardaires français Arnault et Pinault en font des cauchemars; quant à Niel et Bolloré ils ont déjà démontré qu'ils savent où est leur intérêt !) et a joui d’une image flatteuse parce qu’il est jeune et promet des réformes. Mais leurs accessions soudaines aux responsabilités suprêmes et leurs arrogances respectives leur ont valu beaucoup d’ennemis. Le prince héritier peut espérer compter sur deux soutiens, celui de son père et celui du peuple, même s’il est difficile d’en prendre la mesure réelle, comme dans l'Hexagone.
D'autant qu'en France, à la différence de MBS qui joue clairement le peuple contre les élites, Macron joue le jeu inverse. Quoi qu'en dise son entourage qui se plaît à rappeler qu'elles étaient annoncées par le candidat, les réformes macroniennes du modèle économique ne sont pas en phase avec ce que pense une bonne partie de la population, pas plus que la réforme du code du Travail imposée par voie d'ordonnances ou celle à venir des institutions.
MBS a proclamé sa volonté de mettre en place un islam modéré en rupture avec "trente années d’extrémisme". Il veut un islam docile sous contrôle des autorités politiques et "occidentalo-compatible": il est donc pour un entrisme sournois de l'islam en Occident.
De son côté, Macron a déclaré que ses équipes travaillent à la structuration de l'islam de France et aussi à la manière de l'expliquer, ce à quoi le président de la République ne parvient déjà pas lui-même dans la pédagogie de ses réformes, comme les cheminots le démontrent : sans doute sont-ils des "illettrés", doublés de "cyniques" attachés à leurs "droits acquis", le "sac à dos social" en cours de négociation...
L'Etat islamique, à ses débuts, a reçu un soutien financier de l'Arabie saoudite
Selon plusieurs spécialistes, l'EI a bénéficié du soutien actif de plusieurs Etats du Golfe, quand il a rejoint l’insurrection syrienne sous le nom d’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). "Il est clair que l’Arabie saoudite, puis le Qatar l’ont financé", déclare Alain Chouet, ancien officier de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Il souligne d'ailleurs, ce que la presse répugne à admettre, que les rebelles au régime ne se battent pas fondamentalement pour davantage de démocratie de type occidental, mais ont des motivations avant tout d'ordre religieux.
"Ces deux Etats finançaient l’ensemble des forces anti-Assad", complète Alain Rodier, ancien membre du même service et chercheur au Centre français de recherche sur le renseignement...
Un rapport britannique révèle comment Washington et Riyad ont armé Daech.
Alors que Daech a été vaincu en Irak et est en passe de disparaître en Syrie, l’ONG britannique Conflict Armament Research (CAR) vient de publier un rapport sur l’origine des armes utilisées par l’État Islamique. L'organisation supranationale pointe du doigt les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. Mais la majeure partie d’entre elles proviennent des stocks des armées syriennes et irakiennes récupérés lors des offensives de l’Etat Islamique. Or, "environ 90% des armes et des munitions (97% en Syrie et 87% en Irak) sont généralement de fabrication russe pour la Syrie et chinoise, hongroise et roumaine pour l’Irak."
L’ONG signale qu’à plusieurs reprises, des armes livrées par les États-Unis et l’Arabie Saoudite à des groupes anti-Assad se seraient retrouvées dans les mains de Daech, suite notamment à des revirements d’alliances, soit seulement 2 % de ces armements.
Le rapport du CAR ne mentionne ni les armes chimiques explosives fournies par la Turquie à partir desquelles la fabrication d'IED ('improvised explosive device' ou engins explosifs improvisés) fut rendues possibles à l'Etat islamique, ni les missiles anti-char BGM-71 TOW, de fabrication américaine, qui auraient été massivement livrés par l’Arabie Saoudite aux "rebelles" syriens et a causé d’importants dégâts aux forces régulières syrienne tout au long du conflit.
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