jeudi 16 mars 2017

La "clause Molière" déclenche l'hostilité de la gauche et des syndicats

Haro contre le français, langue commune sur les chantiers

Fi des consignes de sécurité en langue véhiculaire

Le secrétaire général de la CFDT, proche du PS, a joint sa voix à la dénonciation par la gauche de la clause dite "Molière". Elle impose l'usage du Français sur les chantiers dans certaines régions de France dirigées par ...la droite.

Laurent Berger ne s'est pas privé d'un procès d'intention
"C'est insupportable, ça me met hors de moi. C'est des relents de préférence nationale", a éructé le dirigeant syndical sur Europe 1 ce jeudi.
Alors que la campagne présidentielle bat son plein, il a le sentiment qu'"on veut faire croire qu'on veut lutter contre le dumping social et on tape sur les salariés avec des fondements dont on voit bien qu'ils sont xénophobes."

"Donc il faut attaquer cela. Il y a d'autres moyens de lutte contre le dumping social", a-t-il ajouté. Et de proposer des crédits supplémentaires. "Il faut donner des moyens renforcés à l'inspection du travail par exemple. On peut rediscuter de la directive travailleurs détachés en Europe. Mais surtout pas ce type de mesure. C'est franchement à vomir."

L'extrême gauche ne soutient pas non plus le travailleur français

Philippe Martinez, son homologue de la CGT, proche du Parti communiste, avait déjà dénoncé une "marche vers la préférence nationale" dans les pas du Front national. Lui aussi a appelé à bâtir des règles communes en matière de protection sociale et de sécurité.
Donner la priorité au chômeur français, "c'est absolument scandaleux, assure l'extrémiste de gauche. C'est une clause purement électoraliste dans le cadre d'une campagne présidentielle", a-t-il dit mardi sur France Inter. "On stigmatise les étrangers parce qu'ils ne parleraient pas assez bien français." Mieux vaut stigmatiser les travailleurs qui parlent la langue...

Le ministre de l'Economie et des Finances a saisi sa direction des affaires juridiques, pour examiner la légalité de cette clause

Le gouvernement s'ingère dans l'administration des régions
égligeant les offres d'emploi qui échappent aux demandeurs français, Michel Sapin juge la disposition "raciste, discriminatoire et inapplicable" dans son entourage.

Bernard Cazeneuve a pour sa part accusé les promoteurs de la clause Molière au parti Les Républicains. Anticipant l'avis de la direction des affaires juridiques de Bercy, le Premier ministre en campagne a polémiqué, dénonçant "une clause Tartuffe" et a tenté d'établir un lien avec le candidat à l'élection présidentielle qui essayerait d'en "tirer profit électoral" parce qu'il serait en difficulté, alors que Fillon est en progression et devance le candidat du Parti socialiste d'une dizaine de points...

Dans un discours au Conseil économique, social et environnemental (Cese), le chef du gouvernement a encore jugé que cette mesure serait condamnée par "n'importe quel tribunal" car elle fait "obstacle à la concurrence d'entreprises étrangères faisant appel à des travailleurs détachés", a-t-il anticipé mercredi 

Du côté patronal, le président du Medef est sur le même registre, mettant  en garde contre des dérives "nationalistes" pour des raisons opposées.
"Vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l'euro," a raconté Pierre Gattaz, mardi, lors de sa conférence de presse mensuelle, préoccupé de conserver la possibilité d'embauche à bas coût.

Le parti du principal candidat de la droite et du centre à l'élection présidentielle, François Fillon, n'a pas éludé le débat.
Soutien de Juppé, Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne Les Républicains spécialiste du dossier, l'a alerté en des termes outranciers. "Le repli sur soi est le chemin de l'abdication", a-t-elle écrit dans ce courrier excessif en l'exhortant à résister.
"Cette clause contrevient aux fondements même des droits et libertés qui fondent l'Europe", a-t-elle repris mercredi face à des journalistes.

Les Républicains se voit reprocher la défense des intérêts des salariés français 

La "clause Molière" a été introduite en Ile-de-France, dans les régions Hauts-de-France, Normandie et d'Auvergne-Rhône-Alpes, toutes gérées par Les Républicains.
Elle vise à lutter contre la directive européenne des travailleurs détachés en donnant la préférence aux travailleurs d'origine nationale ou étrangère qui parlent le français sur les chantiers dont la région est maître d'œuvre, décideur et financeur.


Des élus ont aussi décidé de l'appliquer dans les départements du Haut-Rhin - bastion de la droite - et de Charente - repris à la droite en 2015 - et elle pourrait l'être prochainement dans les Alpes-Maritimes, présidé par Éric Ciotti (UMP) depuis 2008.

Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a mis sur pied une équipe d'agents chargés de veiller au respect de la clause et s'est lui-même rendu sur un chantier.
Venu de Nnates - où il s'est notamment occupé de l'épineux dossier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes - Henri-Michel Comet, le préfet de sa région, qui a pris ses fonction le 6 mars dernier (nommé en février dernier à la suite de l'élection du président de région), l'a exhorté à revenir sur sa décision, le représentant du gouvernement jugeant la clause Molière "non conforme aux textes européens", mais Laurent Wauquiez lui a opposé une fin de non recevoir. "Je l’assume et je ne lâcherai pas", a-t-il écrit lundi dans un courrier adressé à Bernard Cazeneuve.

La France, troisième pays d'origine des travailleurs détachés dans l'UE, avec 190.000 personnes concernées (elle est le deuxième pays d'accueil après l'Allemagne, avec 340.000 personnes), serait dans l'embarras si ses travailleurs détachés en Pologne ou en Roumanie devaient parler la langue du pays où ils travaillent, assurent les opposants qui n'évaluent pas en revanche les risques encourus par les travailleurs qui ne s'impliquent pas dans l'apprentissage de leur langue de travail.

Sept pays de l'Union européenne, dont la France, veulent une réforme de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, sujet de discorde parmi les Vingt-Huit, entre défenseurs de la libre circulation des travailleurs et détracteurs d'un présumé "dumping social", des abus ayant été constatés dans les contrôles.
En mars dernier, la Commission européenne a proposé qu'un travailleur détaché dans l'UE bénéficie désormais des conditions de rémunération en vigueur dans son pays d'accueil et non plus seulement du salaire minimum appliqué dans ce pays. Cela impliquerait la fin de certaines pratiques, comme le fait que certains employeurs intègrent les primes et le treizième mois dans le salaire minimum, ce qui a un manque à gagner pour effet.

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