Peur de l'autre et préjugés: quand le JDD aborde les tabous de front
Mieux valait-il ne rien savoir ?
Le Journal du Dimanche a publié ce dimanche 31 janvier une étude réalisée pour la "Fondation du judaïsme français". Elle posait les questions auxquelles n'ont pas le droit de répondre les Français et elles n'ont pas manqué en effet de susciter de vives réactions d'une partie de la population sur Twitter, du fait de la nature des questions posées.
Elle visait à mettre au jour, dans un contexte de crise sociale, les sujets rentrés sur certaines communautés et le ressenti profond qu'il est convenu de disqualifier sous le terme dépréciatif de "préjugé".
Ariel Goldmann, président de la Fondation du judaïsme français, a pesé l'opportunité de publier l'étude intitulée "Perceptions et attentes de la population juive : le rapport à l’autre et aux minorités", comme il l'explique dans le JDD ce dimanche.
Et ses hésitations se sont révélées justifiées au vu de certaines réactions outrées relevées sur Twitter de la part de communautés particulièrement privilégiées par la gauche radicale, voire anarcho-communiste. "Nous voulions éviter que ses conclusions ne soient détournées à des fins politiques pendant la campagne des élections régionales", remontant à la première quinzaine de décembre 2015, indique Ariel Goldmann. "Cette étude n'est ni accusatrice, ni généraliste. Elle est une mesure des maux qui nous rongent en tant que Français."
Une vaste enquête de 18 mois
Elle est fondée sur des entretiens réalisés entre juillet 2014 et juin 2015, entre deux épisodes terroristes particulièrement sanglants. L'objectif de l'étude réalisée par l' "institut" Ipsos, sous le contrôle scientifique de Dominique Schnapper, ex-membre du Conseil constitutionnel (nommée par Christian Poncelet), de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESC) et de Chantal Bordes-Benayoun du CNRS, est de mesurer l'étendue des "préjugés tenaces" qui circulent en France en n'évitant aucun sujet : la religion, le terrorisme, l'antisémitisme, les actes racistes commis envers les musulmans...
Cette étude "est destinée à tous ceux qui veulent combattre les préjugés", explique Ariel Goldmann. "Nous voulons lancer un cri d'alarme et appeler au sursaut."
Autre particularité de l'étude, elle donne aussi la parole spécifiquement aux "juifs" et aux "musulmans", avec toute la difficulté que pose ce type de regroupement. Brice Teinturier, d'Ipsos, répond ainsi à cette interrogation : "la meilleure façon de procéder", dit-il, pour obtenir l'échantillon "le moins biaisé", est encore "de partir de la définition par l'interviewé lui-même, quels que soient les critères qu'il mobilise pour cela : religieux, culturels, familiaux…"
Si l'étude s'attarde sur l'antisémitisme, elle aborde d'autres thèmes très divers.
Quels sont les résultats ?
Peur de l'autre, méfiance et préjugés sont les maîtres mots de cette étude. Une majorité de Français n'ont ainsi pas confiance en leur avenir personnel (61% estiment qu'il est "complètement bouché"). Conséquence, selon Ipsos, ils sont également méfiants envers les autres groupes sociaux et/ou ethniques qui vivent en France : 66% des personnes interrogées pensent qu'"on ne peut pas faire confiance à la plupart des gens", toutes confessions confondues, et 54% jurent que "l'immigration n'est pas une source d'enrichissement."
Par ailleurs, 53% des personnes interrogées "estiment qu'on en fait plus pour aider les immigrés que pour aider les Français".
L'étude révèle certaines anomalies dans la perception que les Français ont de leur pays. 49% des personnes interrogées estiment que les catholiques représentent moins de la moitié de la population; 57% pensent que les juifs représentent plus de 10% de la population française et 39% pensent que les "musulmans" pèsent pour plus de 20% dans le total. "Les études sur le sujet, notamment celles de l'Institut national d'études démographiques (INED), tendraient à démontrer que ces deux communautés seraient en réalité entre trois et six millions, soit moins de 10% de la population", estime le JDD. Il n'est donc pas étonnant qu'aux questions suivantes, les réponses soient tout aussi déconnectées de la réalité. Mais le vécu de chacun n'est-il pas ce qui importe?
Ainsi, les clichés sur les "juifs" et les "musulmans" restent largement ancrés.
Selon les résultats de cette étude, les Français réagiraient mal si leur fils (52%) ou leur fille (56%) se mariait avec un ou une personne de confession musulmane.
Selon les résultats de cette étude, les Français réagiraient mal si leur fils (52%) ou leur fille (56%) se mariait avec un ou une personne de confession musulmane.
Enfin, les stéréotypes sur les personnes de confession juive restent tout aussi forts : 56% des personnes interrogées estiment que "globalement, les juifs sont plus riches que la moyenne des Français" et "ont beaucoup de pouvoir." Pire : 24% des personnes interrogées continuent de penser que "les juifs ne sont pas vraiment des Français comme les autres"... Et surtout, 6 personnes sur 10 "estiment que les juifs ont une part de responsabilité dans la montée de l'antisémitisme." Pensent-ils aux antisionistes ?
Autre résultat qui a stupéfait: un tiers des Français considère qu'"une réaction raciste peut se justifier".
A la question : "Aujourd'hui, quelle est le plus souvent votre réaction lorsque vous voyez les personnes suivantes dans la rue ?",
55% des personnes interrogées se disent "agacées" ou "inquiètes" lorsqu'elles croisent des "femmes portant un voile couvrant l'ensemble du visage" et 48% lorsque ce sont "des hommes en tenue traditionnelle musulmane."
Dans le même temps, 41% des musulmans assurent avoir essuyé personnellement des remarques ou des insultes.
Toujours dans l'idée d'identifier les préjugés sévissant en France aujourd'hui, l'étude pose une question qui a concentré l'essentiel des réactions ce dimanche sur les réseaux sociaux : "Vous même, au cours de l'année, avez-vous personnellement rencontré des problèmes (insultes, agressions...) avec une ou plusieurs personnes issues des groupes suivants ?"
Les réponses proposées sont les suivantes : "Des personnes d'origine maghrébine", "Des Roms", "Des personnes de confession musulmane", "Des personnes d'origines africaine", "Des personnes de confession catholique", "Des personnes de confession juive" et "Des personnes d'origine asiatique". Soit une catégorisation jugée absurde mais pourtant co
mmunément admise dans le quotidien des Français et qui correspond aux préjugés identifiés plus haut. Le JDD place d'ailleurs ces résultats dans un ensemble plus large intitulé "Des préjugés tenaces": un jugement stigmatisant.
Ce sondage a créé de vives réactions ce dimanche
A l'instar de celle, sur Twitter, du député-maire LR de Tourcoing, Gérald Darmanin (dont un grand-père est d'origine algérienne):
? @leJDD. Comment publier un tel sondage ? Être musulman, juif, catho ne relève pas d'un "type" mais d'une croyance! pic.twitter.com/t65IzLa2Ni— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) 31 Janvier 2016
Cette image recadrée a beaucoup tourné, sans laisser voir le but de l'étude : mettre en lumière la façon subjective dont nous percevons les autres, et tenter de mesurer cette perception des autres dans une société fragmentée, communautarisée et soumise à un violent choc social. C'est notamment la raison pour laquelle l'étude teste plus précisément les "musulmans" sur leur rapport aux "juifs", afin de comprendre les liens qui existent entre les deux communautés - même si l'expression est soumise à débat, la France ne reconnaissant qu'une communauté : la communauté nationale.
Ceux qui ont participé à cette étude et se sont définis comme "musulmans" estiment,
- pour 74% d'entre eux, que la phrase "les juifs ont beaucoup de pouvoir" est "vraie" (c'est près de 20% de plus qu'en juillet 2014...)
- pour 62% à penser que "les Juifs sont plus attachés à Israël qu'à la France"
-et 66% à penser que "globalement, les Juifs sont plus riches que la moyenne des Français".
C'est à chaque fois beaucoup plus que la population globale.
"Le point de rupture se situe au début des années 2000", explique dans le JDD Bernard Godard, spécialiste de ces questions, qui évoque notamment la deuxième Intifada [soulèvement des Palestiniens à partir de la fin du mois de septembre 2000] et les avatars du gouvernement Jospin (1997-2002). "Auparavant, il y avait une volonté des deux communautés de se rapprocher. Quant à savoir si l'islam est antisémite, c'est une question très complexe," tellement complexe qu'un seul article de presse a déjà bien du mal à en expliquer les ressorts, alors un tweet...
Au final, si la méthode et les questions posées par Ipsos peuvent être débattues, les résultats recueillis par l'institut n'en sont pas moins particulièrement instructifs.
A noter que tous les tableaux présentés dans cet article sont issus d'une précédente étude publiée par Le Monde du 14.11.2014, laquelle n'avait pas fait l'objet d'une pareille orchestration de l'émoi des Français. Les camemberts sont dûs au JDD.
"Le goût de la vérité n’empêche pas de prendre parti" (A.Camus)
Perceptions et attentes de la population juive : le rapport à l’autre et aux minorités from Ipsos France
Qu'attendre de ce genre d'étude puisque les réponses sont dans les questions. C'est orienté, unipolaire et ne vise qu'à montrer que les "Français", en fait les Blancs de culture chrétienne à défaut d'en avoir encore la religion, sont racistes et sectaires, ce qui est faux , mais surtout sans aborder les raisons pour lesquelles les Juifs sont unanimement rejetés par toutes les cultures depuis quasiment l'empire Romain ou pourquoi les musulmans sont incapables de s’intégrer au bout de trois générations quand les Polonais, les Portugais ou les Italiens l'ont fait en une.
RépondreSupprimerJ'en ai conclu tout autre chose, à savoir que le racisme n'est pas d'abord incarné en France par les Chrétiens qui y sont de plus en plus exposés, mais par les sémites, au premier rang desquelles les musulmans. Le préjugé du racisme des Chrétiens, majoritaires en France, est tenace...
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