mercredi 7 octobre 2015

Race: les Français ont-ils peur des mots qui évoquent la réalité ?

Pourquoi le mot "race" pose-t-il problème? 

Les Américains parlent de 'colored people', mais notre terme 'les bronzés' nous pose problème...

"La France est un pays de race blanche." En réaffirmant cet état de fait vécu par l'immense majorité des Français, et dont elle rappelle qu'il est établi par le général De Gaulle, Nadine Morano a choqué les jocrisses qui ont saisi l'occasion d'une énième controverse pourtant créée de toutes pièces par les thuriféraires d'Aimé Césaire et de l'académicien français Léopold S. Senghor qui vanta -dès 1934 -  la "négritude" dans 'L'Etudiant noir'
Evocation des racines
comme les Américains des années 60 promurent le "black is beautiful". En France, certains insistent pour dire que l'origine du monde se situe en Afrique. 

Malgré cet affichage de caractéristiques du peuple noir, suggérant sa supériorité, il devrait en coûter à Nadine Morano de perdre son investiture aux régionales sous les couleurs Les Républicains. Les contestataires les moins regardants sont allés chercher la caution du  Front national pour se féliciter que Marine Le Pen ait vivement réagi à ces déclarations et rappelé le multiculturalisme de la société française. 

Cette réalité a-t-elle sa place dans la Constitution ?

Le Front de gauche, lui, est ...radical et a profité de l'occasion pour proposer de déconstruire la Constitution en commençant par retirer une bonne fois pour toutes le mot "race" de la législation française, comme l'avait promis François Hollande en 2012. Reste au Sénat à approuver ou non ces mises à jour. A gauche, c'est en cassant le thermomètre qu'on fait tomber la température. Si seulement ces casseurs appliquaient leur énergie réformiste à la courbe du chômage...

francetv info a interrogé l'historien Jean-Frédéric Schaub, auteur de 'Pour une histoire politique de la race'. Cet entretien vise à juger de la légitimité du mot "race" dans le discours politique et le langage... Nul doute que nous sommes en France !
Nadine Morano a suscité un tollé cette semaine en utilisant l'expression "race blanche". Existe-t-il un tabou autour de ce mot ?


Jean-Frédéric Schaub : Oui, il est lié à deux facteurs : l'horreur liée au nazisme  [ce risque est en vérité antérieur: dès  la fin du xixe siècle, il dérive de l'idée selon laquelle les premiers peuples parlant les langues indo-européennes et leurs descendants jusqu'à l'époque moderne auraient constitué une race distincte] et la démonstration scientifique par les biologistes et les anthropologues que ce concept [?] de race est totalement faux. Jusqu'en 1945, ce que l'on peut dire du mot "race", c'est qu'il est polysémique. Il a eu, dans la première moitié du XXe siècle, un usage banal et très ouvert jusqu'à la seconde guerre mondiale dans les langues européennes. Par exemple, "être de bonne famille", c'est "avoir de la race".
Et puis "race" peut vouloir dire, selon les contextes, simplement nation. Dans certains de ses grands discours, Winston Churchill pouvait dire que "la bataille qui est engagée est celle de la race britannique contre la barbarie allemande"Il ne pense évidemment pas au sens biologique du terme [qu'on ne peut donc nier ! ]. Dans sa bouche, il n'y a aucune connotation raciste ni aucune idée de hiérarchie entre les races. En France, après la seconde guerre mondiale, le mot "race" a vu sa signification se restreindre considérablement pour ne plus désigner que les fondements biologiques de l'unité d'une population. A ce moment-là, il devient inacceptable [jugement de valeur qui dépasse la compétence du scientifique] parce qu'erroné, il n'a aucune validité scientifique.
Pour se défendre [sic: elle est déjà jugée coupable !], Nadine Morano assure citer le général De Gaulle. En fait, ces propos sont rapportés par son biographe, Alain Peyrefitte, dans C'était de Gaulle, en 1994.

En tant qu'historien [et l'histoire n'est pas une science exacte], je ne peux pas spéculer sur ce que De Gaulle a dit ou non en privé. Je m'en tiens à ce qu'est cette citation : des propos rapportés par un ancien ministre de l'Information gaulliste trente ans après qu'ils sont supposés avoir été tenus [en mars 1959, en plein guerre d'Algérie].
 [Cet ancien garde des Sceaux et ministre de la Justice est-il suspect ? ]
Concernant Nadine Morano, on ne peut accorder aucune valeur à cette référence à De Gaulle et il n'y a aucune raison de lui faire crédit de quelconques recherches historiques qui justifieraient qu'elle puisse s'abriter derrière De Gaulle.  [historien hispaniste élu à EHES et juge].  Elle se situe dans un combat politique qui s'appuie sur un message provocateur.
Même le Front national [une référence, désormais] n'utilise plus ce terme de "race".
En effet, Nadine Morano brise un tabou que Marine Le Pen n'a pas brisé à ma connaissance. Si on s'en réfère uniquement à la sémantique comme seul indice des positions politiques, on peut dire très clairement que Nadine Morano, par la répétition de l'expression "race blanche", double le Front national sur sa droite. [L'historien est véritablement un observateur partisan de son époque, la tête dans le guidon] Elle prend au mot la consigne lancée par une partie de son mouvement en faveur de la "décomplexion" de la droite. [C'est ainsi la droite républicaine qui "prend" au passage, quand la droite radicale sert de caution aux allégations de la gauche ...]
Dans "race blanche", qu'est-ce que "blanc" veut dire ? La députée socialiste Ericka Bareigts a rappelé à tout le monde une chose totalement évidente [selon les normes édictées par le "politiquement correct", éthique sectaire de la 'pensée unique'] : ses ancêtres sont citoyens français émancipés de l'esclavage depuis 1848 [que vient faire cette pratique dans le débat sur la citoyenneté? L'esclave était privé d'identité et des droits du citoyen], elle incarne des personnes qui ont derrière elles plus de cent-cinquante ans de citoyenneté française alors que Manuel Valls, par exemple, n'a lui qu'une génération de citoyenneté française [mais était citoyen espagnol]. Mais il est blanc et elle, noire.
Utiliser le mot "race" est-il raciste ?
Lorsque le mot "race" permet d'établir une corrélation entre la réalité de la transmission biologique d'un certain nombre de traits physionomiques et un quelconque phénomène social, alors oui le mot est raciste. S'il sert à désigner des réalités physionomiques, non. Mais il n'est pas employé dans ce sens. En France, le mot n'a pratiquement plus aucune utilité active. [En France, on nie les réalités scientifiques ( biologiques et physionomiques), sur la base du rejet de la conception de l'"outil animé" remontant à Aristote (!) et dans l'optique politique d'un multiculturalisme communautariste ]
En fait, le racisme [comme le rejet du fait scientifique de 'race'] est une idéologie politique qui présuppose deux choses : d'abord que les caractères moraux et sociaux de personnes se transmettent de façon intergénérationnelle par le biais du corps, c'est-à-dire que c'est parce que l'on naît juif que l'on va avoir les traits moraux que l'on attribue péjorativement aux juifs [C'est au passage le déni de la "culture" du groupe social]. Le racisme, c'est aussi une idéologie qui postule que les gens individuellement et collectivement sont incapables de changer [ou qui prend en compte l'appartenance à un groupe biologique]. C'est-à-dire que l'arabe serait toujours voleur, etc. [Ou le Français, blanc, raisonneur et chauvin, et le Sénégalais, noir, grand et fort ]
En 2012, François Hollande promettait de supprimer le mot "race" de la législation française. Ce que l'Assemblée a validé, mais pas le Sénat. Là, le Front de gauche profite de la polémique pour relancer les sénateurs. Pourquoi ?
Joséphine Baker
Le Front de gauche ou François Hollande veulent éliminer ce mot, parce que, selon eux, il désigne quelque chose qui n'existe pas. Est-ce que, en retirant le mot des textes de loi, on veut dire que, en France, il n'y a pas de racisme  [ou plusieurs races que les intellos-bobos laisseraient co-habiter en paix] ? La réponse est évidemment non [si on est historien lecteur de Libération ou Mediapart]: il existe bien entendu des discriminations à l'embauche [les plombiers polonais et les ferrailleurs roumains ne sont-ils pas discriminés mais Blancs], à l'attribution de logements sociaux [dans cette présentation schématique, les sans-dents seraient-ils tous de couleur ?] etc. Je pense [bonne nouvelle] qu'au fond, plutôt que de se demander s'il faut supprimer le terme de la législation, les politiques français devraient surtout se poser la question de quels instruments ils peuvent se doter pour corriger les effets de la discrimination raciale [ou "simplement" sociale, valable pour tous, sans -précisément- de discrimination...] qui existe en France. Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait répondu que, l'important, c'était de réduire les effets de discrimination. Là-dessus, il avait raison. Supprimer le mot de la loi est purement symbolique. C'est simplement une espèce de mise en conformité de la législation avec l'état de la science [l'historien ne vient-il pas d'indiquer que la science -biologie et physiologie, à la fois- distingue les 'races' que la politique discrimine ?] .
La France est-elle plus raciste aujourd'hui qu'à d'autres époques ? Quid du discours politique ?
J'ai le sentiment que la société française est beaucoup plus cosmopolite qu'il y a 40 ou 50 ans et qu'en réalité elle est plus ouverte. Pourtant, celui des partis politiques qui s'enracine le plus dans une pensée raciste, le Front national, est celui [auquel la gauche se réfère]  et qui connaît le plus de succès électoral. Je ne pense pas qu'il faille imaginer un âge d'or selon lequel pendant les Trente Glorieuses, par exemple, quand les immigrants] étaient là parce que l'on avait besoin d'eux [et ils étaient polonais, italiens ou portugais], on avait une société française peu raciste. C'est faux. La France des années 1960, au moment des ratonnades [et de la guerre civile en Algérie...], était une France extrêmement raciste [ce qui n'était pas le cas à l'arrivée des réfugiés Espagnols des années 40 ]. Ce n'est pas dans les années 2000 que des groupes de fascistes poursuivaient les Arabes dans les rues avec des gourdins et les battaient jusqu'à ce que mort s'ensuive. [Dans un souci d'équité, et en appui à la démonstration biaisée de l'historien, on peut citer des attentats djihadistes de fraîche date pourtant : nul de bonne foi ne peut ignorer qu'en janvier 2015 des terroristes islamistes se sont livrés à une tuerie au journal libertaire Charlie hebdo !] 
Rendre tabou le mot "race" peut-il poser problème ?
Qu'évoquaient-ils, sinon la "race" ?
A force d'évacuer le terme du langage, on se prive d'un outil pour étudier des phénomènes de racisme, ou de racialisation, dans la société française. On prend le risque de ne pas tenir compte de l'élément racial dans des phénomènes de discrimination. Ce que réclame le CRAN par exemple. En l'absence de statistiques ethniques, puis en gommant le mot "race" du vocabulaire, on pourrait donner à croire qu'un idéal républicain français d'une égalité parfaite entre les citoyens est effectivement réalisé. Ce qui n'est pas le cas.
C'est ce qu'on appelle aux Etats-Unis la "colour blindness" : la cécité à l'égard de la couleur de peau. C'est se refuser à interpréter des phénomènes de discrimination sociale dans des termes qui renvoient à l'origine des personnes discriminées (non pas de classe, mais de race). Cela ne veut pas dire que les Américains croient aux théories de la race, mais ils considèrent que, être "chicano" [ou 'Black', comme l'a fait Valls dans sa ville d'Evry], cela vous catégorise dans la société américaine.
Aux Etats-Unis, par exemple, la présence du mot "race" dans la législation ne suscite pas de débat. Est-ce un problème français ?
Aux Etats-Unis, les seuls autochtones sont les descendants des Amérindiens. Même les WASP, les "blancs anglo-saxons protestants", descendants des propriétaires d'esclaves, viennent d'Europe. Ce sont des migrants comme les autres [mais chrétiens, faut-il le nier ?]. Du coup, il n'est pas question de renvoyer les Afro-Américains en Afrique, où personne ne les attend. En Europe occidentale, le discours sur l'autochtonie est plus difficile à démonter.
Il y a aussi là-bas un héritage des lois d'apartheid. [La France peut-elle être pointée du doigt sur le sujet ? ] Certains Etats américains ont mis en place des législations de type racial, avec par exemple des interdictions de mariage mixte. En 1930, un juge ne pouvait pas marier un héritier japonais avec une Afro-Américaine à Los Angeles (Californie). Ce n'est pas le cas en France. En tout cas, pas en métropole : il a existé de telles dispositions dans les colonies. 
Les histoires des deux pays sont très, très différentes et, aujourd'hui, outre-Atlantique, le terme "race" est utilisé par ceux qui s'estiment victimes de discrimination raciale comme la manière de dire la différence dont ils font l'objet. En France, on le voit bien dans tous les mouvements associatifs [dont c'est la préoccupation], les gens se plaignent du racisme des autres mais ils ne se revendiquent pas en tant que race. Parce qu'ici le mot "race" a perdu son contenu de "classe" et il n'en reste que le sens biologique.
Nadine Morano n’entend pas rester silencieuse. 

Alors que la Commission nationale des Républicains doit se réunir mercredi pour lui retirer son investiture en Meurthe-et-Moselle pour avoir exprimé ses convictions sur la France, pays de "race blanche", Nadine Morano est allée se recueillir samedi sur la tombe du général de Gaulle, dont elle rappelle l'affirmation qui agite les moutons et les caniches, de Landerneau à Paris.

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