Amputée, la loi Macron a été promulguée
Censuré de 18 dispositions clés, le texte a néanmoins été publié vendredi au Journal officiel
Après perfusions de trois recours à l'article 49-3 de la Constitution, qui permet de court-circuiter le vote des élus du peuple, et ébranlé par deux motions de censure, le Conseil constitutionnel avait été saisi par 120 députés et sénateurs sur ce texte de 308 articles, un fourre-tout à la Prévert. Après avoir examiné 19 articles de la loi controversée, il a signé mercredi soir le certificat d'aptitude physique du texte à relancer la croissance et l'activité. Il n'a pas fallu plus de 24 heures au gouvernement pour publier,dans l'urgence, ce texte traumatisé.
Le Conseil constitutionnel a une nouvelle fois censuré un texte gouvernemental.
Les Sages ont retoqué plusieurs articles importants dont celui réformant la justice prud'homale et le plafonnement des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse: un sanglant désaveu du pouvoir socialiste, accusé de social-libéralisme au moment où il s'évertue à se donner des airs de social-démocrates.
Cette fois, plusieurs dispositions importantes censé doper la croissance. La loi Macron a accroché toutes les haies jusqu'à la dernière mais a fini sa course. Le gouvernement a tutoyé du pied mais franchi les obstacles de l'article consacré à l'ouverture des magasins 12 dimanches par an et tous les dimanches dans les nouvelles zones touristiques internationales (ZTI), et celui dédié à l'ouverture des lignes d'autocar interurbaines à la concurrence.
Le Premier ministre Manuel Valls se déclare satisfait de l'arbitrage des Sages
Une fois les décrets d'application pris par le gouvernement, elles pourront donc entrer en vigueur telles que prévues. Ainsi, le Conseil a notamment validé la quasi-totalité des articles relatifs à la réforme des professions réglementées du droit, comme les notaires, huissiers de justice, etc. La loi Macron conserve également des dispositions sur la réforme du passage du permis de conduire (alors que la conduite accompagnée est actuellement dénoncée, suite à la mort de quatre des quatorze adolescents entassés dans un véhicule utilitaire conduit par un mineur sans permis), du financement et de l'encadrement de la vie des entreprises, de la banque, ou encore la lutte contre la fraude aux travailleurs détachés ne sont pas remis en question.
Valls ne mentionne pas les rejets par le Conseil constitutionnel des articles, en partie ou en totalité, parmi ceux contestés par les parlementaires.
Le Conseil constitutionnel a censuré cinq articles, en partie ou en totalité, parmi ceux contestés par les parlementaires.
-> La réforme de la justice prud'homale
Le plus important concerne la réforme de la justice prud'homale et le plafonnement des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse, que la loi voulait variable selon la taille de l'entreprise et l'ancienneté du salarié. S'il a validé le critère d'ancienneté, le Conseil constitutionnel a rejeté celui lié à la taille de l'entreprise, jugeant qu'"il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié".
-> La communication sur l'alcool
Surtout, le Conseil a débusqué et censuré en tout ou partie 18 articles "adoptés selon une procédure contraire à la Constitution", c'est-à-dire considérés comme des "cavaliers législatifs", en d'autre termes, une foule de dispositions sournoises n'ayant rien à voir avec l'objet du projet de loi. Retoqué donc l'article visant à assouplir la communication sur l'alcool et remettant en cause la loi Evin (1991), selon les autorités sanitaires et plusieurs associations.
Il affirmait que "ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande (...) les contenus, images, représentations (...) relatifs à une région de production, à une toponymie, (...) à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l'histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique (...)".
-> L'enfouissement des déchets radioactifs
Censuré aussi le projet Cigéo d'enfouissement des déchets radioactifs à Bure (Meuse) que le gouvernement souhaitait entériner, "pour clarifier la totalité des coûts" de la filière nucléaire, comme l'expliquait mi-juillet le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron: un prétexte jugé fallacieux.
Les écologistes avaient, eux, dénoncé "un coup de force". Cette décision des Sages a été saluée par Denis Baupin, député EELV de Paris.
-> La réforme des chambres de commerce
Le Conseil a également censuré les articles relatifs à la réforme des chambres de commerce et des métiers, estimant là encore qu'il s'agissait d'un "cavalier législatif".
Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron qui ne craint pas l'amalgame
Il est allé dire que "la décision du Conseil Constitutionnel valide la procédure parlementaire suivie pour l’examen de ce texte."
Ce projet de loi tentaculaire a en effet connu un parcours mouvementé au Parlement, le gouvernement ayant recours à l'article 49-3 pour le faire passer sans vote, face à l'opposition des "frondeurs" du parti socialiste, de l'opposition de droite et, sur certaines de ces mesures, des écologistes.
"Des articles substantiels ont été censurés par le Conseil Constitutionnel", s'est félicité, Vincent Capo-Canellas, président de la Commission du Sénat chargée d'examiner la loi Macron. "C'est une victoire du droit", a ajouté le sénateur UDI par communiqué.
"Modifier la loi est maintenant une nécessité".
Le hussard Valls promet de revenir à la charge.
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