"Venez voir les clowns, les acrobates et les jongleurs !"
"C’est un assez bon résumé de l’état actuel du Parti socialiste,"
murmure un socialiste 'frondeur' qui participe à la visite gratuite de la ménagerie annoncée par le haut-parleur de la voiture du... cirque Zavatta voisin.
L’aile gauche du PS s’est réunie, jeudi 27 août à Marennes - ville des huîtres ! - à quelques kilomètres de La Rochelle et à quelques heures de l’ouverture de l’université d’été des socialistes.
M. Touraine et Montebourg |
Près de 300 militants sont venus assister à une table ronde sur les crises européennes, avant les discours de clôture vendredi matin des trois chefs de file du courant: Benoît Hamon, le ministre de l’Education chassé du gouvernement et 'drivé' par Henri Emmanuelli, le député de la Nièvre, Christian Paul, vice-président du courant Rénover maintenant animé par Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, et l’eurodéputé Emmanuel Maurel, premier signataire de la motion 'Maintenant la gauche' au congrès PS de Toulouse d' octobre 2012, soit 13 %, et 28 % des voix, lors de l'élection du Premier secrétaire face à Harlem Désir. Les "frondeurs" représentent un militant sur 3 au PS.
Cette table ronde sur les crises européennes accueillait des responsables du parti de la gauche radicale grecque, Syriza, et du parti espagnol Podemos.
"A gauche pour gagner", proclame le slogan des frondeurs, alors que l'une des leurs, la maire de Lille Martine Aubry, s'est soumise à Hollande et Valls en espérant sauver sa présidence du Conseil général du Nord que lui a finalement ravi Jean-René Lecerf (UMP).
Dans les faits, on prend (à peu près) les mêmes et on recommence.
En cette rentrée, l’aile gauche du PS réclame toujours une "réorientation" de la politique du gouvernement, moins de deux ans avant l’élection présidentielle. Tous ses responsables en sont convaincus: en l’état actuel, si la gauche au pouvoir ne change pas, elle sera battue en 2017. "Cette rentrée est celle de la dernière chance", souligne Emmanuel Maurel, avant l’examen du budget à l’automne. "Notre politique n’a pas de base électorale, donc comme nous ne pouvons pas changer le peuple, il faut changer de politique", ajoute Christian Paul, qui estime que "la gauche au pouvoir manque d’ambition et doit changer d’intensité".
Les cibles socio-libérales des socio-démocrates
Lienemann, Paul, Baumel et Guedj |
Les frondeurs sont anxieux
Croissance basse, chômage haut, division des gauches, électeurs qui se détournent vers l’abstention ou les extrêmes, tout est cause d'inquiétudes à vingt mois de la présidentielle. "A-t-on réussi depuis 2012 à réduire le chômage et les inégalités ? Non. Les électeurs viennent-ils voter pour nous depuis quatre ans ? Non. Il faut nous interroger sur ces deux indicateurs", explique Benoît Hamon.
Mise en garde adressée à François Hollande et à Manuel Valls.
Le premier ministre reste la cible privilégiée de l'aile gauche du PS. Sa tribune, publiée cette semaine dans Les Echos, qui ferme la porte à une réorientation du pacte de responsabilité et appuie le maintien des réformes, a provoqué leur colère. "La tribune de Valls, c’est une lettre au Medef qui ne parle pas aux socialistes ni aux Français", gronde Christian Paul. Pour le député, le chef du gouvernement "n’est plus un bouclier pour le président, mais l’émetteur d’idées libérales qui peuvent être catastrophiques pour la gauche et le pays".
L’aile gauche s’inquiète d’une éventuelle nouvelle série de réformes visant à assouplir le droit du travail. Les attaques récentes de Pierre Gattaz, le président du Medef, contre le code du travail, visant à développer la flexisécurité, ainsi que les déclarations du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, sont à leurs yeux de mauvais présages. "Il y a en cette rentrée une petite musique très libérale autour du droit du travail qui m’inquiète", explique Benoît Hamon. Pour le ministre de l’Education nationale exclu du gouvernement Valls, "le jappement exalté pour la réforme permanente n’est pas une politique. Laisser les salariés “libres” de renoncer à leurs droits ne serait pas une réforme de gauche".
Les socialistes de gauche grondent
Mais, comme à leur habitude, ils ne rompent pas: ils plient...
Leurs camarades de Podemos ou de Syriza peuvent bien vanter les mérites de la "recomposition" politique, pas question pour eux de quitter le PS pour tenter de construire une nouvelle force alternative avec les écologistes ou le Front de gauche. Les fuites de Mamère, puis de Rugy et maintenant J.-V. Placé à EELV ne les poussent pas encore à passer des paroles aux actes. Les évictions de Delphine Batho, Benoît Hamon, Aurélie Filippetti ou Arnaud Montebourg du gouvernement alimentent les aigreurs les brasseurs d'idées en périphérie, sans les libérer. A la différence des écolos (mais à l'instar de Barbara Pompili), ils n'ont pas fini leur travail sur eux-mêmes... "Le temps d’une recomposition politique à gauche n’est pas venu, même si je ne peux pas dire de quoi sera faite la gauche des trois prochaines années", balance Christian Paul.
Pas de rupture, mais la poursuite d’un bras de fer avec le gouvernement.
"Je n’attends pas la défaite et la grande claque qui réveille parce qu’il est possible que la claque vous tue", explique Benoît Hamon. Une injonction qui n’inquiète pas la direction du PS. "Moi, Marennes, j’y vais pour les huîtres et pour rien d’autre", raille un de ses dirigeants.
Les frondeurs ressassent les mêmes critiques, selon la Rue de Solférino. "Ils ont perdu au congrès de Poitiers en juin, donc ils tentent d’exister, c’est comme ça depuis le début du quinquennat et ce le sera jusqu’à la fin", pronostique un proche du premier ministre.
Le gouvernement veut même croire que finalement l’examen du budget ne dérapera pas: les baisses d’impôt d’un côté et un probable geste financier en direction de l’investissement public pourraient suffire, selon l’exécutif, à contenir la fronde.
Ainsi la France est-elle l'otage des querelles intestines du parti du président, lequel se dit à la hauteur des enjeux...
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