mardi 17 février 2015

Valls brandit la menace de l'article 49-3 pour introduire la loi Macron en force

L'article 49-3, plug du gouvernement aux députés

Le gouvernement PS pourrait décider de recourir à l'article 49-3 
pour faire passer la loi Macronsans consentement

Manifestation anti-CPE de 2006
La décision appartient à un Conseil des ministres exceptionnel. Dominique de Villepin avait été le dernier à utiliser cette procédure, rare, pour le contrat première embauche (CPE) des moins de 26 ans, en 2006. Ce texte avait suscité une vive opposition parmi de nombreux étudiants de l'UNEF et lycéens manipulés par la FSU, avec les syndicats de salariés, puis les partis politiques de gauche, accusant tous ce contrat à durée déterminée de faciliter les licenciements abusifs et la précarité.

L'article 49-3, une arme lourde

La loi Macron "ne passe pas" à l'Assemblée nationale. Après avoir fait ce constat devant les députés socialistes à l'Assemblée nationale, Manuel Valls a réuni mardi un Conseil des ministres exceptionnel qui pourrait décider le recours à l'article 49-3 de la Constitution. Le gouvernement engage sa responsabilité sur le projet de loi en débat à l'Assemblée. Aussitôt, le texte est adopté sans vote, sauf si une motion de censure est déposée et adoptée par la majorité absolue des députés. Et, dans ce cas - qui reste peu plausible à ce jour -, le Premier ministre serait obligé de présenter la démission de son gouvernement.

Depuis la réforme constitutionnelle de 2008l’exécutif ne peut pas utiliser le 49-3 tous les jours. Ce levier peut être actionné pour les deux projets de budgets ainsi qu'un seul projet ou proposition de loi par session parlementaire.

Un article utilisé 82 fois depuis 1959

Michel Debré, tout Premier ministre de la Ve République, a eu recours à quatre reprises à l'article 49-3. C'est en 1960 qu'il a utilisé, pour la première fois, ce levier qu'il avait lui-même conçu en rédigeant la Constitution. Il s'agissait du projet de loi sur la force de dissuasion nucléaire que les députés socialistes et communistes risquaient de bloquer au Parlement. Depuis, le 49-3 a été utilisé 81 fois par les locataires successifs de Matignon.

Les raisons du recours au 49-3 sont diverses. 

Trois pratiques se dégagent :

- accélérer d'un débat parlementaire qui se prolonge trop. Jean-Pierre Raffarin, par exemple, a eu recours à cet article en février 2003 pour faire passer "le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques". Le Premier ministre craignait la multiplication d'amendements déposés par l'opposition qui aurait retardé tout l'agenda parlementaire.

- éviter une fronde d'une partie récalcitrante de sa majorité. Cela permet de mesurer réellement la fronde et de la mettre au pied du mur en l'obligeant à prendre ses responsabilités et à s'allier le cas échéant à l'opposition. Le centriste Raymond Barre utilisa cette procédure par huit fois (1976-1981) pour lutter contre le harcèlement permanent des députés RPR de Jacques Chirac, qui finalement n'étaient pas prêts à voter avec ceux de François Mitterrand.

- limiter les contraintes d'une majorité relative. Michel Rocard utilisa 28 fois la procédure de 49-3 pour faire passer ses textes, alors qu'il était constamment écartelé politiquement entre les communistes, les centristes de l'UDC (séparés de l'UDF) et l'hostilité sourde des députés mitterrandistes. 
Édith Cresson, qui lui succéda, l'utilisa aussi par 8 fois, bien qu'elle bénéficia dans son cas d'un plus grand soutien des socialistes.

Le risque d'une motion de censure

L'article 49-3, c'est un passage en force du gouvernement. Pour équilibrer la balance des pouvoirs, le Parlement dispose du droit de déposer une motion de censure contre le gouvernement. Cette procédure a été utilisée à 48 reprises (sur 82 utilisations du 49-3). Aucune motion de censure, déposée après l'utilisation du 49-3, n'a été adoptée. Mais le 27 mai 1992, tout a failli basculer. Le Parti communiste français, l'UDF et le RPR avaient voté pour une motion de censure et il n'avait manqué que trois voix pour renverser le gouvernement Bérégovoy.

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