jeudi 19 février 2015

Un chauffeur de taxi révèle des célébrités, people et politiques, au naturel

Quand la lèpre n'apparaît pas en façade

Hors du champ des caméras, ils peuvent être odieux

Toufik Abou-Haydar conduit son taxi pari­sien. Il est de l'espèce en voie de disparition sensible à un regard bienveillant ou rêveur croisé dans le rétroviseur et du genre à vous tendre un mouchoir en papier si vous reniflez et à vous demander si la radio ne vous dérange pas. Peut-être même descend-il de son véhicule pour porter une main secourable au chargement du bagage. Depuis vingt-cinq ans,  à l'occasion, il trans­porte des célé­bri­tés. S’il garde un bon souve­nir de la plupart, d’autres en revanche l’ont beau­coup déçu par leur compor­te­ment, raconte Le Parisien qui remet quelques pendules à l'heure à l'heure des conflits corporatifs entre compagnies. 

Ce chauffeur de taxi est-il une balance ou un travailleur offensé ? La banquette de son taxi en a vu des clients qui font regretter d'avoir à se lever le matin pour gagner sa vie. Dans "Confi­dences passa­gères", le chauf­feur de 50 ans, un Libanais instruit, raconte vingt-cinq années de rencontres dans Paris avec des vedettes et de parfaits inconnus et partage des anecdotes savoureuses ou édifiantes.

Le chauf­feur n'a pas oublié sa rencontre avec la comique Anne Rouma­noff : "Je suis désolé de le dire, mais elle a été abso­lu­ment odieuse. Telle­ment odieuse que le pour­boire qu'elle m'a jeté sur le siège passa­ger, je l'ai donné aussi sec à un clochard. Ça me brûlait les doigts.
Ce qui reste tout de même moins "grave" qu’Amanda Lear, qui selon Toufik Abou-Haydar n’a tout simple­ment claqué la porte sans payer la course ! 

Croiser un responsable politique hors caméra peut aussi laisser un souvenir cuisant, comme ceux avec Harlem Désir ou encore Rama Yade, telle­ment coupés du monde qu’ils n’ont même pas le temps de dire "bonjour" et "au revoir".

Mais ce chauf­feur de taxi partage aussi de beaux moments d’émo­tion ou de poésie avec des clients célèbres, comme lors de sa rencontre avec le coutu­rier Jean-Charles de Castel­bajac qui lui offrit un dessi­n de petits anges de son carnet de croquis, pour lui "porter chance". 

Cepen­dant le passa­ger qui a le plus marqué Toufik Abou-Haydar, c’est Guillaume Depar­dieu, qu’il a souvent trans­porté dans son taxi. Il s’est remé­moré la nuit où le fils de Gérard Depar­dieu "a voulu conduire le taxi, vrai­ment, il a insisté pour que je le laisse conduire le taxi en me disant "Moi si j’avais pas fait ce métier de comé­dien, j’au­rais fait le taxi. Parce que j’adore." […] Je trou­vais ça amusant. Il était toujours drôle, sympa et amusant. C’était un monsieur. " Les petits moments dont on se souvient sont souvent laissés par ceux que la vie n'a pas épargnés.

Les histoires les plus folles, il les a vécues avec des inconnus.
 
Le passager ivre mort impossible à réveiller, celui qui fait une crise d'épilepsie... Le client timide qui paye pour faire monter un bouquet de fleurs à une jeune femme. Une épouse trompée qui le fait poireauter des heures devant un immeuble d'où elle suppose - à juste titre - que son mari va sortir. Une prostituée obèse qui s'épanche et tente sa chance... Ou ce vieil amoureux qui lui fait faire un Paris-Brest aller-retour pour retrouver une idylle de jeunesse. 
Il raconte aussi une réalité qui ne fait l'objet d'aucun chapitre : l'immense solitude du chauffeur de taxi. Qu'il se retrouve perdu, sous des trombes d'eau, en forêt de Rambouillet avec son GPS en panne. Ou qu'il dépose un client à la limite de la Normandie et décide sur un coup de tête de garer sa voiture au bord d'un grand champ de maïs, pour s'allonger entre les épis et rêver en pensant au Liban. "Les chauffeurs de taxi sont presque tous des immigrés qui ont fui la guerre, la pauvreté, ou les deux," sourit-il avec mélancolie.

Le petit monde fermé des taxis est en surchauffe

Difficile de trouver un taxi dans Paris?
Le groupe G7 n'en a cure: il règne en maître sur l'Ile-de-France. 
Ce groupe quasi monopolistique est constitué d'une dizaine de sociétés actives dans les métiers de la mobilité (central radio taxi, services aux taxis, location de véhicules), du stockage (archivage, self-stockage, self-stockage mobile), des logiciels spécialisés (SSII) et de la relation clients (centres d’appels). Fondée en 1905, sa filiale la plus ancienne s'est notamment illustrée lors de l'épisode des Taxis de la Marne en 1914 et les Taxis G7 sont aujourd'hui plus de 6 500 en région parisienne.

En 1960, la société-mère a été rachetée par un certain André Rousselet
, un proche de François Mitterrand. Il en a fait le Groupe G7, aujourd'hui présidé et dirigé par Nicolas Rousselet depuis 1996, une entreprise en forte croissance dans son cœur de métier historique et fructueusement diversifiée. 
Avec sa double casquette de loueur et de radio, Taxis G7 est le numéro 1 mondial du taxi avec 16 millions de courses en 2011, 7.400 taxis affiliés à Paris et en province. En 2010, le Groupe a passé le cap du demi-milliard d’euros de volume d’activités.

Une compagnie aussi puissante que la G7 voit d'un mauvais oeil l'arrivée de nouveaux, tel l'américain Uber qui a noté la pénurie de taxis dans la région parisienne et dérégule le marché de l'emploi dans le secteur. S'agissant de taxis, le gouvernement bloque le système; s'agissant des professions réglementées (notaires ou huissiers et pharmacies), il veut faciliter les ouvertures d'officines... 
Alors qu'il est politiquement incorrect de réagir à l'entrée de la main d'oeuvre étrangère sur le marché perturbé par la crise économique, le gouvernement agite les bras armés de la presse contre une société de service de voiture de tourisme avec chauffeur (VTC, estimés à 30.000, au total) et réservable depuis un smartphone, Uber, qui permet de commandez un taxi, un chauffeur privé ou un covoiturage depuis un téléphone portable et connaît une vogue incontestable et correspond donc à une demande des usagers. Bien que collectivité publique, la Mairie de Paris vient pourtant de prendre parti et d'entrer dans le conflit en créant une application mobile destinée à soutenir les professionnels historiques du transport dans la capitale.


Pourquoi Anne Hidalgo se porte-t-elle aux côtés des taxis G7 ?
A Karl Zéro, le député-maire EELV de Bègles, 
Noël Mamère, a affirmé circuler écolo à vélo
La libéralisation du secteur des véhicules de tourisme avec chauffeur, début 2010, et la prolifération d'offres innovantes obligent donc la profession à se réinventer. Pour se déplacer, les Parisiens n'ont en effet jamais eu autant de solutions. Au volant d'Autolib', à l'arrière d'une moto, sur la banquette d'un véhicule de tourisme avec chauffeur (VTC) ou même calé au fond d'une carriole tirée par un vélo ou un scooter, il y en a pour tous les goûts -malgré les couloirs d'autobus et sans parler de la suppression prévue des voies sur berges, qui l'inquiète au plus haut point. Le nombre de taxis circulant à Paris atteint 19.500. "Il n'y en avait que 14.900 en 2008", rappelle Nicolas Rousselet, qui est à la fois président des taxis G7 et de l'Unit (Union nationale des industries du taxi).

Pour contrer Uber, notamment, le groupe G7 va lancer dans "les prochaines semaines" des taxis collectifs dits "WeCab", présenté par son Pdg comme un "remède anti-crise". Le service sera d'abord exclusivement dédié aux courses vers les aéroports parisiens (Roissy, Orly). Concrètement, on va regrouper les clients qui veulent se rendre dans les aéroports à un prix 35% à 40% inférieur à celui d'une course, avec trois arrêts maximum".

André Rousselet, le père de Nicolas, était sous-préfet quand il devint chef de cabinet de François Mitterrand, ministre de l'Intérieur du gouvernement Mendès France 1954-1955), puis au ministère de la justice, sous le gouvernement Guy Mollet. À l'arrivée du général de Gaulle, il devient propriétaire de la G7, qu'il développa en groupe G7. A partir de 1965, à chaque campagne présidentielle de François Mitterrand, il se chargea de rassembler les financements nécessaires à son organisation et siégea à l'Assemblée nationale jusqu'en 1968. 
En 1981, après une année à l'Élysée en tant que directeur de cabinet, il obtint la direction de Havas, multinationale française de conseil en communication et agence de publicité. André Rousselet a aussi été l'exécuteur testamentaire de François Mitterrand.
En novembre 1984, le président François Mitterrand lui confie la fondation de Canal+, chaîne privée de télévision, concurrente du service public. Première chaîne à péage du paysage audiovisuel français, elle s'impose pourtant facilement par son ton et à la faveur du courant de libération de la bande FM et la multiplication des radios libres, à côté de Radio France.
Toute "frondeuse" qu'elle soit, Anne Hidalgo entretient les liens anciens entre la G7, Canal+ (et i-télé ou D8) et le PS.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez ENTRER un COMMENTAIRE (il sera modéré):