dimanche 15 février 2015

Au top 5 de l'horreur totalitaire, qu'a Staline à envier à Hitler ?

Pourquoi le PS ne se vante pas de ses alliances avec les communistes

Pendant que ses troupes affrontaient les nazis, le "petit père des peuples" s'en prenait aux Juifs d'URSS. 
 
Parmi ces "cosmopolites", très peu échappèrent à la purge. Le livre de Guennadi Kostyrtchenko nous le rappelle.

En septembre 1942, on se bat à Stalingrad. Au même moment, la direction de la propagande du comité central rédige un rapport sur les institutions artistiques de l'URSS. Elle feint de découvrir que, un Arménien et un Russe exceptés, les responsables du Bolchoï, centre de l'art lyrique soviétique, sont tous des juifs. La situation serait identique aux conservatoires de Moscou et de Leningrad. Peu après, le dirigeant de la cinématographie révèle qu'il s'est opposé au cinéaste Eisenstein. Celui-ci voulait confier à une actrice "aux traits sémites très accentués" le rôle d'une princesse russe dans son film Ivan le Terrible.

Ainsi, en pleine guerre contre le nazisme, se prépare sournoisement la vague d'antisémitisme soviétique qui ne se calmera qu'à la mort de Staline, "le Pharaon rouge", en mars 1953. Elle aura plusieurs étapes, marquées par des meurtres, des tortures et des procès. Vaste entreprise d'épuration qui frappera l'Etat, le Parti, sans épargner aucun domaine de la société.
 
Guennadi Kostyrtchenko, un chercheur russe, est devenu le spécialiste de cette décennie de persécutions en URSS. Il a eu accès à des documents classés jusque-là "secrets". Sans se prononcer sur la part de judéophobie paranoïaque du dictateur et de machiavélisme politique dans la chasse aux éléments "cosmopolites", il analyse la mise en place d'un antisémitisme d'Etat bâti sur le vieux fond de xénophobie et de chauvinisme du "peuple russe". 

Les méthodes impitoyables de Staline et de ses sbires

Elles s'illustrent dans la liquidation du Comité antifasciste juif, créé dès les premiers mois de la guerre. L'URSS a encouragé les contacts de ce comité avec les organisations internationales juives à l'étranger, surtout en Amérique. Elle a également fait miroiter le projet d'une autonomie juive en Crimée, avant de le dénoncer. Le responsable du comité, directeur du Théâtre juif de Moscou, Salomon Mikhoëls, sera assassiné à Minsk, en janvier 1948. On interdira Le Livre noir, rédigé par une équipe d'écrivains juifs liés au comité. Provocations, aveux, montages auront raison des survivants, figures de la littérature yiddish. 

La purge, menée sous l'étendard de la lutte contre le "cosmopolitisme sans racines", s'étend comme la peste. Elle touche la presse, allant jusqu'à menacer Zaslavski, un journaliste protégé par Staline, qui se voit reprocher son abonnement au Théâtre juif. Des têtes tombent à la Pravda. Les intellectuels juifs sont chassés des journaux, de la radio, de l'enseignement supérieur. Ils survivent en donnant des conférences ou rejoignent des secteurs moins exposés. On "nettoie" la pédagogie, la philosophie, l'économie, l'industrie, la production et la recherche militaires. Seuls quelques juifs, peu nombreux, appartenant à l'élite, échappent au combat contre la "pollution". 

Un complot imaginaire

L'affaire des médecins, dite "des Blouses blanches", marque le paroxysme de cette politique délirante. Elle est analysée minutieusement par Kostyrtchenko. On invente de toutes pièces un complot des médecins du Kremlin, dont beaucoup sont juifs. Ils auraient assassiné des leaders soviétiques, comme Jdanov, disparu en 1948, et préparé l'assassinat de plusieurs autres. On les arrête. On les soumet à la question. La fin de Staline leur épargne une liquidation certaine. Quant à ceux qui furent mêlés à cette opération criminelle, hormis Beria, ils ne connurent aucun remords et vécurent avec les honneurs dus à leur rang. 

Le bilan des victimes de ce pogrom bureaucratique ne dépasse pas la centaine. Il n'a donc rien à voir avec l'extermination des juifs par les nazis. Staline dut se contenter de détruire les âmes, de briser les volontés, et, même s'il envisagea des déportations massives de Juifs vers l'Altaï ou le Kazakhstan, il ne put réaliser son plan.
Le "mur des cons" du SM n'a rien inventé...

Mais les purges staliniennes ont existé, en plusieurs vagues d'ampleur et de significations différentes.
Elles ont été pour Staline le moyen de s'assurer le pouvoir absolu. Plongeant le pays dans un
climat de terreur et de suspicion policières, elles détruisaient toute possibilité d'opposition dans et hors du parti. En attribuant ses échecs à des boucs émissaires, elles justifiaient aussi les mesures de Staline. Enfin, elles faisaient disparaître non seulement les acteurs de la révolution d'Octobre qui portaient ombrage au maître du Kremlin, mais aussi les apparatchik qui auraient voulu s'émanciper de sa tutelle. Les premiers procès préfabriqués, celui des ingénieurs de l' "affaire Chakhty", celui du "parti industriel", celui du "bureau fédéral menchevik", font leur apparition dès la fin des années vingt (1928-1931). Ils sont suivis d'arrestations massives: la collectivisation forcée s'accompagne de la déportation de millions de familles paysannes qualifiées de koulaks. 
Mais le coup d'envoi de ce qu'il est convenu d'appeler la grande purge se situe au lendemain de l'assassinat de Kirov, le 1er décembre 1934, un acte isolé que Staline mit à profit sans tarder. L'explication immédiate du déclenchement de la grande purge réside dans la conjoncture : malgré le radicalisme des méthodes mises en œuvre pour la collectivisation et l'industrialisation, on assistait à un échec partiel. Au sein du bureau politique, une jeune équipe stalinienne, Kirov en tête, assassiné en 36, s'apprêtait à entreprendre une action visant à destituer Staline. 
Dès lors, le mécanisme des purges va s'accélérer sous l'égide du N.K.V.D. (commissariat du peuple aux Affaires intérieures). Il se situe à plusieurs niveaux: les grands procès des vieux dirigeants bolcheviques en sont la facette publique et le véritable début. Entre 1929 et 1931, plus de 250.000 communistes sont exclus du Parti, beaucoup pour "déviationnisme droitier". En janvier 1937 se déroule un deuxième procès, celui du "Centre anti-soviétique trotskiste de réserve". Le verdict est le même que lors du premier procès : les dix-sept accusés sont jugés coupables et, à une exception, tous condamnés à mort.

Les procès de Moscou sont le signal du début de purges massives. 
La phase la plus violente se déroule de fin 1936 à 1938, et coïncide avec la Iejovschina. Durant ces deux années, la répression fait plus de deux millions de victimes, dont 725.000 exécutions. L'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937, qui ordonne de réprimer les "éléments anti-soviétiques et socialement dangereux", marque le début des purges à grande échelle. Iejov y ordonne à la police secrète de fusiller un quota minimal de 75.950 personnes et d'en envoyer 193.000 au goulag.
Pour Robert Conquest, la Grande Terreur aurait entraîné au moins
six millions d'arrestations, trois millions d'exécutions et deux millions de décès dans les camps du goulag (la photo ci-contre n'est pas prise dans un camp nazi).
Beaucoup d'"ennemis du peuple" sont poursuivis sous l'inculpation de sabotage économique, d'affiliation au trotskisme ou de participation à la subversion étrangère. L'automne 1938 marque la fin de la "Grande terreur". La pratique des arrestations arbitraires continue toutefois jusqu'à la mort de Staline.

Mais il ne faut pas oublier que l'un de ses successeurs, Brejnev, voulut en finir à son tour avec un peuple qui tenait à ses traditions, à sa langue et à sa culture. Il l'obligea à un second Exode.

Prisonniers du Pharaon rouge, par Guennadi Kostyrtchenko. Trad. par Michèle Kahn. Solin/Actes Sud, 448 p.

 

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