lundi 29 décembre 2014

Grève des médecins: leur ministre refuse de les entendre

Marisol Touraine affirme qu'elle ne cèdera pas

"Il y a un discours et la réalité du terrain"

La deuxième semaine de grève des généralistes et spécialistes contre le projet de loi santé du gouvernement a été marquée par l’entrée de SOS Médecins dans le mouvement. Dans un entretien avec le Journal du dimanche (JDD), le président de l’association, Dominique Ringard, revient sur les raisons de leur bataille.

Pourquoi SOS Médecins a [-t-il] rejoint la grève des médecins libéraux?
Nous avons des revendications en commun. Sur le tiers payant, par exemple. Dans l’absolu, nous ne sommes pas contre, car on le pratique énormément (30% des patients de SOS Médecins bénéficient de la couverture maladie universelle), mais nous nous opposons à sa généralisation. Cela revient clairement à fonctionnariser les médecins libéraux et rend les choses vraiment complexes. Les médecins ne seraient alors plus payés directement par le patient mais par la sécurité sociale et la mutuelle. Il faut pourtant savoir qu’il y a entre 600 et 800 mutuelles en France, que les impayés existent et que les démarchent prennent du temps… Un médecin déjà surchargé de travail n’a pas forcément le temps de vérifier si le remboursement a bien été effectué. Mais nous avons également d’autres revendications : on s’oppose à l’idée de supprimer les consultations libérales de nuit.

Cette prise de décision dépend-elle des directeurs d’agences de santé (ARS)?
En effet, elle passe par ces gouvernants. On se bat contre le pouvoir laissé aux directeurs des agences régionales de santé. Ils prennent souvent des décisions aberrantes. Cette nouvelle loi de santé va aggraver cette situation déjà critique. Officiellement, dans la région Nord-Pas-de-Calais et à Nancy (Lorraine), il n y’a plus de médecins de garde entre minuit et 8h. Si votre enfant fait une laryngite à 2h du matin, vous allez devoir patienter aux Urgences, souvent bondées. Les directeurs préfèrent supprimer les médecins et que tout le monde se retrouve à l’hôpital. Nous sommes foncièrement contre cela. Ce n’est même pas une question économique car si le patient a besoin d’une ambulance pour se rendre aux Urgences, cela représente presque cinq fois le coût du passage d’un médecin! Ce sont des décisions prises sans penser au coût global des soins et qui vont à l’encontre du bon sens. La réforme territoriale ne va rien arranger car des régions jusque-là épargnées vont être touchées.
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"Le gouvernement prend note mais rien ne bouge"

Concrètement, qu’est ce qui est mis en place pour les malades jusqu’à mercredi?
Quelque 1.000 médecins de nos 64 structures SOS Médecins ont été réquisitionnés. Il y avait tellement de patients que les gardes des grévistes ont été augmentées : jusqu’à mercredi, toutes nos antennes seront réquisitionnées, certaines en journée et la nuit, d’autres seulement la nuit. Les Urgences ont été engorgées et à SOS Médecins, le téléphone n’arrête pas de sonner [contrairement aux éléments de langage du gouvernement relayés par une certaine presse]. Les fêtes de fin d’année représentent une période extrêmement chargée. Dans l’Oise par exemple, la réquisition était prévue seulement le soir mais les médecins sont finalement venus dès 8h du matin. Il y a un discours et il y a la réalité du terrain.
i-télé n'a pas non plus utilisé
ses caméras cachées...
Le gouvernement reste pour le moment sourd à vos revendications?
On demande à ce  que la ministre revoie les choses : le gouvernement prend note mais rien ne bouge. Nous, nous sommes prêts à rencontrer Marisol Touraine. Elle assure que cette grève n’entraîne "aucune difficulté particulière" et que la fréquentation des urgences est "stable". Mais s’il n’y avait vraiment aucun problème, toutes les structures SOS Médecins ne seraient pas réquisitionnées massivement comme c’est le cas aujourd’hui. Je trouve ça inquiétant.

"Personne n’arrête d’être malade entre minuit et 8h !"

Demandez-vous le retrait total de ce projet de loi?
Nous voulons simplement que le projet, avant d’être examiné au Parlement en avril, soit aménagé et qu’il prenne compte de nos revendications, qui nous semblent justes et légitimes. On veut continuer à travailler 24h/24 comme on le fait depuis 48 ans, à aller voir des patients chez eux pour les soigner [ce que souhaitent les malades eux-mêmes]. Les populations les plus démunies vont clairement être les plus impactées, tout le monde n’a pas une voiture pour se rendre à l’hôpital. Dans la réalité, personne n’arrête d’être malade entre minuit et 8h !

Le pouvoir socialiste n'écoute pas non plus les patients

Combien de temps 
le mouvement va-t-il encore durer ?
Nous espérons pouvoir rencontrer Marisol Touraine [que le président n'a pas réquisitionnée pour entendre les médecins], mais nous nous battrons pour nos causes jusqu’à ce qu’elles soient entendues. La ministre doit recevoir le 12 janvier des représentants de généralistes. Nous verrons ce qui en sort car le ministère assure que la réforme reste "ouverte à tous les aménagements possibles".
 
Le syndicat médical MG-France appelle à la fermeture des cabinets le 6 janvier, nous [SOS Médecins] les suivrons. Car si le mouvement devait se terminer le 31 décembre, la contestation ne s’arrêtera pas. Nous allons nous battre pour nos patients et le bien de notre profession.

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