jeudi 13 novembre 2014

Bouches-du-Rhône: Jean-Noël Guérini crée un nouveau parti

Guérini, de parrain à chef de parti

L'indéboulonnable président du Conseil général des Bouches-du-Rhône a annoncé jeudi la création d'un nouveau parti politique

Réélu en octobre, le sénateur Jean-Noël Guérini adresse un pied de nez à ses collègues socialistes des Bouches-du-Rhône. Il compte en effet rééditer aux cantonales de mars son succès des dernières sénatoriales, où il a siphonné les voix d'un Parti socialiste local en déroute. L'ex-patron du PS des Bouches-du-Rhône est "dans une logique de démolition du PS", estimait récemment une conseillère générale socialiste citée par Mediapart. C'est ainsi que Patrick Mennucci, candidat PS aux élections municipales à Marseille a fait les frais de son allégeance à Paris.

A 63 ans, l'homme fort du PS dans le département veut donc préparer les prochaines échéances électorales avec le soutien de sa nouvelle structure, le parti des "amis de Jean-Noël Guérini", résume le site Marsactu... "Rien ne s’est jamais arrêté", a-t-il lancé devant un demi-millier de personnes, soulignant l’urgence "d’aller vers de nouveaux horizons, vers de nouvelles conquêtes"
Jean-Noël Guérini dit exclure tout accord politique avec les socialistes, alors que 22 conseillers généraux socialistes ou apparentés sur 29 se sont déclarés favorables à une "large alliance de la majorité sortante, PS-Front de gauche-Force du 13 et PRG" pour les départementales de mars 2015. Une fausse bonne idée, regrette Michel Pezet, qui ne fait pas partie des signataires. Selon lui, "il n'y aura pas d'accord", mais Jean-Noël Guérini veut "les pousser à adhérer à sa formation, quitte à être exclus du PS", un parti qu'il veut "casser". "Il faut se battre pour que cette collectivité reste à gauche, mais pas à n'importe quel prix", ajoute Jean-David Ciot dans les colonnes du Monde, voix officieuse du PS parisien.

Le mouvement "La Force du 13", qu'il vient de transformer en parti politique, lui a permis d'obtenir fin septembre trois sièges au Palais du Luxembourg, au détriment notamment du Parti socialiste qui n’en a sauvé qu’un. "J’étais socialiste, je ne le suis plus mais il y a des élus socialistes dans cette salle que je salue", a ironisé en direction des observateurs celui qui a comparu le mois dernier devant la justice pour détournement de fonds publics et qui est mis en examen dans deux affaires de malversations présumées sur des marchés publics de la région marseillaise.
A la mi-octobre, le sénateur a comparu pour détournement de fonds publics, dans son affaire de licenciement de complaisance présumé. Une peine de et une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et d'un an d'inéligibilité a été requise à son encontre.

L'ancien patron de la fédération socialiste locale n'en finit plus d'empoisonner le PS

Jean-Noël Guérini a rompu avec la Rue de Solférino en avril, quelques jours avant d'en être exclu. "Je ne regrette rien de mes 47 ans passés au Parti socialiste. Je ne les bannis pas d’un revers de main", a souligné celui qui affirme "avoir fermé le livre" de cette période.

Guérini mène aujourd'hui le combat contre le projet de grande métropole Aix-Marseille-Provence lancé par le gouvernement
. Il entend surfer sur le mécontentement des élus locaux pour conserver un siège de président du Conseil général qu'il occupe depuis 1998. "Le mode de fonctionnement du gouvernement est celui du renoncement des promesses. En politique, l’amateurisme ne pardonne pas. Il ne faut plus céder aux représentants de cet état hautain et parfois autiste", a-t-il encore déclaré.

Quant aux
débats qui agitent déjà les socialistes du département sur l'éventuel successeur PS à la tête du Conseil général, dans le fauteuil de Jean-Noël Guérini, "c'est n'importe quoi!", balaie Michel Pezet. Et de calculer rapidement: le PS local serait suffisamment mal en point pour ne pas obtenir les 12,5% des inscrits nécessaires au maintien d'un candidat au second tour, selon lui. Pierre Orsatelli va plus loin dans la rumeur politicienne et soupçonne "un accord entre Jean-Noël Guérini et Jean-Claude Gaudin pour que la gauche perde le Conseil général".  "De toute façon, on ne va pas garder le Conseil général !" raille Pezet, évoquant la réforme des collectivités...

Un parti sur-mesures ?

Mais attention, "si Jean-Noël Guérini est bien à l'origine de ce parti, nous ne sommes pas un mouvement bonapartiste dédié au soutien d'un seul homme", tient à nuancer Michel Amiel, le maire des Pennes-Mirabeau où la naissance a été célébrée. Le but de Force 13 est de "donner une caisse de résonance à l'opposition au projet actuel de métropole" Aix-Marseille, plaide le sénateur-maire. Un projet qui lui semble synonyme de "confiscation" du pouvoir des maires au profit de Marseille "dont il faut combler le déficit abyssal". Cette ligne a séduit "des maires de tous bords, ce qui explique notre résultat aux élections sénatoriales", estime Michel Amiel. 

Les maires ont également été séduits par les aides aux communes, distribuées ou promises par le Conseil général des Bouches-du-Rhône... présidé par Jean-Noël Guérini lui-même. Il a généreusement "dégainé le chéquier", raconte Mediapart, en chiffrant ses largesses à quelque 360 millions d'euros. Ces aides financières, auxquelles les maires peuvent prétendre, "n'auraient pas eu cette intensité sans Jean-Noël Guérini. Les maires y ont été sensibles", estime Michel Pezet, conseiller général orthodoxe du PS.

Un Conseil général confisqué par le système système

Le président du Conseil général et ses proches assument parfaitement ce soutien financier et politique. Mais pour ses détracteurs, ce "système Guérini" est fondé sur "le charme, l'achat, la menace", aux yeux de Renaud Muselier, auteur du Système Guérini et ex-député UMP des Bouches-du-Rhône. Il est "fait de clientélisme et de vassalités", résume Pierre Orsatelli, leader du Renouveau PS 13, un collectif de militants socialistes. Résultat: "Il n'y a pas un canton où il n'ait un obligé." Et chacun lui "renvoie l'ascenseur", d'après l'expression d'un maire de droite qui a voté pour lui aux élections sénatoriales, cité par BFMTV.
Dès avril 2014, un certain nombre d'élus l'avaient déjà rejoint: outre le fidèle Michel Amiel, démissionnaire du PS depuis l'été 2013, on notait Lisette Narducci et on pouvait également voir à ses côtés quelques têtes connues des listes "citoyennes" des dernières municipales : Marseille unie, l'union pour Marseille du docteur Soubeyrand et "même un ancien des listes de Pape Diouf". Dernière vacherie, il glisse que le candidat socialiste Patrick Mennucci lui a envoyé un émissaire "il y a trois mois" lui proposant de dealer "150 voix de grands électeurs" en échange d'une limitation de son influence électorale au seul secteur du 2/3. "Mais pour promettre des voix, il faut déjà gagner des élections".

Depuis la neuvième étage du Bateau bleu, siège du CG, Jean-Noël Guérini est encore "le patron" du département, constate Michel Pezet. Certes, il a dû quitter le PS avant d'en être exclu, sur fond de procès en cours ou à venir, mais à la tête de cette "puissance locale ancrée dans les territoires, il dispose d'un poids politique bien plus important que le premier secrétaire fédéral du PS", estime-t-il. Surtout quand le premier secrétaire fédéral du PS en question, Jean-David Ciot, se retrouve à ses côtés sur le banc des accusés face à la justice...


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