lundi 28 avril 2014

Pourquoi Alstom en est-elle à se vendre?

Alstom, symbole de la décrépitude du tissu industriel français
Le devenir des activités du fleuron industriel français, convoitées par deux géants,

l'américain General Electric et l'allemand Siemens, se joue dans les heures qui viennent. Alstom, fierté nationale, créateur du TGV et en pointe sur les renouvelables, discute d'un rapprochement avec l'Américain General Electric, a confirmé son patron Patrick Kron vendredi 25 avril.
Au delà d'Alstom, l'appétit des étrangers pour les entreprises de l'Hexagone s'est accru ces derniers mois. La France a été la première cible d'acquisitions au premier trimestre 2014 et le pays a concentré un tiers des fusions-acquisitions en Europe sur la période. Lafarge & Holcim, Publicis & Omnica, PSA & Dongfeng ou même SFR & Altice: la liste des icônes de l'économie française au cœur d'opérations transnationales s'allonge. Il n'est pas excessif de dire qu'elles passent toutes sous pavillon étranger, malgré l'agitation de Montebourg. 

Face aux critiques de laisser-faire, François Hollande est monté au créneau ce dimanche en convoquant une réunion au sommet. Autour du chef de l'Etat, le Premier ministre, Manuel Valls, ainsi que les ministres de l'Economie Arnaud Montebourg et de l'Energie Ségolène Royal, ont "discuté de l’évolution du dossier, au regard des objectifs d’emploi, de localisation des activités et d'indépendance énergétique". A l'issue de la réunion , l'Elysée a annoncé que le président recevrait lundi, dès 9h30, Jeffrey Immelt le PDG de General Electric. Il recevra aussi le PDG de Siemens, qui a fait une contre-proposition lundi après-midi et Martin Bouygues lundi soir. Alstom vendrait ses activités énergie et réseaux au conglomérat américain. Il n'y aurait donc pas d'OPA.

Alstom est une société anonyme française
Ce fleuron stratégique de l'industrie française basé à Belfort est spécialisé dans les secteurs des transports, principalement ferroviaires (trains, tramways et métros), et de la production d'énergie (centrales électriques et énergies renouvelables comme des éoliennes).
Bien que convoité par deux géants mondiaux Le Canard Enchaîné pointe Alstom. L'hebdomadaire évoque ainsi le fait qu'Alstom a été privé de marchés publics étrangers, comme au Mexique en 2004, et que deux de ses filiales ont été sanctionnées en 2008 pour avoir corrompu des fonctionnaires en Italie, que, depuis 2012, la Banque mondiale a interdit au groupe de répondre à des appels d'offres en raison de pots-de-vin versés à un ministre en Zambie, que la justice suisse a condamné l'entreprise à une amende de 2 millions, plus 29 millions de pénalités correspondant aux bénéfices réalisés grâce à "des paiements inappropriés versés à des agents publics en Lettonie, en Malaisie et en Tunisie". "De vieilles histoires", a répondu Alstom au Canard, qui souligne cela dit que, d'après l'OCDE, des enquêtes concernant Alstom sont en cours en Grande-Bretagne, en Slovénie, en Pologne, au Brésil et en Norvège. Alstom, avec Veolia, est mis en cause dans l'affaire du tramway de Jérusalem.

Alstom a été sauvé il y a dix ans, mais par sous-capitalisation
Les écologistes sont étrangement taiseux sur un dossier qui les a mobilisés...Alstom a perdu 1 milliard d'euros de capitalisation à la Bourse à Paris en janvier 2014. Une chute de l'ordre de 11%, qui a ramené le titre de 27,755 euros à la clôture hier à environ 24,70 euros.  Si la plupart des secteurs se portent relativement bien, le coeur de métier, les centrales thermiques, est à la peine, faute de gros projets sur les marchés matures mais aussi dans les pays émergents. Alstom se satisfait difficilement de nombreux contrats de moindre taille. 

Les jours à venir s'annoncent à nouveau décisifs pour le devenir du groupe industriel français.
Invité de RTL, le ministre de l'Economie s'en est pris à Patrick Kron, le PDG d'Alstom, et donc à Martin Bouygues, l'actionnaire principal, qu'il a accusé d'avoir décidé "en trois jours de vendre un fleuron de l’industrie nationale dans le dos de ses salariés, et du gouvernement."

Les syndicats d'Alstom en appellent au gouvernement, alors qu'une vingtaine de salariés se sont rassemblés ce dimanche 27 avril devant le siège de l'entreprise à Levallois-Perret.

Des syndicats d'Alstom ont interpellé la direction de l'industriel français pour qu'elle prenne le temps d'étudier les scénarios susceptibles de pérenniser l'activité de l'entreprise.
La fédération CFDT de la métallurgie demande "au gouvernement d'user de tous ses moyens" pour que l'examen des offres de General Electric et de Siemens, ainsi que la "concertation indispensables aient lieu et pour qu'aucune décision hâtive ne soit prise". "le conseil doit surseoir à toute décision jusqu'à ce que toutes les options aient pu être sérieusement étudiées", continue la fédération.
Même appel de la part de la CGT, qui souligne que la moitié du carnet de commandes d'Alstom, "53 milliards d'euros, vient de l'Etat et des pouvoirs publics", "il est donc important que le gouvernement ait son mot à dire""Nous ne laisserons pas le groupe être démantelé", surtout pas dans cette "précipitation et cette urgence". "Il y a d'autres solutions pour trouver du cash que de brader le groupe: que les actionnaires remboursent déjà les 1,5 milliard de dividendes".

"Le devenir d'Alstom ne relève pas de ses seuls actionnaires", estime aussi la CFDT, qui, comme la CFE-CGC (premier syndicat) et la CGT, exprime "son immense surprise" d'apprendre par voie de presse les tractations en cours avec l'américain General Electric et l'allemand Siemens.

Invité de BFMTV et RMC, le président du MoDem a estimé que le gouvernement a "entre les mains une responsabilité très importante ce matin". "Nous n'avons pas de politique industrielle, ce n'est pas en deux jours que devraient se prendre des décisions aussi importantes", a-t-il dénoncé, tout en taclant Alstom qui a, selon lui, commis "une succession d'erreurs industrielles".

Le président de l'UMP a jugé le dossier Alstom "extrêmement grave". Il y a "un Etat dont on attend qu'il soit stratège et qui se comporte en pompier pyromane", a accusé l'ancien ministre sur Europe 1. "Nous sommes dans la dernière ligne droite, on nous parle de 48 heures" et pourtant "cela fait des mois que ce dossier est connu", a -t-il affirmé.

Arnaud Montebourg : "Les entreprises françaises ne sont pas des proies"

Alors qu'il doit participer aux rencontres avec les PDG de General Electric et Siemens, lundi 28 avril, le ministre de l'économie et du redressement productif, Arnaud Montebourg, a indiqué qu'il entendait "refuser le fait accompli" d'une vente de la branche énergie du groupe Alstom à GE.

Interrogé sur RTL, Montebourg a déclaré "refuser qu'Alstom, en trois jours, décide de vendre 75 % d'un fleuron national dans le dos de ses salariés, dans le dos du gouvernement, dans le dos de la plupart de ses administrateurs et de ses cadres dirigeants ".

Montebourg a révélé sa préférence pour un rapprochement d'Alstom avec l'allemand Siemens. "Pour utiliser des images qui parlent aux Français : soit on se fait racheter par Boeing soit on construit Airbus" a ainsi expliqué le ministre, qui affirme que "Siemens veut créer deux leaders mondiaux dans les domaines de l'énergie et des transports".
"Les entreprises françaises ne sont pas des proies, en revanche nous sommes disponibles pour nouer des alliances qui nous permettent de nous armer dans la mondialisation.Nous avons multiplié ces derniers jours et ces dernières heures un certain nombre d'initiatives, la première c'est derefuser le fait accompli."
Selon lui, l'offre de GE "pose un problème pour une raison simple, c'est que l'essentiel d'Alstom, 75 % de l'entreprise, 65 000 salariés dans le monde, vont être dirigés depuis le Connecticut". "Nous avons dit que cette situation était inacceptable", a rappelé le "redresseur productif", tout en reconnaissant que General Electric est un "investisseur qui se comporte très bien en France". 

Montebourg n'exclut d'ailleurs ni un rachat par l'Etat de la part de Bouygues dans Alstom (environ 29 % du capital), ni une éventuelle nationalisation transitoiretoutefois jugée "prématurée".  Il a toutefois indiqué qu'en l'état une nationalisation est "prématurée", mais que le gouvernement travaille à faciliter les rapprochements.

Mais, au gouvernement Valls, Montebourg et Rebsamen divergent
Selon les informations du Monde, Montebourg aurait fait pression pour que le conseil d'administration d'Alstom, prévu dimanche après-midi ne soit pas conclusif. Il veut l'inciter à prendre le temps d'une réflexion stratégique et des offres, avant de sans doute approuver celle de General Electric.
Sur France Inter, le ministre du travail, François Rebsamen, a dit vouloir "que tous les emplois soient sauvegardés" et "que l'indépendance énergétique soit maintenue, que les centres de décisions restent en France". "Les décisions de M. Kron (le PDG d'Alstom) ne peuvent pas se prendre sans l'accord de l'Etat Français", a-t-il également affirmé.


Bercy et l'Élysée espèrent trouver une offre alternative à celle de General Electric

GE veut racheter l'activité énergie du groupe français, mais Siemens se dit prêt à discuter. Le ministère de l'Économie fait tout son possible pour faire émerger une alternative avant cette échéance cruciale, alors qu'un CA d'Alstom est sur le point d'approuver l'offre d'achat a minima de GE pour seulement 10 milliards d'euros.

Pour éviter le démantèlement d'un fleuron industriel français aussi stratégique qu'Alstom, le gouvernement a demandé au groupe allemand Siemens de plancher sur le sujet. Dimanche matin, Siemens s'est dit prêt à "discuter de futures opportunités stratégiques"

Une solution franco-allemande pourrait associer BPI France et des industriels français. Siemens doit trouver une solution qui satisfasse à la fois les exigences de Bouygues, actionnaire à 30,75% d'Alstom, et celles du gouvernement, très attaché à préserver les emplois, les centres de décisions et les actifs stratégiques d'Alstom. A Clara Gaymard, présidente de General Electric France,Arnaud Montebourg a notamment exprimé vendredi soir son souci concernant la fourniture par Alstom des turbines de l'EPR françaisJeff Immelt, le PDG de General Electric,  devrait faire valoir ce lundi que son groupe fournit déjà les turbines des sous-marins d'attaque français et que ces contrats avec la DGA et la DCNS ne posent pas de problème à la France.

La branche énergie du groupe français regroupe des activités telles que les turbines pour centrales électriques, l'éolien et les systèmes de transmission de l'électricité. Elle pèse plus de 70 % du chiffre d'affaires global d'Alstom, soit environ 15 milliards d'euros lors de l'exercice 2012-2013, emploie près de la moitié des 18 000 salariés d'Alstom en France et regroupe les activités les plus rentables du groupe en excluant les renouvelables (aux marges moins élevées). 
La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) est actionnaire à 1,41% et Hollande a étêté  la BPI (Banque publique d'investissement ou BPI France) supposée "accompagner", financer et aider au développement des entreprises. Nicolas Dufourcq, son directeur général, déclarait que "la priorité de la BPI, c’est de préparer la France 2030", mais des places sont vacantes depuis que  Jean-Pierre Jouyet, son président, est passé à l'Elysée et que Ségolène Royal, vice-présidente du conseil de la Banque publique, a été appelée au gouvernement Valls en charge de l'Ecologie, du développement durable et de l’énergie... Si la BPI ne joue aucun rôle dans ce dossier, l'exécutif ne peut échouer.



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