Nicolas Hulot prend parti sur les points de frottements socialo-écolos
Nicolas Hulot distille ses prises de paroles pour frapper les consciences.
Alors que débute jeudi le débat national sur la transition énergétique, orchestré par la ministre de l’Ecologie Delphine Batho, le président de la Fondation pour la Nature et l’Homme a choisi le Parisien - Aujourd’hui-en-France pour évoquer tous les sujets chauds du moment : l’avenir en France des gaz de schiste ou du nucléaire, l’évolution du bonus-malus écologique et bien-sûr, la fronde contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes.
Comment sortir de l’impasse à Notre-Dame-des-Landes ?
NICOLAS HULOT. Je n’ai pas de recette miracle mais je pense qu’il faut sortir des postures jusqu’aux boutistes de part et d’autre. Arrêtons de caricaturer ce combat en le réduisant à une bataille entre progressistes et obscurantistes. Il y a un vrai mouvement citoyen contre cet aéroport qui rassemble des jeunes, le monde paysan, des écologistes et beaucoup de personnes soucieuses de construire une société différente. C’est l’expression d’un vrai désarroi. Je trouve affligeant qu’au XXIème siècle, on envoie des forces de l’ordre face à des jeunes et des paysans qui se battent contre ce projet. Donnons-nous du temps pour écouter sincèrement les arguments, y compris économiques, et nommons un médiateur qui soit une autorité incontestable. Il n’y a pas d’urgence à faire cet aéroport, alors remettons les choses à plat.
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Le grand-ouest a-t-il besoin de ce nouvel aéroport ?
Dans la région, je note qu’il y en a déjà un à Rennes, un à Lorient, un autre quasi inutilisé à Angers qui n’est pas optimisé et l’actuel aéroport de Nantes qui ne fermera pas car Airbus n’en déménagera pas. La conviction de ceux qui défendent Notre-Dame-des-Landes est sincère...mais obsolète. Ce projet a été pensé il y a plus de quarante ans à un moment où le trafic aérien était en expansion, où le baril de pétrole ne coûtait que quelques dollars et où il n’y avait pas de problème de réchauffement climatique. Aujourd’hui, le monde a changé et on s’obstine à l’ignorer. Maudits soient les yeux fermés ! L’aéroport et ses accès coûteront au final plus d’un milliard d’euros. Non seulement ce sont des investissements d’hier mais il y a d’autres priorités, surtout si la France veut respecter ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre.
Que dites-vous à Jean-Marc Ayrault qui soutient personnellement ce projet ?
Je ne lui jette pas la pierre et j’entends ses arguments mais il n’a pas la bonne grille de lecture.A la conférence environnementale, en septembre, le Premier ministre avait parlé de " zéro artificialisation des sols " et j’avais dit bravo. Cela signifie que lorsque l’on sacrifie des terres agricoles, devenues rares et précieuses, il faut être sûr que ça corresponde bien aux besoins d’aujourd’hui. Je dis à l’ensemble des interlocuteurs qu’il faut sortir des dogmes et des crispations et se remettre tous autour de la table. En période de crise économique et écologique, il y a des choix à faire. Notre-Dame-des-Landes est un investissement archaïque qui sacrifie l’avenir à des intérêts à court terme.
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Qu’attendez-vous du débat sur l’énergie qui débute jeudi ?
Que la France définisse collectivement, avec tous ses citoyens, ses véritables besoins énergétiques et ainsi le modèle qu’elle souhaite mettre en œuvre pour les décennies à venir, tout en tenant nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les ONG doivent accepter que tout le monde participe au débat. Mais donnons au maximum des signes de neutralité en laissant la parole aux experts, à des autorités indépendantes, aux citoyens et en ne laissant pas à des ministres le soin de piloter les débats : le gouvernement ne doit pas être juge et partie.
Quelle est la priorité en matière énergétique ?
La sobriété. Il faut à tout prix, à confort égal, réduire la voilure en matière de production et de consommation d’énergie. Les prix de l’énergie ne cessant d’augmenter, des centaines de milliers de précaires énergétiques n’arrivent plus à boucler leur fin de mois à cause de la flambée des factures. Il faut leur donner les moyens de réduire drastiquement leur consommation. Le chantier de l’efficacité énergétique est tellement immense qu’il permettra de réindustrialiser la France. La banque publique d’investissement doit être prioritairement dédiée à ces questions de transition écologique et énergétique. Pour l’heure, cela n’est pas clairement affirmé.
Le principe d’un bonus-malus sur le prix de l’énergie a du mal à passer...
Il faut garantir aux classes moyennes et défavorisées que toute fiscalité écologique ou énergétique supplémentaire se substituera à d’autres prélèvements obligatoires. Et expliquer qu’en ayant des comportements vertueux, ils gagneront en pouvoir d’achat.
Le nucléaire a-t-il encore de l’avenir ?
Compte tenu de ce qui s’est passé à Fukushima, je pense que le nucléaire ne peut pas se développer et qu’il faut progressivement le réduire. Si le nucléaire devait être la réponse au changement climatique, il faudrait, pour faire face à la demande croissante d’énergie, construire dans le monde une centrale tous les quinze jours pendant cinquante ans ! Et si l’on faisait ça, les probabilités d’accidents majeurs deviendraient une certitude. Cela dit, je comprends que la France ne puisse en sortir du jour au lendemain. Entamons un processus de décrue et faisons baisser la part de l’atome au même rythme que l’on développe les énergies renouvelables. L’objectif de réduire à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité va dans le bon sens. Encore faut-il clarifier si c’est par rapport à la production d’aujourd’hui ou...de demain.
Faut-il fermer durablement la porte aux gaz de schiste ?
Les intermittents du spectacle écolo radical |
Il n’y a pas le début d’une preuve que ces méthodes d’extraction puissent être sans conséquences environnementales et sanitaires. La France ne peut pas à la fois promettre de lutter contre le changement climatique et relancer une nouvelle filière d’exploitation d’énergies fossiles. Quant aux arguments économiques, les compagnies américaines risquent très vite de déchanter. Il en est du mirage des gaz de schiste comme il en a été des agro-carburants de première génération. Ce sont des leurres. Les écologistes sont souvent vus comme des empêcheurs d’avancer mais si on les avait écoutés sur les agro-carburants, l’amiante ou le diesel qui est devenu un fardeau, on ne serait pas aujourd’hui dans des impasses.
Les Verts ont-ils leur place dans le gouvernement ?
Les ministres écologistes font leur job et doivent garder leur liberté de parole. Mais pour sortir des psychodrames permanents, il ne faut pas se contenter de faire de l’écologie au prorata des rapports de force électoraux.L’attitude visant à sous-traiter ici et ailleurs ces enjeux environnementaux n’est plus acceptable. Les deux plus grandes formations politiques n’ont pas commencé leur mutation écologique. Ni l’UMP ni le PS ne tiennent compte du fait que le monde a changé, que l’on a basculé dans la rareté des ressources naturelles. Ils n’ont pas compris que la pire contrainte qui pèse sur nos sociétés est le changement climatique. Je les invite à lire le récent rapport de la banque mondiale sur les conséquences économiques alarmantes du réchauffement de la planète.
Que vous inspire le psychodrame à l’UMP ?
C’est consternant et il ne faudra pas s’étonner si le vote extrême, les bulletins blancs et l’abstentionnisme progressent. De vous à moi, je préférerais que ce type d’emballement politico-médiatique, dans ce cas stérile, puisse avoir la même ampleur à chaque rapport scientifique sur la crise écologique.
François Hollande va-t-il vous nommer ambassadeur de France à l’ONU en charge de l’environnement ?
Cela ne m’a pas été proposé. Il faudrait par ailleurs aller vivre à Washington ou New-York, ce qui serait compliqué à titre personnel (il vit actuellement à Saint-Lunaire, en Bretagne). J’ai décidé pour l’instant de me consacrer exclusivement à mon engagement écologique à travers ma Fondation et je réfléchis à d’autres modalités. C’est un sujet crucial mais qui a disparu des écrans radars et il y a urgence à réveiller la société française et européenne sur ces enjeux.
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