jeudi 18 octobre 2012

"La France est près de la sortie de crise", prédit F. Hollande

François Hollande et la zone euro : des idées vagues, aucune proposition concrète

À l'occasion du 22e sommet européen à Bruxelles depuis le début de la crise, François Hollande a livré sa vision de l'Europe dans un entretien au journal socialiste Le Monde daté du 17 octobre. Il affirme notamment que la France est près de la sortie de crise. 

Une vision peu réaliste ? 
Guillaume Klossa, président d'EuropaNova, analyse les propos du président.

On ne peut que se réjouir que François Hollande prenne enfin la parole sur le sujet européen. Et c’est une bonne chose qu’il s’adresse directement, grâce à cet entretien à six quotidiens de l’Union, aux citoyens européens. Mais on reste sur sa faim en matière de vision et d’ambition. Il est important qu’il précise sa position.

Que veut François Hollande pour l’Europe ? Comment voit-il l’avenir du couple franco-allemand ? Peut-on véritablement croire que l’Union bancaire seule suffira à éloigner le spectre de la crise ? Et puis, quand il parle de plus de solidarité et de cohésion, que veut-il dire ?


F.H. : Nous sommes "près de la sortie de crise […]. Le pire est derrière nous"


C’est vrai que l’Europe a retrouvé un calme tout provisoire après des années extrêmement difficiles, mais ce n’est pas définitif, et ce n’est pas la première fois que l’Europe retrouve une oasis de calme depuis le début de la crise.

Attention à ce que cela ne soit le calme avant la tempête. Ou simplement un mirage ! Les perspectives de croissance de l’Europe n’ont jamais été aussi faibles, autour de 1%. Une nouvelle houle, et l’Europe pourrait bien sombrer.

La France est loin d’être à l’abri : si on reste dans la situation économique actuelle, le moindre retour d’une situation de crise nous fera basculer de nouveau dans la précarité. Le président est soit naïf, quand il dit que le pire de la crise est derrière nous – rappelons que Nicolas Sarkozy avait dit la même chose en janvier –, soit trop optimiste, soit trop prudent quand il parle des progrès nécessaires pour que l’Europe fonctionne.

Le pire est peut-être derrière nous, mais le meilleur reste à construire.


"L’union bancaire permettra [...] une résolution des crises"

L’union bancaire est en effet nécessaire. Elle permettra de créer une autorité européenne de supervision des banques, qui permettra de réduire le risque systémique et qui devrait contribuer à réduire les écarts de taux d’intérêt à l'intérieur de l’Union.  

Mais ce que François Hollande ne dit pas, c’est que l’union bancaire est largement insuffisante. Elle doit être également accompagnée d’une union budgétaire et d’une union fiscale, si l'on veut que l’union monétaire fonctionne correctement.

Par intégration budgétaire, je veux dire que nous avons besoin d’un budget pour la zone euro qui permette d’aider les pays comme la Grèce, l’Espagne ou la France lors de chocs économiques asymétriques, c’est-à-dire de chocs qui touchent plus particulièrement et brutalement un pays ou un groupe de pays.

Du point de vue économique, pour sortir de la crise, ce Conseil européen fait de réelles avancées. Notamment lorsqu'il a parlé des questions jusqu’à présent taboues, comme la possibilité de créer un budget et un trésor pour l’Eurozone.

Mais on est loin de trouver un accord sur ces propositions : c’est l’enjeu de la période qui s’ouvre jusqu’au Conseil européen de décembre, où l’Union doit se mettre d’accord sur des solutions concrètes.


"L’Eurogroupe […] doit être renforcé [...]. Les réunions doivent être mensuelles"

Cette proposition va dans le bon sens. Elle consiste à organiser des réunions mensuelles des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro. C’est nécessaire, mais pas suffisant encore une fois. Il faut un vrai pilote politique pour l’Eurogroupe.

Avant la présidentielle, François Hollande s’est rallié un temps à l’idée d’un ministre des Finances de l’Eurozone. C’était une bonne idée : comment peut-on croire que de simples discussions mensuelles suffisent à une gestion politique efficace de la zone euro ?


"La plus grande menace qui pèse sur l’Europe, c’est de ne plus être aimée"

Il y a bien un fossé croissant entre les citoyens et l’Union européenne. Mais François Hollande ne parle pas des moyens qui permettraient de réconcilier ces deux entités, qui sont :

1. Associer le peuple français à la réflexion sur l’Europe. Il ne faut pas, comme on l’a fait en 2005 lors du référendum sur le projet de constitution européenne, leur demander de ratifier un texte déjà écrit sur lequel ils ne peuvent que dire oui ou non. Au contraire, les Français doivent être mis "dans le coup" en amont.

Ils doivent être associés dès maintenant à la réflexion sur les prochaines étapes de l’intégration européenne. La réflexion sur l’avenir de l’Europe ne peut rester plus longtemps une sorte de grand secret qui fait l’objet d’un compromis entre seuls technocrates et diplomates. 

L’Allemagne et la Pologne ont lancé une réflexion publique donnant lieu à de vrais débats sur le sujet. La France ne devrait pas en avoir peur.

2. Définir une vision de l’avenir de l’Europe. On ne sait rien de ce qu’il aimerait que soit l’Europe dans 20 ans. Est-ce qu’il veut que l’Europe soit une démocratie transnationale, avec un président européen élu au suffrage universel direct ou indirect ? Ou une simple confédération d’États ?

J’aurais aimé également savoir quels objectifs François Hollande fixe à l’Europe en matière de justice sociale et d’égalités de droits. Se fixe-t-il par exemple comme objectif à long terme que tous les citoyens européens aient le même accès aux soins de santé ?

3. Il faut permettre à nos citoyens d’avoir une véritable expérience européenne en favorisant la généralisation du programme d’échange Erasmus à tous les jeunes européens, et pas seulement à quelques centaines de milliers d’étudiants chaque année. François Hollande aurait dû affirmer "Erasmus pour tous" comme une priorité majeure, or il n’a pas eu un seul mot sur le sujet.

En tout cas si, comme il l’affirme, il souhaite que les Français se remettent à aimer l’Europe, alors il doit mettre des propositions concrètes sur la table. Des propositions qui permettent de refaire du rêve européen une réalité, et pas seulement un mirage.

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