samedi 22 septembre 2012

Marseille : Valls et Taubira à l'unisson, en s'ignorant

Couac de la concertation au gouvernement


La Garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur vont étaler leurs désaccords à Marseille


Christiane Taubira, la garde des Sceaux, et  Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur, se marquent à la culotte 

Alors qu'ils se font la guerre, ils ont tenté vendredi de faire de leurs déplacements respectifs, le même jour à Marseille, le symbole du "retour" de l'État dans la deuxième ville de France, en proie - comme Amiens pourtant - à la violence et aux inégalités sociales. Pour ces sorties parallèles, les locataires de Beauvau et de la place Vendôme se sont répartis les rôles en matinée : à Manuel Valls le volet institutionnel, avec l'installation du nouveau préfet de police des Bouches-du-Rhône Jean-Paul Bonnetain ; à Christiane Taubira le contact avec "le terrain", en l'occurrence des acteurs sociaux, lycéens et enseignants des quartiers nord de la ville. Le meilleur moyen de ne pas faire se rencontrer ceux qui ne peuvent pas se voir !


Les deux rivalisent de message volontaristes divergents

"Marseille est blessée dans sa chair et abîmée dans son image (...). La situation, insupportable pour les Marseillais et intolérable pour notre pays, appelait une mobilisation générale", a affirmé Manuel Valls à l'hôtel de police, dans un registre compassionnel qui dérange les fiers Marseillais. 

"Nous n'allons pas capituler, il faut que ça s'installe dans les têtes que l'État ne s'en va pas, que l'État est revenu" à Marseille, a martelé la martiale Christiane Taubira, en contre emploi à la mairie des 15e et 16e arrondissements, dont la sénatrice-maire PS, Samia Ghali, en avait appelé à l'armée dans les cités, précipitant la tenue à Matignon d'un comité interministériel sur Marseille le 6 septembre.

La sénatrice fait flèche de tout bois: sa mission consiste, d'une part, à faire oublier les émeutes d'Amiens (photo ci-contre: à Amiens, Valls  fut menacé physiquement) et, d'autre part, de compenser l'absence de la député de la zone, la socialiste Sylvie Andrieux, condamnée pour détournements de fonds du Conseil régional présidé par le socialiste Michel Vauzelle, au détriment des quartiers mêmes que Mme Ghali veut aider en lui envoyant l'armée...


Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, n'a pas tardé à s'opposer à cette idée radicale d'intervention militaire à Marseille pour combattre l'insécurité qui secoue cette ville portuaire orientée vers le Maghreb. "Il est hors de question que l'armée puisse répondre à ces drames et à ces crimes. Il n'y a pas d'ennemi intérieur " à Marseille, a assuré Manuel Valls devant plusieurs journalistes, préférant "une réponse globale, en profondeur et particulièrement forte" à la criminalité. Globale et en profondeur, elle tomba: Manuel Valls installa un nouveau préfet dans les Bouches-du-Rhône, Jean-Paul Bonnetain.

Ses pouvoirs, dont les contours restent à déterminer, seront étendus par rapport à ceux de son prédécesseur. Tout en poursuivant la sécurisation du centre-ville de Marseille, engagée par ce dernier, il devra rapidement mettre en place les zones de sécurité prioritaires (ZSP) dans les quartiers nord et à Gardanne, commune située à 25km au nord de Marseille. Par la suite, se seront les quartiers sud qui deviendront des ZSP.

Troisième préfet de région en deux ans, nommé préfet délégué pour la sécurité de Provence-Côte d'Azur le 29 août 2011, Alain Gardère, un proche de Claude Guéant, avait assuré fin août 2012 que "Marseille n'est pas à feu et à sang":
ECOUTER0%Laurent Bazin | 31/08/2012 - 09h10écouterAlain Gardère, préfet délégué pour la sécurité et la défense de la région PACA : "Marseille n'est pas à feu et à sang"La chronique du 31 août 2012

Dans le genre tout aussi "global et en profondeur", un autre changement d'hommes 
Laurent Théry, un préfet proche d'Ayrault, a été nommé mercredi préfet hors cadre du projet de l’agglomération Marseille-Provence, divisée aujourd’hui en six structures, pour 1,8 million d’habitants). Sa mission sera de trouver un consensus sur le projet controversé de métropole marseillaise. Bien décidé à convaincre les élus locaux de la nécessité du projet de métropole, le président de Marseille Provence Métropole, le socialiste Eugène Caselli, se heurte pour le moment à leur refus catégorique. L’ensemble des communautés de communes du département craint en effet que le projet de métropole marseillaise les fasse disparaître.

Renforts de police

Parmi les mesures alors annoncées figuraient un renfort d'effectifs dans la police et la gendarmerie - 205 hommes qui arriveront "très rapidement", selon Manuel Valls - et une nouvelle stratégie de lutte contre le trafic de stupéfiants et les règlements de comptes qu'il engendre, basée sur le renseignement et une plus grande coopération entre forces de l'ordre et magistrats. " Je ne veux pas m'enfermer dans un calendrier, mais je veux des résultats. Pas des chiffres. Cela prendra du temps. Je n'ai pas dit à Jean-Paul Bonnetain : Si vous n'avez pas de résultats dans six mois, on vous change ", a affirmé Manuel Valls. Les juges accepteront-ils tout à coup les pressions du pouvoir exécutif ?


Le ministre a indiqué que la sécurisation du centre-ville de Marseille restait une priorité, tout en demandant une "mise en place rapide" de la zone de sécurité prioritaire des quartiers nord de la ville, avant celle des quartiers sud. L'urgence à agir est grande, à écouter une dizaine de responsables associatifs qui ont dressé un sombre tableau de la réalité quotidienne dans ces quartiers. 


"Un bilan terrible", estime, en politicienne, la très laxiste Christiane Taubira  visiblement entrée en campagne des municipales de ...2014: "désertion des services publics", problèmes de logements "dramatiques", climat de peur et crainte des représailles lorsqu'il s'agit de dénoncer des violences. A croire que la Seine-Saint-Denis est au paradis, alors que les actes de violence se multiplient en Guyane, où la population locale multiplie les appels au secours, qui restent lettre morte. Pendant le mois de juillet, la violence a encore progressé en Guyane.


"Aller plus loin dans la coopération"


"On fait à la gauche de faux procès, elle a toujours eu de bons bilans en matière de sécurité", a prétendu la garde des Sceaux, récusant le laxisme que lui reproche la droite, comme la gauche. "Mais nous ne détournons pas les yeux des difficultés sociales", a-t-elle ajouté, faisant une priorité de "recréer des conditions de vie décente" à Marseille. 

Les deux ministres se sont finalement croisés

L'apparence de la concertation s'est ensuite affichée à la préfecture pour "un bout de programme commun", a ironisé la rugueuse Christiane Taubira, assurant Manuel Valls de son "estime" et de son "amitié", alors que les   frictions n'ont pas cessé entre eux depuis l'été. Au menu, un déjeuner de travail police-justice, puis une conférence de presse commune avant une visite à la prison des Baumettes.
"Nous avons vu tous les deux à quel point la demande d'État est forte", a  assuré Christiane Taubira, assurant qu'ils reviendraient tous deux à Marseille, "séparément" et "ensemble", en regardant, amusée, son collègue du gouvernement.

"Nous avons la volonté d'aller plus loin dans la coopération entre nos deux institutions"a affirmé le ministre de l'Intérieur devant la presse, soulignant que "l'opposition systématique affaiblit l'État de droit". 
Cricri Taubira aura-t-elle reçu le message ? Rien n'est moins sûr !

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