jeudi 25 novembre 2010

Fillon, sa déclaration de politique générale et sa fidélité au Président

Un discours respectueux des directives présidentielles

L'opposition s'étonnera que le Premier ministre ne fasse pas de révélations fracassantes dans ce discours aux députés !
La gauche en est surtout pour ses frais: l'émancipation de François Fillon - voire sa prise de pouvoir - n'aura été que fantasme de l'opposition.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,


Depuis mai 2007, j'ai l’honneur de servir notre pays sous l’autorité du Président de la République en m’appuyant sur une majorité à laquelle je voudrais ce soir, rendre hommage. À l’approche d’échéances électorales importantes, tout pouvoir est tenté par la prudence et par le jeu des apparences. Le Président de la République s’y est refusé, la persévérance politique étant à ses yeux le choix le plus conforme à l'intérêt national.

Il m’a chargé de diriger le nouveau gouvernement. C’est un gouvernement d’action qui a un double mandat. Le premier, c’est de mettre en œuvre l’engagement de 2007 de bâtir une France moderne. Le second, nous ne l’avons pas recherché, mais c’est celui que nous avons reçu de l’Histoire et il consiste à gérer la pire crise économique depuis la Grande Dépression de 1930.
Cette question de confiance s’inscrit au cœur de ce double mandat. Il ne s’agit pas d’improviser un chemin insolite. Il ne s’agit pas non plus de vous détailler l’agenda des dix-huit mois. Il s’agit de tenir ensemble un cap ! « On ne va pas au vrai par une route oblique », écrivait Victor HUGO.
Ma question est directe : voulons-nous encore et toujours moderniser la société française ?

Les pièges de la crise, le brouhaha des oppositions, les caprices des sondages étoufferont-ils notre volonté réformatrice ou seront-ils, au contraire, les sources d’une détermination renforcée ? Certains voudraient nous voir temporiser, rompre et nous renier.
Renier ce que nous avons fait ?
J’assume notre bilan parce que ceux qui esquivent leurs responsabilités ne méritent pas d’être aux responsabilités !
Et d’ailleurs de quoi pourrions-nous rougir ? D’avoir réformé les universités ? D’avoir réformé les retraites ? D’avoir rééquilibré nos institutions ? D’avoir instauré le service minimum ? D’avoir stoppé la spirale de la délinquance ? D’avoir réussi le Grenelle de l’environnement ? D’avoir affronté avec succès la pire chaîne d’avanies qu’un système capitaliste puisse produire ? Faudrait-il maintenant marquer le pas pour nous faire pardonner d’avoir agi malgré les protestations ?

Mesdames et Messieurs les députés, ce serait à coup sûr susciter le mépris de nos concitoyens. Quand on sert l’intérêt général, on ne s’excuse pas de son courage. Et quand on sert l’intérêt général, l’impopularité d’un jour peut devenir l’estime du lendemain.
Rompre avec le mouvement ? Il ne peut pas en être question parce que notre indécision serait une revanche de la peur. Cette peur du changement qui nous a longtemps conduits à célébrer la théorie du « ni-ni » et à louer celle du « temps laissé au temps ». Cette peur dont nous avons réussi à délivrer le pays, et cela avec l'appui des Français eux-mêmes, qui, bien souvent, ont accompagné ces évolutions avec lucidité.
Alors oui, contre vents et marées, dans le calme et la tempête, contre les conservatismes et pour vaincre les peurs, l’élan de la réforme est intact !
Parce que l’économie mondiale doit être mieux régulée, parce que notre économie doit être plus compétitive, parce que l’emploi doit être soutenu, parce que nos déficits doivent être réduits, parce que nous avons le devoir d’assurer le bien-être de nos aînés en finançant le coût de la dépendance, je vous le dis, nous allons continuer à réformer !
Le progrès, c’est une longue marche qui exige la ténacité et la vérité.
Nous nous battons avec les réalités d’un monde nouveau traumatisé par une récession brutale. Avec vous, nous avons maîtrisé ce choc.
Ensemble, nous en avons cantonné l’impact pour les Français en réussissant à limiter la récession à 2,6 % contre 4 % en Europe et à tenir le chômage en dessous du seuil de 10 %. Ensemble, nous en avons enrayé la dynamique mortelle en Europe en sauvant le système financier, puis la Grèce, puis aujourd'hui l’Irlande.

Mais, Mesdames et Messieurs les députés, la crise n'est pas finie. Elle continue de muter. L’Europe est menacée de stagnation et la crise du surendettement n’est pas encore jugulée.
Mais surtout – et c’est certainement le plus important –, cette crise a accéléré le basculement du centre du monde vers l’Asie et toute la hiérarchie des rapports de force issue du XIXe siècle est en train de se redessiner.

La Chine est devenue, en 2010, la deuxième puissance économique du monde, dépassant le Japon. Elle est devenue le premier exportateur mondial et elle a ravi aux États-Unis la place de premier exportateur de produits de haute technologie.
Avec 84 millions de diplômés de l’université, l’usine du monde s’apprête à devenir le laboratoire du monde. Et il nous faudra attendre plusieurs décennies pour que le développement intérieur du pays crée les conditions d’une concurrence plus équilibrée.
L’Inde, le Brésil avancent, eux aussi, à marche forcée et ce sont des continents entiers qui se dressent et qui nous défient.
Déjà, les États-Unis en souffrent. Alors comment ne serions-nous pas fouettés par ce vent de l’Histoire ?

Dans ce contexte, notre but, c’est la maîtrise de notre souveraineté, c’est la maîtrise de notre liberté. La liberté d’être nous-mêmes, la liberté d’agir par nous-mêmes en suivant nos valeurs. La liberté face à une compétition qui dépossède de leur destin les pays insouciants. Ni indulgence, ni relâchement, ni immobilisme, la réforme reste indispensable.

Avec une dette de 1 600 milliards d’euros, la France ne dispose pas de trésor caché pour se dispenser de ses efforts.
Tous ceux qui multiplient les promesses sont condamnés à les renier. Et j’invite l’opposition à méditer l’avertissement de Charles PÉGUY quand il disait : « Le triomphe de la démagogie est passager mais les ruines sont éternelles » Pour tout dire, ceux qui sèment des illusions récolteront des désillusions.
Maintenant, la bataille de la croissance est commencée.
Je dis aux Français que la reprise est amorcée. Notre taux de croissance en 2010 sera supérieur à 1,5 % et la cible de 2 % en 2011 est clairement à notre portée. Mais il nous faut encore accentuer notre compétitivité économique et scientifique. Il faut nous libérer des déficits pour maintenir les taux d’intérêt à un niveau aussi bas que possible et pour retrouver des marges de manœuvre. Il faut continuer de rénover notre héritage social et non pas faire de nos droits acquis le matelas de notre léthargie.
C’est ainsi et seulement ainsi que la solidarité et l’égalité des chances seront préservées. Il faut trouver, avec notre principal partenaire européen, l’Allemagne, la force d’entraîner l’Europe et construire une gouvernance économique de la zone euro. Pour cela, notre crédibilité économique et financière doit être aussi solide que celle de nos voisins qui ont pris, eux, dix ans d’avance sur nous en termes de réformes.
Il faut enfin – et c’est la mission que le Président de la République s’est assignée en prenant la présidence du G20 –, il faut enfin repenser la gouvernance mondiale, renforcer la régulation financière, lutter contre la volatilité des matières premières, ordonner les distorsions monétaires. Vaste ambition, diront les plus sceptiques.
Mais est-ce qu’ils ne disaient pas déjà la même chose lorsque Nicolas SARKOZY réveilla le G20 en pleine tourmente financière ?

La France va se battre pour convaincre ses partenaires qu’un monde mieux équilibré et mieux régulé est nécessaire et elle sera ainsi fidèle à son message universaliste. C’est ce message qu’avec Michèle ALLIOT-MARIE et Alain JUPPÉ nous assumerons par la diplomatie mais aussi par la force des armes lorsque cela est nécessaire.
En Afghanistan, nous poursuivrons notre stratégie de sécurisation, de reconstruction et de responsabilisation des autorités afghanes. La lutte contre la prolifération nucléaire nous conduira à maintenir la pression sur l’Iran. Le renouvellement de la stratégie de l’OTAN décidé au sommet de Lisbonne doit être l’occasion de poser enfin les fondations d’un système de sécurité collective qui ira de l’Atlantique jusqu’à l’Oural. Le sort de nos otages nous mobilise inlassablement. Au terrorisme, nous opposons une vigilance permanente et la force de caractère de la République.
Tous ces objectifs, tous ces défis, exigent de la cohérence et du courage politiques.

Depuis longtemps, je crois à la nécessité de la continuité pour adapter notre pays en profondeur, sans à-coup, sans psychodrame.
Je crois à la durée. Je crois à la sérénité républicaine !

Les allers-retours, Mesdames et Messieurs les députés, fragilisent l’action publique. Ils nourrissent la suspicion des Français à l’égard de leurs représentants. Les zigzags éreintent la démocratie et fragilisent la démocratie sociale.

En tenant bon sur la réforme des retraites, nous avons réaffirmé l’autorité de l’État et la légitimité du Parlement. Et ce faisant, nous avons clarifié les conditions d'un dialogue social responsable. Après le temps des désaccords, le temps du dialogue pragmatique est revenu. La loi du 20 août 2008, relative à la rénovation du cadre de représentativité, a amorcé un changement du paysage syndical.
Ce sera la clé d’un nouveau réformisme social que je suis prêt, avec Xavier BERTRAND, à soutenir de toutes mes forces. Mais la prochaine étape devra être la révision des règles de la représentativité patronale. Et nous aurons ainsi conforté la légitimité de l’ensemble des partenaires sociaux.
Notre première priorité, c'est la croissance au service de l’emploi. Quelles en sont les conditions ?
D'abord, il faut renforcer la compétitivité. Nous avons un socle pour le faire.

Nous avons, avec Valérie PÉCRESSE, donné aux universités le pouvoir de se battre à armes égales dans la bataille de l’intelligence ; avec Christine LAGARDE, nous avons supprimé la taxe professionnelle et triplé le crédit impôt-recherche ; avec Bruno LE MAIRE, nous avons protégé l’avenir de la filière agricole ; nous avons posé les bases d’une politique de filière et nous avons restauré les conditions d’une politique industrielle que nous avions trop longtemps délaissée : le transport, l’aéronautique, la construction automobile, l’agroalimentaire, l’énergie nucléaire. Voilà les atouts de la France sur lesquels nous allons miser.

En décidant de consacrer 35 milliards d'euros aux investissements d’avenir, comme nous le proposait le rapport d’Alain JUPPÉ et de Michel ROCARD, nous allons renforcer ces secteurs stratégiques.

Mesdames et messieurs les députés, dans les prochains mois, plus d’une centaine de projets vont être sélectionnés.
Dix-neuf milliards seront affectés à l’Enseignement supérieur et la Recherche, 6,5 milliards aux filières industrielles et aux PME, 5 milliards au développement durable et 4,5 milliards à l’économie numérique.
D’un côté, ces investissements massifs pour aller chercher la croissance sur les segments les plus porteurs de l’économie, et de l’autre la rigueur budgétaire pour réduire nos déficits, voilà tout l’équilibre de notre politique économique.

Mesdames et Messieurs les Députés, nous ne devons pas nous payer de mots. Il n’y aura plus de dépenses publiques supplémentaires pour relancer la croissance. En revanche, nous avons le devoir d’offrir à nos entreprises des financements de long terme pour soutenir leur développement. Nous devons orienter l’épargne sur l’investissement de long terme et notamment en actions, et sur les projets d’intérêt général.
Plutôt que d’alimenter des bulles spéculatives, c’est là que l’ingénierie financière doit s’employer au soutien de l’économie réelle et de l’emploi.

Au sein de l’Union européenne, la France proposera dans ce sens la création d’un fonds européen de capital-risque en faveur des entreprises innovantes, ainsi qu’un fonds européen des brevets pour valoriser les résultats de la Recherche.
Le développement durable constitue, lui aussi, un instrument de notre croissance. Les engagements du Grenelle de l’environnement seront intégralement respectés. L’écologie créatrice et non pas l’écologie punitive, cette écologie créatrice est une source d’emplois ! C’est le vecteur des technologies de demain ! C’est la marque d’une société qui sait valoriser ses ressources et qui ne gâche pas son patrimoine, et ce faisant, c’est un gage supplémentaire de l’attractivité de notre territoire. C’est ce message que Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET portera lors des négociations de Cancun.

Comment renforcer notre compétitivité sans parler de la fiscalité ?
Notre fiscalité, c’est un chef d'œuvre de complexité.
Au point d'en affecter l'efficacité et même l'équité. Nous avons le taux de prélèvements obligatoires à 4 points de plus que la moyenne européenne.
Et la fiscalité directe sur les entreprises est en moyenne supérieure à 5 points à ce qu'elle est chez nos voisins européens !
Au vu de ce constat, mon premier engagement : c'est qu'il n'y aura pas de hausse d'impôt.
Et ma seconde conviction, c'est que le statu quo est impossible ! Nous avons déjà fait beaucoup, avec le crédit Impôt/Recherche et la réforme de la taxe professionnelle. Nous allons continuer à agir, en nous tenant à trois principes : la fiscalité doit servir notre compétitivité; la fiscalité doit rechercher la justice, et la fiscalité doit être lisible, donc elle doit être aussi simple que possible.
Avec le boulier fiscal, nous avons cherché à limiter les effets d’une fiscalité inadaptée, mais il faut bien le dire, sans traiter le mal à la racine. Le Président de la République nous propose aujourd’hui de nous atteler à une réforme profonde de la fiscalité du patrimoine. Cette réforme, je veux d’abord dire qu’elle doit se faire à produit constant et dans le respect d’un principe cardinal de notre fiscalité depuis 1789 : que chacun contribue à proportion de ses capacités, parce que l’impôt, pour être légitime, doit être juste !

Nous apporterons une réponse avant l’été 2011 et nous le ferons à partir d'une réflexion d'ensemble avec nos voisins allemands.
Je dois dire d’ailleurs que de ce point de vue, ce qui se passe aujourd’hui dans la zone Euro, montre à quel point il y a une urgence à rapprocher progressivement les fiscalités des pays qui partagent la même monnaie ! La Cour des Comptes et l’Académie fédérale des finances allemande nous remettront un diagnostic comparé en janvier 2011. Et c’est ce diagnostic qui sera la base d'un travail législatif que nous mènerons sans a priori.

La gestion rigoureuse de la dépense publique, c’est la seconde condition de la croissance. Nous avons tracé, avec le programme de stabilité et la loi de Programmation des finances publiques que vous avez votée, la ligne de cet effort de redressement. Alors que le déficit atteint 7,7 % du PIB en 2010, nous reviendrons à 6 % en 2011, à 4,6 % en 2012, à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014. Cette trajectoire vertueuse exige une mobilisation sans faille ! Une mobilisation de l'Etat, bien sûr, mais aussi une mobilisation des régimes sociaux et des collectivités territoriales.
Dans ces conditions et seulement dans ces conditions, la dette publique sera stabilisée à partir de 2012 et elle commencera à décroître ensuite.

Pour ce qui concerne l'Etat, j’ai arrêté un budget pluriannuel 2011-2013, qui repose sur la stabilisation en euros courants des dépenses hors dette et hors pensions sur toute la période. Cette norme s'applique aussi, vous le savez, aux transferts de l'Etat vers les collectivités territoriales, qui sont gelés en valeur. Sur les effectifs, nous poursuivrons, avec François BAROIN et Georges TRON, la politique de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, initiée au début du quinquennat. Chaque année, les effectifs de l'Etat diminuent ainsi de plus de 30.000.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons l’administration la plus importante en Europe ! Nous pensons que nous pouvons gagner, avec elle, en qualité et en productivité.
Au lendemain de l’ouverture du congrès des maires, je veux dire mon attachement à un dialogue constructif avec tous les élus. La France des territoires, de métropole et d’Outre-mer, la France des espaces ruraux façonne notre nation.
Je mesure les efforts que le gouvernement demande aux élus locaux de partager. Je veux poursuivre avec eux un dialogue approfondi, dans le cadre de la conférence des exécutifs, parce qu’il n’y a pas d’un côté, Paris et de l’autre, les territoires ! Il n’y a qu’une France qui vit, à tous les niveaux, l’exigence de l’effort et de l’efficacité au service des Français !

Nous souhaitons inscrire dans notre Constitution des principes garantissant la maîtrise des finances publiques. Le gouvernement saisira donc prochainement les groupes politiques d'un document d’orientation, afin que nous regardions ensemble si un consensus peut être atteint sur cette question.
Tous ces efforts sont concentrés autour d’un choix politique que nous assumons : c’est le choix de la vertu budgétaire, au nom de notre indépendance, au nom des solidarités de demain, au nom des familles qui s’agrandissent, au nom de l’avenir que nous écrivons aujourd’hui.

On a beaucoup parlé de la jeunesse ces derniers mois et de sa peur de l’avenir. Dissiper cette peur, c’est d’abord alléger le fardeau de la dette qui pèse au dessus de chaque berceau.
C’est aussi, avec Luc CHATEL et Frédéric MITTERRAND, rappeler que la République ne baisse pas ses prétentions en matière d’éducation, de formation et de culture. La réforme du lycée, le soutien personnalisé, le socle commun, et le respect des enseignants sont pour nous au cœur de l’égalité des chances.
Dans un monde qui change à toute allure, il est vrai que la jeunesse peut se sentir désemparée, comme isolée au sein de sa génération. Nous lui disons que ce malaise n’est pas le résultat des changements que nous avons initiés, mais de l’immobilisme au sein duquel nous avons longtemps baigné !
Pour dégager des perspectives nouvelles, nous avons fait le choix du mouvement, nous avons fait le choix de concentrer les efforts de la nation autour de la recherche, du travail, de la rénovation sociale, de la reconnaissance des talents. L’Histoire dira si nous avons réussi, mais qui pourrait, aujourd’hui, nous lancer la pierre en disant : « Ils n’ont rien fait » ?
Ceux qui ont pris la responsabilité d’entraîner des lycéens dans la rue pour défendre la retraite à 60 ans, ceux-là se rendent-ils compte de l’image dépressive qu’ils inculquent à des jeunes qui ont le devoir de saisir pleinement la vie ? Si la jeunesse est « désenchantée », comme le prétendent les observateurs, à qui la faute si ce n’est à nous, les adultes qui, depuis des décennies, peignons la France sous les visages de l’échec, de la honte de nous-mêmes, du catastrophisme, alors que notre pays reste celui de tous les possibles pour peu qu’on croie aux valeurs de l’audace, de la curiosité, de l’engagement !

Non, nous n’opposons pas l’efficacité économique, la rigueur budgétaire à la cohésion sociale. Dans la crise, tous nos dispositifs de solidarité ont été mis en action. Et s’il est juste de dire que les Français ont « serré leur budget », il est juste de dire aussi que nous les avons protégés du mieux possible.
Nos amortisseurs ont joué pleinement leur rôle, et je veux dire que la plupart de nos voisins n’ont pas eu le même privilège.
Même au plus fort de la crise, le pouvoir d’achat a progressé : +1,6 % en 2009, + 1,3 % en 2010. Du côté des prix, avec la loi de modernisation de l’économie, nous avons divisé par trois les marges arrière.
La hausse des prix dans la grande distribution a été ainsi conjurée.

Chacun sait, mesdames et messieurs les députés, que pour les familles, et notamment pour les classes moyennes, le logement constitue la première des dépenses. Depuis vingt ans, la contraction du marché de l’immobilier a fait bondir les prix. Il faut donc continuer de construire, de développer l’offre, de renforcer la transparence de ce marché. Avec 120.000 logements sociaux en 2009, jamais un gouvernement n’a autant fait !
Jamais, jamais ! Jamais non plus, nous n’avons autant fait pour l’accession à la propriété qu’avec le prêt à taux zéro renforcé qui sera mis en place au 1er janvier.
Nous allons renforcer notre politique de la ville, repenser et resocialiser les quartiers difficiles avec l’appui du monde associatif, tisser les liens du Grand Paris, poursuivre nos efforts sur l’hébergement d’urgence et sur l’accès au logement.
Maurice LEROY, Benoist APPARU, Philippe RICHERT ont pour mission de prolonger le Plan de rénovation urbaine en ciblant les opérations les plus urgentes, et en assumant des choix clairs, à l’opposé de la tentation du saupoudrage.
Comment aussi ne pas voir que nos réglementations pèsent par leur complexité même ? Et c’est particulièrement vrai en matière d’urbanisme. La sédimentation bureaucratique des textes et des procédures gagne si l’on n’y prend pas garde. Reprenons ensemble les chantiers de la simplification du droit et des procédures. Allégeons les impôts papier et les normes excessives ! Evaluons, revisitons notre droit pour que la loi soit mieux comprise, mieux appliquée et reflète toujours ce qu’elle doit être, c’est-à-dire l’expression de la volonté générale.

Mesdames et messieurs les députés, au coeur de la cohésion sociale, il y a l’emploi.
Pendant la crise, nous avons mis en place avec les partenaires sociaux des mesures exceptionnelles et massives. Cette politique a porté ses fruits.
Notre économie recommence à créer des emplois depuis le début de l’année. Nous devons aujourd’hui relancer nos politiques de l’emploi et progresser dans la voie de la flexisecurité. Il nous revient d’en fixer les objectifs, le calendrier, la méthode mais je veux dire que c’est aux partenaires sociaux d’en proposer et d’en définir les modalités et les outils.
Quels sont ces objectifs ? D’abord, garantir une meilleure insertion professionnelle pour les jeunes. Nous ne pouvons pas accepter un taux de chômage des jeunes qui reste depuis si longtemps bloqué à un niveau aussi élevé.
Leur parcours pour une insertion durable dans l’emploi doit être moins discontinu, plus rapide. Et nous savons tous que parmi les solutions les plus efficaces, il y a l’apprentissage et il y a l’alternance.
Parce que l’apprentissage et l’alternance assurent une insertion dans l’emploi à plus de 70 %. Aujourd’hui nous avons environ 600.000 jeunes en alternance. Et bien nous nous fixons l’objectif de doubler ce chiffre et pour ce faire, nous voulons engager avec les régions un dialogue constructif.
Il faut ensuite assurer une meilleure protection contre les ruptures des parcours et notamment en cas de licenciement collectif. Avec le contrat de transition professionnelle, nous avons un outil efficace de reconversion et d’accompagnement vers l’emploi. Et bien nous voulons harmoniser la convention de reclassement personnalisé et ce contrat de transition professionnelle, pour aller vers la généralisation de cet outil.
Enfin, je veux dire que le gouvernement sera très vigilant sur la mise en œuvre des accords d’entreprise ou de branche et des plans d’action en direction des seniors. Il est prêt à accompagner les initiatives que les partenaires sociaux voudront prendre. Ceux-ci ont d’ores et déjà indiqué leur intention d’ouvrir un chantier de l’emploi des jeunes et des seniors. Ils doivent également négocier une nouvelle convention d’assurance-chômage. Je leur fais confiance pour proposer de nouveaux outils sur ces points, la balle est dans leur camp.
Au début de 2011, nous pourrons ensemble fixer le contenu de ce que sera l’agenda social des prochains mois.

Avec l’emploi, la sauvegarde et la modernisation de notre système de protection sociale s’imposent à nous. Nous avons commencé avec la réforme des retraites. Avec Xavier BERTRAND et Roselyne BACHELOT, nous allons poursuivre. Nous ne devons pas laisser dériver les comptes de l’assurance maladie par démagogie. Nous ne pouvons pas esquiver sur cette question notre responsabilité collective. Nous lancerons une concertation nationale sur la protection sociale qui associera tous les acteurs, les partenaires sociaux, les professionnels de santé, les mutuelles, les assurances, les collectivités territoriales, au premier rang d’entre-elles les Conseils généraux.

Cette concertation devra examiner les voies et moyens de réguler les dépenses de santé, de fixer la part des régimes obligatoires et complémentaires et de diversifier les modes de financement. Cette Concertation nationale aura évidemment pour but immédiat de traiter la question de la dépendance. Le coût est estimé à 22 milliards d’euros et il devrait atteindre les 30 milliards dans les prochaines années. Le nombre des plus de 75 ans devrait doubler au cours des prochaines décennies. Il s'agira en premier lieu, de déterminer les besoins réels des personnes, d’examiner comment assurer le maintien à domicile des personnes âgées le plus longtemps possible. Il faudra ensuite sérier les pistes de financement : assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ?
C’est la concertation qui permettra de répondre à toutes ces questions, sans a priori et sans préjugé. La dépendance, Mesdames et Messieurs les députés, est un sujet majeur, c’est un sujet incontournable. Il a fallu plusieurs années de débats et de rapports pour que la question des retraites arrive à maturité dans l’opinion. Eh bien avec le Président de la République, nous voulons préparer le défi de la dépendance avant que l’urgence ne s’abatte sur nous.

Mesdames et Messieurs les députés, la force de notre nation ne réside pas seulement dans la résolution de ceux qui la dirigent. Elle naît et s’épanouit dans le cœur de chacun. Inscrire sa destinée dans un destin commun, donner à son pays autant que l’on reçoit de lui, transmettre à nos enfants un peu plus que ce que nos parents nous ont légué, intégrer et assimiler les étrangers qui rejoignent la communauté nationale, c’est là l’esprit du pacte républicain. Ce pacte nous savons tous qu’il est fragile et partout où l’Etat démissionne, l’incivisme et le désordre gagnent.
Notre volonté de rehausser les valeurs qui fondent la République française reste intacte.
Notre volonté d’endiguer l’immigration clandestine ne faillira pas !
Notre volonté de combattre l’insécurité n’est pas de circonstance parce que ce n’est pas le combat d’un jour et parce que cela ne peut pas être un combat politicien. La réponse policière et pénale doit s’adapter à des phénomènes alliant criminalité organisée, délinquance urbaine, trafics d’armes et de drogue.
Contre ces fléaux, l’efficacité de notre lutte dépend des forces de l’ordre dont je veux saluer le travail. Elle dépend des élus de terrain, les maires qui sont en première ligne ; elle dépend aussi de la capacité de la chaîne pénale à rendre effectif le principe d’exemplarité des peines sans lequel la récidive est quasiment assurée.

Le Président de la République a annoncé une série de mesures qui sont inscrites dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure portée par Brice HORTEFEUX. De Grenoble à Marseille, la démonstration est faite qu’aucun relâchement, aucune complaisance, ne sont possibles. Le défi est policier, il est judiciaire, éducatif, familial mais il est aussi moral. C’est toute une chaîne de responsabilité, de civisme, de respect mutuel que nous devons ensemble retendre. Le Parti socialiste se targue d’avoir fait sa mue sur les questions de sécurité. Après 20 ans d’indécision, 20 années aux cours desquelles la gauche refusa de regarder la réalité en face, eh bien j’attends toujours qu’elle joigne ses efforts aux nôtres.

Parmi les fondements de notre Etat républicain, il y a la justice, respect de la Loi, force du droit. Oui, c'est à partir de là qu'existe l'Etat de droit et que la démocratie peut vivre dans le respect de chacun. La Justice n'échappe pas aux mouvements du temps. Et parmi ceux-ci, une conception toujours plus exigeante des droits de la Défense qui amènera à revoir les conditions de la garde à vue. Ce texte, vous allez en débattre bientôt sur la base d'un projet ambitieux qui fait de l'assistance par un avocat en garde à vue un principe, tout en ménageant les nécessités de l'enquête. Des affaires récentes ont mis en lumière l'attention toujours vive que porte la société à la justice pénale. Rien de ce qu'elle décide ne lui est indifférent. Et plus que toutes autres, les juridictions pénales exercent l'autorité publique et garantissent l'ordre public. Le principe selon lequel, comme toute juridiction, celles-ci jugent au nom du peuple français est vécu avec une intensité particulière. Et cela justifie le rôle éminent du Parquet aussi bien que la présence des jurés aux assises.

Le Président de la République nous invite à aller plus loin. Le Garde des Sceaux ouvrira donc un large débat pour savoir comment renforcer ce lien entre le peuple souverain et sa justice pénale. Non pas par méfiance à l'égard des magistrats dont le professionnalisme et la haute conscience méritent notre respect. Mais pour que nos concitoyens se reconnaissent toujours mieux dans la Justice, pour éviter une sorte de schisme insidieux qui couperait le pays légal du pays réel. Quels délits peuvent donner lieu à des formations de jugement impliquant la participation d'assesseurs issus de la société civile ? Faut-il envisager un seuil de gravité ? Est-ce en première instance ou seulement en appel ? Ne faut-il pas aussi réfléchir au fonctionnement des assises ? Est-il nécessaire d'avoir toujours 9 jurés ou bien peut-on dans les cas les moins graves trouver une forme de participation populaire moins lourde ? Enfin, en matière de libération conditionnelle, lorsque le tribunal d'application des peines statue, ne devrait-il pas dans certains cas s'élargir à des non magistrats ? Bien sûr je ne méconnais pas les problèmes matériels que poseront ces évolutions, mais je veux dire que ceux-ci ne peuvent empêcher une réflexion de fond.

A ce stade, je ne veux préjugez de rien, mais je demande à la Représentation nationale d'aborder avec le gouvernement le débat sans a priori. L’esprit de justice, je le vois aussi dans la mise en œuvre des révisions de la Constitution votée par le Parlement en 2007 et 2008. La question prioritaire de constitutionnalité, Mesdames et Messieurs les Députés, est une avancée démocratique que la gauche n’a jamais osé engager en son temps. Eh bien, la loi organique sur le Défenseur des droits votée au Sénat en juin, sera inscrite à l’ordre du jour de votre Assemblée au tout début de l’année 2011, pour une mise en place au printemps. Et les deux dernières lois organiques attendues pour l’application des dispositions votées ont été transmises au Conseil d’Etat. Elles seront délibérées en Conseil des ministres avant la fin de l’année. Il s’agit du referendum d’initiative populaire d’une part et du nouveau régime de mise en cause de la responsabilité du Chef de l’Etat.

Monsieur le Président… C’est étonnant de voir l’impatience qu’il y a sur les rangs de la gauche, à voir mise en œuvre une réforme que la plupart d’entre eux, ont combattue et non pas votée.

Mesdames et messieurs les députés, depuis 2007, nous modernisons le modèle français. Notre espérance nous interdit de piétiner devant les difficultés ; d’être indulgents sur nos faiblesses et d’être inutilement divisés. Je refuse toute idée d’usure ou de pause. L’usure est la maladie du découragement et la pause c’est la marque des indécis.
Nous nous sommes depuis trop d’années bercés de la certitude de notre grandeur.
Nous nous sommes depuis trop d’années nourris de l’illusion qu’une croissance meilleure suffirait à remettre les choses à l’endroit. Sur le rivage du monde, nous avons attendu le retour des vents favorables en essayant de colmater les brèches les plus périlleuses.
Nicolas SARKOZY a proposé à la France d’assumer les réalités d’un monde qui peut nous déplaire mais qui est le nôtre. Il a proposé de reconstruire notre communauté nationale autour du travail. Il a donné la priorité à nos forces universitaires, scientifiques et à nos entrepreneurs. Et bien je suis persuadé que cette voie est la bonne. C’est la seule qui s’inscrit dans la fidélité de notre héritage. Les Français savent très bien à quel travail opiniâtre ils doivent le modèle social qui les protège, la culture qui les relie, les paysages qu’ils aiment, la République qu’ils chérissent. Ils savent ce qu’ils doivent aux générations passées, elles qui se sont battues pour la liberté et le progrès.
Nous sommes les héritiers de rêves acharnés. Je suis persuadé que ce rêve est vivant !

Les temps changent, les générations passent, mais dans ce Palais Bourbon, une voix persiste : c’est celle de l’unité de la nation. D’une nation qui s’est progressivement organisée autour de territoires, d’une langue, d’un Etat, pour devenir ce qu’est la France d’aujourd’hui : un point ardent dans la géographie du monde. Renoncer, douter, serait se parjurer devant l’Histoire. Ce serait laisser le terrain libre à tous ceux qui avancent des idées fausses et des fausses pistes, ces mirages désastreux que sont le partage du travail, la retraite le plus tôt possible, l’endettement sans fin, la diabolisation du capital, le protectionnisme.
Cesser d’avancer, ce serait oublier ce que nous avons fait et ce qu’il nous reste à faire. Notre marche n'est pas finie.

Nous devons pouvoir regarder nos concitoyens dans les yeux, parce que nous avons été fidèles à nos engagements. Nous devons les convaincre que le courage des réformes est plus protecteur que la quiétude de l'inaction. Nous devons être plus crédibles que nos détracteurs et cela exige droiture, solidité et unité.

Mesdames et Messieurs les députés, la confiance que je vous demande n’est pas une marque d’allégeance. Elle est la marque de notre fidélité, la marque de notre volonté, elle est la marque résolue de ceux qui, jusqu’au terme de leur mandat, agissent pour l’espérance et pour la France.

Ce texte est une base de références pour les victimes des manipulations de la 'presse infâme' et des
'chefs de bandes' (extrait -transposable- de l'éloge funèbre de Léon Blum à Roger Salengro - Lille, le 22 novembre 1936)

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