lundi 1 novembre 2010

Devoir de mémoire: François Mitterrand et la guillotine en Algérie

Le président Mitterrand n'a pas toujours soutenu l'abolition de la peine de mort

La face cachée de François Mitterrand dans son application de la peine de mort durant la guerre d'Algérie.

Un livre et un documentaire mettent en lumière nombre d'archives et de témoignages sur le rôle exact du président socialiste.

Ce livre rafraîchit la mémoire collective de ses vertueux enfants qui se réclament de son héritage.
Les électeurs qui leur font encore confiance risquent fort de tomber de haut !
Le 9 octobre 1981, François Mitterrand obtenait l’abolition de la peine de mort (cf. Robert Badinter). Vingt-cinq ans plus tôt, ministre de la Justice du gouvernement de Guy Mollet, il approuvait les premières exécutions capitales de militants du FLN.

L’examen d’archives inédites de la chancellerie montre que Mitterrand, dans la majorité des cas, donna un avis défavorable à la grâce de ces condamnés. Froidement. Implacablement. « Avis défavorable au recours » ou encore « Recours à rejeter » : ces deux formules tracées à l’encre bleue ont la préférence de François Mitterrand quand, garde des Sceaux, il décide de donner un avis défavorable au recours en grâce des condamnés à mort du FLN dont les dossiers lui sont soumis. René Coty, président de la République - et décideur ultime -, préfère barrer d’un long trait noir la première page du formulaire administratif et indiquer sur l’autre, d’une écriture ronde d’enfant, qu’il laissera « la justice suivre son cours ». Des expressions qui reviennent tout au long des dossiers de condamnés à mort exécutés durant la guerre d’Algérie.

Un oubli fortuit...

« Dans ma conscience profonde, qui rejoint celle des Églises et des grandes associations humanitaires, je suis contre la peine de mort. », affirma François Mitterrand, sans ciller, devant des millions de spectateurs, sur le plateau de l'émission Cartes sur table, le 16 mars 1981. Or, certains savaient pourtant qu'il n'a pas toujours été l'abolitionniste qu'il prétend être. Alors pourquoi Alain Duhamel, qui l'interroge ce soir-là sur le plateau d'Antenne 2, ne lui rappelle-t-il pas les 45 guillotinés des « événements d'Algérie » et les grâces refusées par celui qui avait été ministre de la Justice avant d'être candidat à la présidence de la République ? « Pour une raison très simple, se souvient le journaliste. Lorsque je lui pose cette question, c'est la dernière de l'émission et Jean-Pierre Elkabbach a déjà commencé à lui dire au revoir. J'ai eu une pulsion sur la peine de mort parce qu'il me paraissait impossible de ne pas en parler. »

Si le téléspectateur peut avoir l'impression que la réponse de Mitterrand est parfaitement contrôlée, voire préparée, Alain Duhamel assure, lui, que l'invité ne connaissait pas les questions avant ce direct historique. Il estime aussi que le débat, à ce moment-là, dans le pays porte uniquement sur la suppression de la peine de mort après une série de condamnations de grands délinquants et non pas sur les exécutions d'avant 1958.

Un passé encombrant

« Mitterrand savait pertinemment que cette question allait lui être posée puisque Badinter nous a dit que le matin même, en urgence, il lui avait fait remettre des éléments de réponse. D'ailleurs cette question était posée à tous les candidats... », explique pour sa part François Malye, coauteur de l'enquête François Mitterrand et la guerre d'Algérie déclinée en documentaire pour France 2.

Auto-censure militante des journalistes engagés
« Le passé de Mitterrand en Algérie était connu, souligne Malye, mais, à l'époque, il n'était pas question d'en parler. Il ne fallait surtout pas rappeler des trucs aussi fâcheux sur le candidat de la gauche... »

Dans ce contexte, le mythe de la conscience abolitionniste de Mitterrand a pu fleurir librement dans un pays où personne n'avait politiquement intérêt à l'ennuyer avec de telles questions.
Une belle conscience
Cette bête politique a-t-elle réellement changé d'avis avec l'histoire ? Ou ce virage étonnant n'est-il pas la preuve d'un extraordinaire opportunisme politique ? « Tout le monde peut changer en vingt-cinq ans », estime François Malye. Avant d'ajouter que, devenant premier secrétaire du PS, en 1971, Mitterrand n'a plus d'autres choix puisqu'il doit être l'héritier de Jaurès et de Blum, deux figures abolitionnistes incontournables... En clair : « Il ne pouvait pas devenir socialiste sans être abolitionniste. Cela fait partie du costume », conclut Malye.
Le tout est de savoir s'il s'agissait d'un costume ou d'un masque...

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