mercredi 12 mai 2010

Grenelle II adopté par les députés, malgré l'opposition

Promotion de la biodiversité et des économies d'énergie, sans la gauche
Le débat politique

Une large majorité de députés français a adopté mardi la loi dite Grenelle II.
La loi a été adoptée par 314 voix contre 213, les groupes UMP et du Nouveau centre (NC) votant pour et les groupes socialiste, radical et citoyen (SRC) et de la gauche démocrate et républicaine (GDR, PC et Verts) votant contre. Lien PaSiDupes

Duflot et Ségo sont dans un bateau
Les divisions à gauche ne faisaient qu’amplifier le malaise: «Martine est pour, Ségolène est contre»
Fin août 2009 à La Rochelle, Cécile Duflot avait dénoncé les dirigeants politiques contestataires de la fiscalité écologique, ciblant la populiste Désirdavenir Royal qui avait en effet lancé: "De quel droit un gouvernement va-t-il assommer d'impôts des familles alors qu'elles n'auront même pas le libre choix de rouler propre ?" L'entourage de l'amère Royal nia d'ailleurs toute démagogie ou erreur stratégique. "Il ne faut pas être complexé par les Verts : la taxe carbone, c'est un impôt sur la ruralité et la banlieue. C'est un impôt sur les pauvres", avait renchéri la députée Delphine Batho, qui chauffe le siège de Sa Cynique Majesté Royal.
Invitée à La Rochelle, Cécile Duflot avait répliqué vertement. "Toutes celles et tous ceux qui s'aventurent à critiquer dans son principe et dans ses fondements la fiscalité écologique ne sont que des démagogues déconnectés de la réalité", a-t-elle déclaré devant les militants socialistes. "Cette contribution climat-énergie doit être la première pierre d'une nouvelle redistribution, d'un nouveau partage des risques parce que ceux qui polluent le plus ce ne sont pas les plus démunis", avait-elle ajouté, visant Désirdavenir Royal.

Au temps des régionales
, Europe Ecologique était déjà moins radicale que les Verts et Cécile Duflot. Lien PaSiDupes sur les écologistes 'fondamentalistes'

ou sur Lalanne fustigeant les Verts rouges
Quant aux élus locaux de l'opposition ne s'inquiètent-ils donc plus d'une réforme qui aurait dû s'accompagner d'une réallocation des ressources des collectivités locales ? Bartolone, où êtes-vous ? Lien PaSiDupes sur les emprunts toxiques de certains Conseils généraux

Un "monument législatif"
Le texte, composé de près de 250 articles et sur lesquels avaient été déposés quelque 3.000 amendements
, prévoit notamment de protéger la biodiversité et de favoriser la rénovation thermique des bâtiments mais durcit les conditions d'implantation des parcs d'éoliennes.
Le Sénat avait adopté ce texte en octobre dernier.

Une commission mixte paritaire (CMP) Assemblée-Sénat sera prochainement convoquée pour mettre au point un texte qui sera soumis ensuite aux deux assemblées pour un vote définitif.

Quelle différence entre les Grenelle I et II ?
  • Le Grenelle Environnement I ne se réduisait pas à la taxe carbone (convertie en 'Contribution Climat Energie') dont le report fut approuvé par 69% des Français. Fin mars 2010, la secrétaire nationale de Verts, Cécile Duflot, expliquait: «Nous, on veut une vraie réforme en profondeur de la fiscalité, une évolution où on fait davantage peser la fiscalité sur le gaspillage et la pollution, que sur le travail. Ce n'est pas une taxe supplémentaire, [contrairement à ce que les Français ont compris], parce qu'on leur a mal expliqué. Pratiquement, la Contribution Climat Energie, c'est une taxe qui pèse sur l'ensemble des consommations énergétiques et qui est immédiatement redistribuée, notamment à ceux qui en ont le plus besoin, pour qu'ils puissent faire des économies sur leur consommation énergétique. »
  • Lire PaSiDupes sur les principales mesures du Grenelle Environnement I
  • Le texte Grenelle II a pour objet de mettre en oeuvre concrètement les dispositions du Grenelle I, qui décline les grandes orientations et objectifs arrêtés en octobre 2007 par le "Grenelle de l'environnement". "C'est une mutation d'un pays entier dans toutes ses acceptions", a dit Jean-Louis Borloo à l'Assemblée nationale. "En matière de gouvernance, on fait une évolution majeure", a-t-il dit, évoquant ce processus long de deux ans et demi qui a impliqué la classe politique, des experts, des industriels et des associations environnementales.
    "N'en déplaise aux inquiets et aux grincheux, les 250 articles de ce texte seront les 250 fleurs du printemps de l'écologie", a ajouté le ministre de l'Ecologie.
    Durant les débats, qui n'ont duré qu'une semaine en raison de la limitation du temps des débats, Jean-Louis Borloo n'a cessé d'évoquer un "monument législatif".

    Fin du consensus gauche-droite sur l'environnement

  • L'attitude négative du front du refus
    "Ce qui était présenté comme une cathédrale par M. Borloo est plutôt un champ de ruines", commente, tout en nuances, Noël Mamère. "Ce n'est plus la grande loi qu'on attendait sur l'environnement", a ajouté le républicain bananier.
    "Nous, on fait de la politique et on estime qu'il y a eu trahison des pouvoirs publics", a-t-il prétendu, prenant l'offensive contre les associations qui ont appelé à voter en faveur du texte.
    Lire PaSiDupes sur le retoquage de la taxe carbone

  • L'attitude positive de progrès
    => "Non, cette loi n'est pas celle que nous aurions écrite", reconnaît France Nature Environnement (FNE). "Des lacunes persistent. Mais c'est une étape, qu'il faut franchir pour continuer à avancer", ajoute l'association.
    => Autre ONG environnementale, le WWF France reconnaît que:
    « Le temps de l’action concrète est urgemment venu et pour cela, nous reconnaissons les points positifs de ce texte quand bien même nombre de propositions discutées à l’origine n’ont pas été transcrites » Pour l’ONG, le Grenelle (Grenelle 1 + 2) permet à la France de rattraper partiellement son retard et de rester dans la course de l’économie verte du 21ème siècle.

    Le combat d'arrière garde

    Les décrets d'application des dispositions du texte et leur utilisation par les collectivités locales seront surveillés par les écologistes, qui espèrent peser sur l'avenir du Grenelle II.

    Selon Me Arnaud Gossement, citoyen vigilant
    "Des lois étaient très brillantes, très attendues et n'ont jamais été appliquées. Si la société civile, si les collectivités ne s'en saisissent pas, ce sera un chiffon de papier", dit l'avocat en droit de l'environnement et de l'énergie, docteur en droit, maître de conférences à Sciences Po Paris, et, depuis le 13 janvier 2010, ex-porte-parole de l’association écologiste France Nature Environnement (FNE). Les raisons possibles de ce retrait ? Un conflit d'intérêt avec ses fonctions d'avocat associé au cabinet Huglo-Lepage, son soutien à la taxe carbone recalée par le Conseil Constitutionnel ou encore d'éventuelles ambitions politiques.

    Il est du nombre de ceux qui préconisaient une fiscalité environnementale lourde, comme condition du développement économique de la France. La commission d'experts dirigée par le socialiste Michel Rocard préconisait le taux de 32 euros par tonne de CO2, tandis que le Pacte écologique - approuvé en 2007 par la signature de la quasi-totalité des candidats à la présidentielle - proposait un prix de départ de 20 euros, pour atteindre 50 euros la tonne en 2020, 100 euros en 2030.
    Lorsque la taxe carbone était envisagée à 15 €, les Verts estimaient que la contribution perdait toute efficacité : « elle alourdit la facture des plus modestes sans dissuader les comportements les plus énergivores de ceux qui en ont les moyens. » Ils réclamaient une taxe de classe: «Pour que la taxe carbone soit - aussi - un instrument de justice fiscale, son montant doit être élevé : on collecte davantage, donc on peut redistribuer davantage à ceux qui en ont le plus besoin
    En 2009, les fonds prélevés devant être redistribués ensuite sous forme de crédits d’impôts, le Gouvernement avait prévu de mettre la taxe carbone en œuvre au 1er janvier 2010, avec un montant initial de 17 € la tonne de CO2. C'est ce que regrette le PS. Lien PaSiDupes sur la redistribution de la taxe aux plus défavorisés
    En Suède, elle s'élève actuellement 300 €.

    Or, la fiscalité « verte » ne se réduit pas à la seule taxe carbone : "le dispositif du bonus-malus automobile a très bien marché et il serait temps de l’élargir à d’autres familles de produits pour redonner du pouvoir d’achat « vert ». Et il y a d’autres mesures fiscales, comme la taxe générale sur les activités polluantes, qui sont appliquées et que l’on pourrait également renforcer", selon Me Gossement. Lire PaSiDupes


    Comportements du gouvernement, des associations et des partis politiques
  • Le gouvernement veut aujourd’hui attendre l’application de la taxe carbone au niveau européen avant de la mettre en œuvre en France. La gauche en prend prétexte pour bloquer l'avancée législative et ainsi accréditer l'idée que l'écologie ne serait pas de droite.

  • Coupée du monde réel de la crise économique et financière et de la rigueur qu'elle impose, l'opposition politique pratique la politique du tout ou rien.

  • Quant à l'association FNE (environ 3000 associations membres, dont la Ligue pour la protection des oiseaux), prisonnière de sa bulle environnementale, elle continue de penser que si l’écologie est une condition de la justice sociale, l’abandon de la taxe carbone ne signifie pas qu’il est impossible de marier le social et l’écologie: « il n’a jamais été aussi urgent de protéger la santé et l’environnement des plus faibles », répète Me Gossement, convaincu de n'être démenti par personne ! L'amère Royal déteindrait-elle ?

    La pression des associations sur les décrets

    FNE compte sur "la centaine de décrets" pour faire avancer ses idées.
    D'autres, dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, y voient l'occasion de bloquer certaines dispositions, notamment les exonérations, alors que le gouvernement a lancé la chasse aux niches fiscales.
    "Tout ce qui coûte est infinançable", a souligné la semaine dernière Gilles Carrez (UMP), rapporteur général de la commission des Finances. "Ca ne passera pas, on le flinguera lors des décrets d'application. Tout ça, c'est nul et non avenu", a dit le député UMP.

    Sur son site internet, le WWF confirme
    « Nous resterons extrêmement vigilants sur les décrets d’application de cette loi et nous nous opposerons avec détermination à tous ceux qui entraveront ou retarderont les acquis du Grenelle ».
  • Enfin, WWF « continuera et persistera à vouloir et à obtenir la transformation de notre pays pour atteindre la prospérité verte afin de permettre à l’être humain de vivre en harmonie avec la nature. Il reste tant à faire… Rendez-vous au Grenelle 3 en 2012 »!

    Si les partis de gauche ralentissent au frein-moteur, les associations seront-elles moteurs ?

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