jeudi 14 janvier 2010

Droit de vote aux étrangers: sept maires de grandes villes contre en 1999

Pourquoi le PS ne l'a-t-il pas encore fait voter ?

Le PS, qu'a-t-il fait au pouvoir ?

Printemps 1981: parmi les 110 propositions du programme de François Mitterrand pour l'élection présidentielle, la 80e s'engage à accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. "après cinq ans de présence sur le territoire français".

Août 1981: Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures, annonce un projet de loi accordant le droit de vote pour les élections municipales aux immigrés installés en France, à l'occasion d'un voyage à Alger. Interrogé sur France Inter à ce sujet, François Autain, secrétaire d'Etat chargé des immigrés, affirme qu'une telle disposition ne peut être que l'aboutissement d'un long processus d'insertion et que les immigrés ne voteront pas lors des élections municipales de 1983.

Juin 1985: Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales et de la solidarité nationale, déclare, dans un entretien au Monde qu'il est "trop tôt" pour une participation politique des immigrés aux municipales.

Novembre 1984: Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur, interrogé dans Le Monde, s'exprime en faveur du droit de vote des immigrés aux élections locales, "facteur d'intégration".

Janvier 1988: une réforme permettant la participation des étrangers aux élections locales fait partie des "propositions des socialistes" adoptées lors de la Convention nationale du PS.

Octobre 1989: le Premier ministre Michel Rocard déclare qu'il est favorable au droit de vote des immigrés aux élections locales, mais que cela suppose une réforme de la Constitution et que le gouvernement serait censuré sur un tel projet.

Mai 1990: le bureau exécutif du PS adopte un texte sur l'immigration dans lequel il abandonne la revendication du droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers.

Novembre 1999: débat sur le droit de vote aux élections locales des étrangers. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, estime "envisageable" ce droit pour les étrangers détenteurs d'une carte de résident de dix ans.

Avril 2000: l'Assemblée nationale adopte en première lecture une proposition de loi des Verts sur le droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers aux élections municipales. L'opposition vote contre, à l'exception de deux députés UDF, Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo. Le Premier ministre Lionel Jospin, sachant, en pleine cohabitation, qu'il n'obtiendra pas le soutien du Sénat, renonce à aller au bout de la démarche.

L'Express avait rencontré les sept élus les plus concernés par cette réforme (article du 23/12/1999).

Les avis divergeaient

« Ils sont sept. Sept maires de villes comptant à la fois plus de 100 000 habitants et plus de 10% d'étrangers. Les seuls dans ce cas en France. Et donc les premiers intéressés par l'extension du droit de vote, lors des municipales, aux étrangers résidant en France depuis plus de dix ans, que vient de proposer Jean-Pierre Chevènement, le très républicain ministre de l'Intérieur. Cette réforme, si elle voyait le jour (la gauche l'a souvent évoquée, mais jamais mise en oeuvre), pourrait entrer en vigueur en 2007, tandis que les ressortissants de l'Union européenne voteront, eux, dès les municipales de 2001. L'Express a interrogé ces sept élus.

Jean-Marie Bockel (PS, Mulhouse). Réservé.
«Ceux qui défendent cette idée pensent que cela faciliterait l'intégration. Je n'en suis pas sûr. Je constate un très fort taux d'abstention chez les jeunes Français issus de l'immigration, notamment maghrébine. Aujourd'hui, c'est surtout ce phénomène qui m'inquiète. Pour réussir l'intégration, d'autres moyens, comme l'accès à l'emploi ou à l'éducation, me paraissent plus efficaces. Quant au droit de vote des étrangers, je ne dis pas ?Jamais?. Mais, pour moi, ce serait aujourd'hui plus un souci supplémentaire qu'un pas en avant.»

Gilbert Chabroux (PS, Villeurbanne). Pour.
«Le développement de ma ville doit beaucoup aux étrangers, et il y a toujours eu ici une volonté d'accueil. Je suis même favorable au droit de vote des étrangers aux élections nationales, mais la première étape, ce sont les municipales. La participation augmenterait dans les quartiers en difficulté, dont les habitants verraient qu'ils ne sont plus considérés comme des citoyens de seconde zone; l'influence de l'extrême droite serait réduite; enfin - même si ce n'est pas le but - la gauche, qui a toujours défendu l'antiracisme et l'accueil des étrangers, bénéficierait de cet élargissement du corps électoral.»

Michel Destot
(PS, Grenoble). Pour.
«Grenoble, comme New York, doit une grande partie de sa richesse aux étrangers. C'est pourquoi il me paraît normal qu'ils participent à l'élection du maire. Cette mesure aurait également l'avantage de modifier le climat de la campagne électorale. Cela dissuaderait certains d'entretenir la confusion entre immigration et délinquance, comme c'est trop souvent le cas. En revanche, je ne pense pas que cela changerait le résultat des élections. A mon sens, les étrangers voteront à peu près comme la population française, hors extrême droite naturellement. Mais, à l'inverse, le FN pourrait profiter d'une radicalisation de l'électorat de droite, si bien que les deux mouvements s'annuleraient.»

Jean-Pierre Fourcade (UDF, Boulogne-Billancourt). Contre.
«Il faut garder un lien absolu entre nationalité et vote. Je ne dis pas cela par calcul électoraliste. Dans ma ville, l'équilibre droite-gauche est de 70-30: je n'ai donc aucune inquiétude. D'autant que, à mon sens, la population étrangère se partagerait assez équitablement entre droite et gauche. Le seul effet serait peut-être de gonfler le vote FN, et surtout le vote Pasqua.»

Roland Ries
(PS, Strasbourg). Pour.
«Il me paraît normal que des étrangers présents dans la ville depuis plus de dix ans puissent porter un jugement sur les enjeux locaux. Je suis incapable de dire, en revanche, si une telle réforme modifierait les résultats électoraux. Mais cela ne m'intéresse pas. C'est sur le plan des principes qu'il faut se situer.»

Michel Thiollière
(UDF, Saint-Etienne). Contre.
«Une telle réforme serait perçue comme une véritable provocation dans les quartiers. Sous l'influence de l'extrême droite, elle deviendrait le sujet central de la campagne, au détriment des enjeux locaux. Nous vivons aujourd'hui une période heureuse où le FN est en déclin. Je trouverais dommage qu'on l'aide à remonter.»

Jean Tiberi
(RPR, Paris). Contre. «Le bon moyen de favoriser l'intégration des étrangers, c'est l'acquisition de la nationalité française, relativement facile chez nous. Que les ressortissants de l'Union européenne votent en 2001 ne suffit pas à justifier que l'on accorde ce droit aux autres nationalités. Je rappelle que l'Europe est organisée sur le plan institutionnel et qu'il y a réciprocité: les Français vivant dans un autre pays de l'Union européenne peuvent eux aussi voter aux élections locales. Ce qui n'est pas aujourd'hui le cas avec d'autres pays. C'est pourquoi je vois surtout dans cette proposition une manoeuvre de la gauche pour doper l'extrême droite et gêner l'opposition. Ce serait d'ailleurs son seul effet. Pour le reste, je ne crois pas que cet élargissement du corps électoral favoriserait la gauche ou la droite.»

Et pourtant, qu'a fait la gauche ?

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