mardi 4 août 2009

Pas de souci avec des sexes d'anges sur la façade de la cathédrale

Mais à Montauban, voiler des sexes offerts fait querelle...
L'art populaire est-il racoleur ?

La ville de Montauban dispose d'un musée Ingres, enfant du pays et peintre français néo-classique (1780 à Montauban-1867 à Paris). Le musée Ingres pensa créer l’événement en proposant une exposition savante et jubilatoire. Elle rend hommage à la modernité de Jean-Auguste-Dominique Ingres en réunissant plus de 200 œuvres venues du monde entier. Les chefs-d’œuvre du maître sont placés sous les feux, respectueux ou impertinents, d’une centaine d’artistes qu’il a influencés et qui témoignent de sa féconde postérité. La ville a médiatisé l'événement au-delà de toute espérance. L'oeuvre de l'artiste avait-elle besoin d'un excès de zèle, à la fois iconolâtre et iconoclaste ?

L’exposition dépasse les limites des salles de l’ancienne résidence des évêques de Montauban: elle descend dans la rue et grimpe aux facades de la cathédrale ! Sous la responsabilité des commissaires de l'exposition ( Jean-Pierre Cuzin, conservateur général du Patrimoine, adjoint au directeur général de l’INHA ; Dimitri Salmon, collaborateur scientifique de conservation au
département des Peintures du musée du Louvre; Florence Viguier-Dutheil, conservateur du Patrimoine, directrice du musée Ingres, Montauban), des oeuvres diverses envahissent insidieusement la ville entière. Ainsi Bacon (à droite) revisite l'Oedipe d'Ingres, à gauche)
et se répandent sur la façade de la cathédrale (Ernest Pignon-Ernest) Ni Monsieur Bertin, ni Mademoiselle Rivière (ci-contre, par Ingres) n'ont eu cet honneur. Laïcité oblige, ce sont des anges qui s'y sont affichés.
En fait, ce ne sont pas des anges qui sont imposés à la vue des enfants de l'école laïque, mais des sexes nus d'anges. Un éclairage artistique mettant visiblement un terme au débat théologique? Une page de physiologie que l'éditeur Magnard n'a pas osée dans ses manuels scolaires... Les « jeunes » auraient pu faire leur miel de ces visions suggestives, mais n'auront plus à garder les mains sur la table: leurs lecteurs mp3 les rendront plus sûrement sourds que ces fantasmes sur papier. Plus catégoriquement que le théologien ou le savant, l'exhibition artistique a réglé la question du sexe des anges. Aucun doute, Ernest Pignon-Ernest a eu une révélation: ce sont des femmes.
VOIR et ENTENDRE
Désormais, cette exposition populaire et fédératrice oppose ceux qui sont choqués que le peuple ose censurer l'oeuvre d'un artiste et ceux qui sont choqués de voir des sexes dévoilés sur la façade de leur cathédrale.

Ni Putes Ni Soumises ne manquera pas de se dresser contre cette volonté de l'art d'humilier la femme. Quant aux femmes voilées, elles vont devoir faire de longs trajets de contournement. Le gouvernement devra-t-il leur accorder aus uns des dommages et intérêts et aux autres des indemnités de transport ?

Le scandale sort Ernest Pignon-Ernest de la rue

L'œuvre de l'artiste plasticien au fronton de la cathédrale de Montauban a fait l’objet d’une intervention dimanche 26 juillet. Trois croyants ont en effet grimpé aux murs monté à la façade pour voiler de papier journal les parties intimes de deux anges imaginées par le mécréant. Choqués par la vue de sexes féminins offerts en cet endroit de culte et de foi, trois frères et sœurs ont opéré à 4 heures du matin, sous l’œil des caméras de surveillance. Aussitôt ceinturés, ils ont été privé de liberté.
«Je m’interroge sur les fantasmes de ces gens. Où en sont-ils, pour être troublés par de telles images ? Il y a un refus du corps qui m’étonne pour des jeunes. Le catholicisme véhicule l’image d’un homme à demi nu cloué sur une croix, qui est bien plus violente», a commenté l’artiste dans la Dépêche du Midi.

De toute évidence, l’image de Pignon-Ernest est une variation, une 'revisitation' fort personnelle du Vœu de Louis XIII d’Ingres. Selon la légende populaire, le roi Louis XIII aurait choisi la Vierge pour patronne de France suite à la grossesse de son épouse Anne d’Autriche après vingt-trois ans de mariage. Louis XIII instaura alors les processions d'actions de grâces du 15 août. Le roi fit en outre le voeu d'élever un nouveau maître-autel dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, ainsi que d'offrir un nouveau groupe sculpté à la cathédrale.


Bonne revisitation: Le point subtil du «sexe des anges» faisait débat depuis toujours dans la chrétienté, comme dans les autres dogmes. Pourquoi des créatures célestes auraient-elles un corps ? D'autorité, l'artiste a tranché: les anges sont des femmes, nul ne pourra désormais l'ignorer. Mais ce n'est pas acte de foi.

Curieusement, Ernest Pignon-Ernest (1942) dénonce par ailleurs l'art construit pour les musées et expositions, mais s'expose à Montauban dans le cadre d'un événement officiel. On doit donc déplorer plusieurs « interventions urbaines » de sa part depuis trente ans. Ernest Pignon-Ernest installe lui-même son œuvre in situ, subrepticement et nuitament. Ses détracteurs les désinstallent pareillement.

Un artiste engagé, pensez-vous?

Impossible dans une municipalité de droite, jugez-vous encore. Le député-maire de Montauban est une élue UMP, Brigitte Barèges, officiellement investie pour mener la bataille des régionales de mars 2010 dans la région Midi-Pyrénées.

En son temps, Ingres n'avait-il pas aussi été élu à … l’Académie des Beaux-Arts, le 25 juin 1825 ? Le sectarisme et la liberté d'expression sont plus subtilement partagés que la gauche schématique le prétend.

Enfin, les dessins de celui par qui le scandale arrive aujourd'hui sont un outrage à une oeuvre d'architecture religieuse. L'Eglise a de tous temps été un mécène éclairé qui savait décéler et encourager le talent.

Ernest Pignon-Ernest
a par exemple produit des affiches sérigraphiées, sans slogans, qu'il a exposées dans plusieurs grandes villes. Ainsi, « les expulsés » (1979, ci-contre), collés sur les murs de maisons en démolition et représentant à taille réelle des personnes tenant des valises, ou un matelas balaient le doute portant sur son engagement.
L'iconoclaste fait de la provocation pour exister ? Et ça ne vous rappelle pas un autre désir d'avenir mu par la provocation ?...



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