mardi 14 avril 2009

Arche de Zoe : prise d’otages et chantage

Les otages sont-ils « retenus » ou séquestrés ?

Deux travailleurs humanitaires dont un Français ont été enlevés dans une région de l'ouest du Soudan et sont « retenus en otages » (à moins qu’ils ne soient « séquestrés ») au Darfour par les membres d’un groupe armé. Ces derniers ont menacé dimanche de les exécuter si Paris n'acceptait pas d'organiser un nouveau procès pour les membres de l'Arche de Zoé. Drôles d'amis, comme on n'en souhaite à personne.

Présidée par Éric Breteau, l’Arche de Zoé (lire PaSiDupes) est une association française loi 1901 qui assure avoir pour objectif l'aide aux enfants orphelins et l'aide humanitaire. Suite à l'« Opération Darfour » (zone en proie à la guerre civile depuis 2003), également désignée comme opération « Children Rescue ». Alors que le JDD continue de parler d’une opération pour les «rapatrier en France » ( !), les six membres ont été condamnés à huit ans de travaux forcés pour tentative d'enlèvement de 103 enfants soit-disant darfouris intercéptés au Tchad en octobre 2007. Les ravisseurs humanitaires ont été définitivement graciés, contre réparation financière, par le président Idriss Déby, qui a ainsi permis qu’ils soient (pour le coup !) ‘rapatriés’ et qu’ils purgent leur peine en France. Après cinq mois passés en prison à N'Djamena (Tchad), pays qu’ils prétendent pourtant aimer, les voleurs d’enfants sont maintenant détenus en France.
La justice tchadienne avait conclu que les 103 enfants n'étaient pas des orphelins du Darfour, mais des enfants tchadiens enlevés à leurs familles, ce que les membres de l'ONG française ont toujours nié, plaidant la bonne foi.


  • Le 30 octobre 2007, l’UNICEF publiait ce commentaire :
    L’affaire des 103 enfants du Tchad, attendus en France la semaine dernière pour y être accueillis dans des familles, nécessite une mise au point : peut-on déraciner ainsi des petits sans s’assurer d’abord de la disparition définitive de leurs parents et sans en avoir avisé préalablement les autorités du pays ? Si l’on se fie à la Convention de La Haye, signée en 1993, la réponse est négative. Sans compter que des interventions « d’accueil » de ce type sont de nature à perturber les enfants, à freiner le flux des dons, à porter préjudice à tous les autres humanitaires qui, sur le terrain, s’activent 24 heures sur 24 pour venir en aide aux enfants sans chercher à les… déraciner ! En savoir plus : lien UNICEF

  • Le 28 janvier 2008, les six membres de l'Arche de Zoé rapatriés en France le 28 décembre 2007 virent leur peine de travaux forcés commuée en 8 ans de prison ferme. Il s’agit de Éric Breteau (37 ans), Émilie Lelouch (31 ans), Alain Péligat (56 ans), Philippe Van Winkelberg (48 ans), Dominique Aubry (50 ans) et Nadia Merimi (31 ans), détenus à Fresnes.

    Deux femmes maintenant aux mains de ravisseurs africains
  • Deux travailleuses humanitaires de l'organisation Aide médicale internationale (AMI) ont été enlevées le week-end dernier à Ed el Foursan, dans le sud de la région occidentale du Soudan. Il s'agit d'une Française, Claire Dubois, et d'une Canadienne, Stéphanie Joidon.
    "Nous allons bien, nous avons de la nourriture et de l'eau et ils se comportent correctement avec nous, mais nous sommes impatientes de rentrer chez nous", a dit l'otage canadienne, autorisée à parler par ses ravisseurs.
    AMI est une ONG française apolitique et laïque, créée en 1979. Elle forme du personnel de santé local et réhabilite des centres de soins, en s'appuyant sur les spécificités culturelles de chaque région. Elle travaille à partir de fonds institutionnels. Les programmes sont notamment financés par l'Union européenne (ECHO), l'UNICEF, le ministère des Affaires étrangères français, etc...

  • Les preneurs d’otages menacent la France

    "Nous demandons à la France de rouvrir le dossier des criminels de l'Arche de Zoé et de les juger devant un tribunal juste", a déclaré un membre « flouté » du groupe anonyme qui se présente sous le nom des Aigles africains de la liberté - ou Les Aigles de la libération de l'Afrique -, qui sont présentés comme les vengeurs des parents des enfants enlevés par les ‘faux humanitaires’ de l'Arche de Zoé.
    "Si le gouvernement français n'est pas sérieux dans les négociations avec nous et n'accède pas à notre requête (Pas le choix? A quoi bon discuter?), nous tuerons les deux travailleurs humanitaires", a-t-il ajouté.

    Il a en outre menacé de s'attaquer aux intérêts français au Soudan, au Tchad et en République centrafricaine.

    Cette alliance objective des preneurs d’otages et des voleurs d’enfants de l’Arche de Zoe en dit long en soi sur le type d’organisation humanitaire en cause. Mais le parallèle s’impose aussi avec les séquestrations de patrons sur le territoire national. Qui sont donc ces gens qui prétendent respecter l’être humain, mais le privent de liberté pour violer la libre volonté des états ?
    Un responsable du ministère soudanais des Affaires étrangères a par ailleurs expliqué que les ravisseurs avaient demandé au gouvernement soudanais de se tenir à l'écart des négociations.
    Khartoum était intervenu directement dans les pourparlers qui avaient abouti, à la mi-mars, à la libération de trois employés occidentaux de l'organisation Médecins sans frontières, détenus pendant trois jours au Darfour.

    Les autorités Soudanaises ont récemment indiqué faire "tous les efforts possibles" pour parvenir à la libération des deux captives. Un gage de bonne volonté à prendre toutefois avec circonspection.

    La tension s'est en effet fortement accrue dans la région après l'émission en mars par la Cour pénale internationale (CPI) d'un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar Hassan al Bachir (ci-contre) .
    Le procureur du tribunal basé à La Haye a inculpé le chef d'Etat soudanais de crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, où au moins 200.000 personnes ont été tuées et 2,5 millions d'autres contraintes à fuir selon des organisations internationales.
    Le président soudanais Omar Hassan al Bachir a en outre expulsé 13 ONG étrangères du Darfour qui oeuvrent notamment auprès des populations martyres du Darfour, et interdit trois organisations locales il y a environ deux mois, invoquant leur coopération avec la Cour pénale internationale.

    -> Soudan

  • Suite à son coup d’état en le général Omar el-Béchir devint chef d'Etat , Premier ministre et chef des forces armées. Le Soudan est une république islamique proche de la République populaire de Chine et qui bénéficie du soutien de la Ligue arabe . Le parti du président contrôle le pays : le Front national islamique au pouvoir a pris le nom de Congrès national.
    La loi pénale de 1991 institua des peines sévères dans tout le pays, telles que l'amputation et la lapidation. Bien que les états du Sud, non musulmans et chrétiens, soient officiellement exemptés de ces dispositions, la loi prévoit cependant une possible application future de la charia dans le Sud.

    La guerre civile a déplacé plus de 4 millions d'habitants du Sud et fait 2 millions de morts. Certains ont fui dans des villes du Sud, d'autres ont cheminé vers le nord jusqu'à Khartoum ou ont fui vers les pays voisins, comme l'Éthiopie, le Kenya, l'Ouganda ou l'Égypte. Ces populations persécutées sont frappées de malnutrition, voire de famine. Le manque d'investissement du gouvernement soudanais dans le Sud a également abouti à ce que les organisations humanitaires internationales appellent une « génération perdue », mal éduquée sans accès aux soins de base, et sans grandes chances de trouver un emploi productif que ce soit dans le Sud ou dans le Nord.

  • L'Armée de libération du Soudan (ALS) est l'une des factions du principal groupe rebelle du Darfour, bras armé du Mouvement de libération du Soudan (MLS), aujourd'hui divisé en au moins trois factions. Son premier dirigeant, Abdul Wahid Al-Nour, est réfugié en France>

    En août 2008, un Boeing 737 est détourné par des pirates de l'air se revendiquant de l'ALS. Abdul Wahid Al-Nour, néanmoins, dément toute participation du mouvement à cet acte de piraterie, soutenu en cela par le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Al-Nour parle d'une tentative de manipulation de la part du gouvernement central du Soudan. Les pirates ont été détenus en Libye. (Video de Bakchich : lien )

    -> Quant aux Aigles de la libération de l'Afrique, ce sont de valeureux idéologues et de courageux guerriers, « kidnappeurs’ de braves femmes sans défense…

    Or, plusieurs responsables politiques français se rangent du côté soudanais et dénoncent une opération portée par une philosophie néocolonialiste. Ainsi, le Verts Noël Mamère a-t-il eu recours à une formule intello-médiatique à la française et typiquement gauchiste, en parlant de « néocolonialisme compassionnel ».

    Considérant qu’il fait une distinction fine s’agissant des patrons privés de liberté par les salariés extrémistes, les socialistes sauront-ils nous dire si les otages des Aigles de la libération de l'Afrique sont « retenus » ou « séquestrés » ?
  • 1 commentaire:

    1. très bon article, très complet et clair. Félicitation. Je pense qu'en aucun cas la séquestration n'est une méthode humaine d'arriver à ses fins, cependant, ceux qui agissent ainsi considère que c'est leur dernière capacité d'action, tous les autres recours n'ayants pas aboutis. Dans ce cas, je me demande si tout les recours ont vraiment été tentés ou si c'est la facilité qui motive. Effectivement, d'autres formes de revendications étant plus longues et plus aléatoires. Enfin, à choisir, je préfère être un patron séquestré qu'un humanitaire. Et mon coeur me dit que ce n'est pas gentil de séquester les humanitaires, ils tentent de faire le bien (en général), alors que les patrons...

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