lundi 3 septembre 2007

Education Nationale : on a perdu des profs !

Les syndicats d’enseignants doivent les remettre face aux élèves !

Une note confidentielle de la Cour des comptes juge sévèrement la gestion des professeurs du primaire et du secondaire

L'équivalent de 32 000 enseignants sans élèves (suite)

Une note confidentielle remise début février par Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, à Pierre Méhaignerie, président (UMP) de la commission des finances de l'Assemblée nationale, révèle de coûteux dysfonctionne­ments dans la gestion du personnel enseignant de l'Éducation nationale. Selon les magistrats de la Rue Cambon, l'équivalent du temps de travail de 32 000 professeurs - sur 665 000 - ne sert pas à enseigner.

Pendant l'année scolaire 2003-2004, l'équivalent de 32 000 postes d'enseignants ont été gaspillés. Des milliers d'heures de cours qui auraient pu être données à des élèves du primaire et du secondaire. C'est le constat d'un rapport de la Cour des comptes que son président, Philippe Séguin, a remis au début du mois de février à celui de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Pierre Méhaignerie. Les magistrats de la Rue Cam­bon, qui ont reconstitué l'en­semble du temps de travail perdu, l'estiment à « 32 000 équivalent temps plein d'enseignants sans classe et sans activité pédagogique ». Les magistrats relèvent que « 8% de la ressource enseignante recrutée formée et gérée spécifiquement pour exercer son art au profit des élèves du second degré n'est pas affectée à cette tâche ».

Ce document de 60 pages a été demandé par Pierre Méhaignerie comme, l'y autorise l'article 58 de la loi organique de 2001. En début d'année, au moment où la loi de finances est appliquée, les députés sont harcelés par des parents hostiles aux ferme-tures de classes. Pierre Méhaignerie voulait un état des lieux des personnels enseignants. Incapables de lui fournir une réponse exhaustive, les magistrats ont recentré leur travail sur une question plus provocante : combien d'enseignants n'exercent pas et pour quelles raisons ?

Pour l'instant, Pierre Méhaignerie n'a pas publié les critiques de la Cour des comptes. C'est qu'elles risquent d'ajouter de l'huile sur le feu du conflit entre gouvernement et profs. Car le rapport n'épargne personne. « L'administration de l'Éducation nationale reste responsable des choix de gestion par lesquels elle satisfait les besoins objectifs du système (...). Elle seule doit aujourd'hui assurer les dérives éventuelles que cette enquête a pu mettre au jour. Mais il est juste de reconnaître que les principes fondateurs du système éducatif et les enseignants sont souvent les premières causes des contraintes et des coûts de gestion de l'enseignement scolaire », commente la Cour dans son intro­duction.

L'étude porte sur 803 000 personnes physiques employées dans le premier et le second degré. Les nombreux temps partiels ont obligé les magistrats à convertir cet effectif en 665 000 « équivalent temps plein d'enseignants » (ETP). Il s'agit donc d'une reconstitution artificielle d'emplois de professeurs à partir d'heures de cours. Les 10 000 congés maladie et 5 000 congés maternité mis à part, la Cour considère que 650 000 ETP auraient dû se retrouver devant des élèves. Or, d'après ses calculs, 97 000 sont occupés à d'autres tâches dont le tiers n'ont aucune activité pédagogique...

A l'échelle du mammouth, ces chiffres peuvent paraître faibles, mais les magistrats pensent le contraire. Car les 32 000 équivalent temps plein non utilisés coûtent 1,5 milliard d'euros au contribuable. Une paille pour le budget de l'Éducation nationale - 70 milliards d'euros -mais qui représente tout de même l'équivalent de la moitié du budget de la Culture.

Le document de la Cour des comptes révèle la gestion floue des personnels au cours d'une année scolaire. Pour autant, les magistrats ne s'avancent pas sur ce que de-vrait être le modèle idéal. Et pour cause ! La mécanique est extrêmement compliquée. Plus de 800 000 personnes réparties sur l'ensemble du territoire enseignent des dis-ciplines diverses et ne sont pas interchangeables. Les sureffectifs sont donc inévi-tables.

Il faut des remplaçants en réserve [et en attente] pour pallier les absences. Et on ne peut envoyer au pied levé un professeur de français de Lens prendre une classe dé génie mécanique à Marseille. La Cour évoque des freins « économiques et culturels » à la gestion des effectifs.

Ces 32 000 enseignants statistiques qui ne sont pas devant des élèves ressortent de catégories très différentes. Ils peuvent être dans l'incapacité temporaire d'enseigner parce qu'ils remplissent une mission ponctuelle ; ils peuvent être en surnombre dans une discipline délaissée comme l'allemand ou la technologie ; ils peuvent être déchargés pour des activités syndicales... Cependant, la Cour a pointé quelques bizarreries : les dispenses pour animation sportive sont loin d'être toutes utilisées, certaines décharges pour préparation de classe, de documentation, ou de laboratoire ne sont suivies d'aucune activité.

Le gros des troupes de ces professeurs sans élèves est constitué de remplaçants désœuvrés [TZR]. Il s'agit là encore d'une reconstruction mathématique des heures pendant lesquelles ces enseignants ne sont pas sollicités. Dans la réalité, cela signifie que certains travaillent quelques heures, d'autres quelques semaines et d'autres encore - moins nombreux - pas du tout.

Les magistrats constatent que la gestion de ces pompiers de service est pour le moins acrobatique. Près de 30 % des ETP ne sont jamais mobilisés. Et la Cour observe de nombreuses disparités selon les académies. En Guyane, 94,4 % des remplaçants sont inoccupés, à Nice 40 %, à Poitiers 42,2 %, à Bordeaux 46 %, à Aix et à Marseille 37 %, tandis qu'à Versailles ils sont 18 % et à Rennes seulement 7,7 %. Et la course au soleil ne saurait expliquer à elle seule une gestion dépourvue de rigueur.

Cette analyse comptable est très politiquement correcte ! Elle ne révèle pas la réalité du terrain, pourtant bien connue, mais qu’il n’est pas possible de publier au risque d’embrasser le milieu scolaire…

Quel intérêt les syndicats d’enseignants (FSU-SNES, SNIupp, SGEN, UNSA ou SUD-Education) ont-ils à retirer des professeurs aux défavorisés et précaires de France ?

Les gouvernements successifs craignent de déclencher la colère des syndicats. Le pouvoir politique est-il impuissant face aux syndicats ?

Quel chantage les syndicats exercent-ils sur les politiques pour qu’ils ferment les yeux sur le gaspillage ?

A qui profite ce gaspillage, puisque les éducateurs ne craignent pas de nuire aux enfants et de coûter cher à leurs parents ?

Les Français ont-ils le droit de savoir où va leur argent ?

Nous progressons dans la connaissance du sujet, mais tout n’est pas dit…

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