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dimanche 9 juin 2013

Filiation homosexuelle: cette tentation malsaine de nier la nature

Une "ultra" de Marianne s'oppose à la loi pour un mariage homosexuel

Une chronique de Natacha Polony

Il y a d'abord cette manipulation des mots, dont on sent qu'elle cherche à modeler le réel pour mieux en effacer les aspérités. On ne dit plus mariage homosexuel mais «mariage pour tous». De même que les immigrés clandestins sont devenus des sans-papiers, ce qui suggère que, loin d'avoir enfreint une loi, ils subissent l'injustice d'être privés de ce qui devrait être un droit, le «mariage pour tous» n'est que la correction d'une injustice flagrante qui doit choquer tout esprit démocratique.

Mais il y a derrière cette question de dénomination le signe que ce qui s'efface est le fondement même de toute société humaine: l'ordre symbolique des choses. La question du mariage homosexuel, et de son corollaire, la filiation, ne se résume pas à un débat entre démocrates et tenants d'un quelconque ordre religieux. Car elle relève du rapport complexe entre nature et culture. Et c'est bien pourquoi elle ne devrait en aucun cas se limiter à un escamotage doublé d'une petite guerre entre ministère, comme Mmes Taubira et Bertinotti en ont donné le spectacle.

Certes, les sondages le proclament, les Français sont à 65 % désormais favorables au mariage pour des couples homosexuels. Mais ils sont plus partagés sur l'accès à l'adoption, et plus encore à la procréation médicalement assistée. Ce qui n'a pas empêché François Hollande d'en faire une promesse de campagne dont il était inévitable qu'elle lui soit rappelée par ceux qui l'attendent.

Au nom de quoi s'opposer au «mariage pour tous», cette belle promesse d'égalité? 
Au nom de la réalité du mariage qui, contrairement à ce qu'affirment libéraux et libertaires, n'est pas un contrat entre individus mais une institution dont le but est d'inscrire les membres d'un couple dans un temps long, celui de la procréation et de la transmission. Le mariage est indissociable de la procréation, il est l'alliance d'un homme et d'une femme qui forment une institution, la famille, par laquelle la société va se perpétuer. On peut juger cela ringard, déconnecté des réalités actuelles des couples et de la famille, mais alors, abolissons le mariage.

Reste la question des enfants. 
Nous sommes tous d'accord qu'il existe des familles homoparentales. Mais le mathématicien Henri Poincaré le disait: «Un million d'indicatifs ne feront jamais un impératifLe fait ne dicte pas le droit. D'autant qu'il est possible de régler les problèmes tragiques que génère l'absence de lien juridique entre les enfants et les deux membres d'un couple qui les élève. Car il est hors de question de contester à un couple homosexuel la capacité à élever des enfants. C'est pourquoi l'argument qui consiste à faire valoir le «droit d'un enfant à avoir un père et une mère» est fort mal posé. Aussi mal que celui qui plaiderait en faveur d'un «droit à l'enfant». La question n'est pas celle du droit mais celle du réel. Un enfant, jusqu'à plus ample informé, a toujours un père et une mère. Ce qui serait malsain serait de vouloir l'effacer.

Le professeur Israël Nisand me fit part un jour de cet épisode qui l'avait incité à s'opposer à l'accès des homosexuels à la procréation médicalement assistée: un couple de lesbiennes avait exprimé le désir de faire prélever l'ovule de l'une d'entre elles, de le féconder avec le sperme d'un donneur anonyme et de l'implanter à l'autre, afin qu'elles soient toutes les deux mère(s) biologique(s) de l'enfant. Le droit français interdit pour l'heure ce genre de manipulation et il a raison, car le problème des demandes qui sous-tendent la loi en préparation est de vouloir à tout prix gommer la nature, effacer le réel et les limites qu'il impose à notre toute-puissance.

La motivation des couples homosexuels qui réclament le mariage et non l'extension du pacte civil pour en combler les carences juridiques est de nier l'état de nature qui veut qu'un couple d'homosexuels ne pourra jamais générer des enfants biologiques. L'adoption, elle, ne pose pas de problème puisqu'il est bien entendu que l'enfant adopté a un père et une mère biologiques (après tout, on accepte l'adoption par des célibataires). Encore faut-il que les dénominations comme «papa» et «maman» ne viennent pas là encore effacer ce réel (il est d'ailleurs significatif que l'on emploie que rarement les mots de «père» et «mère»: il s'agit de faire croire qu'il n'est ici question que d'amour).

Mais la procréation médicalement assistée relèverait de la négation de toute une part de notre humanité, celle qui nous rattache à notre corps et à ce que, par nature, nous ne maîtrisons pas. Cela mérite au minimum un débat.

Dans Le Figaro du 14/09/2012


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