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vendredi 5 avril 2013

L'affaire Cahuzac, nouvelle poule aux oeufs d'or pour Mediapart

"Pierre Moscovici a tenté de blanchir Cahuzac", affirme Fabrice Arfi
Le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi, en avril 2012 à Paris.
 Fabrice Arfi, le journaliste
de Mediapart en avril 2012 
Après quatre mois de dénégations, Jérôme Cahuzac a admis détenir un compte à l’étranger, déclenchant une crise politique. Fabrice Arfi, le journaliste qui a mené l’enquête pour Mediapart, a répondu aux questions de Libération.
Mez. (lecteur) Pensez-vous que Hollande était au courant et a essayé d'étouffer l'affaire ?

Fabrice Arfi. Bonjour à tous... Pour répondre à la question beaucoup posée sur la connaissance par la présidence de la République des faits aujourd’hui reprochés à Jérôme Cahuzac, nous pouvons dire que, à ce jour, factuellement, rien ne nous permet d’affirmer que monsieur Hollande était informé, et depuis quand, du compte suisse de son ancien ministre du Budget.
Cela étant, la question se pose évidemment, parmi de nombreuses autres. Le fait est que François Hollande, comme tous les gens qui lisent Mediapart, était au moins informé depuis début décembre et la publication de nos premières révélations d’un faisceau d’indices graves et concordants, visant l’ancien ministre.
En revanche, il est apparu qu’un membre important du gouvernement, le ministre des Finances Pierre Moscovici, de concert avec Jérôme Cahuzac, a mis en branle fin janvier les moyens de l’Etat pour tenter de blanchir de manière factice l’ancien ministre, en diligentant ce que l’on appelle une demande d’entraide fiscale administrative avec la Suisse. Monsieur Moscovici a publiquement assumé sur France Inter la paternité de cette opération, et a dit que la soi-disant réponse des Suisses n’ébranlait pas ses certitudes sur l’innocence de monsieur Cahuzac.
Des journaux sont même allés jusqu’à titrer : «La Suisse a blanchi Cahuzac», alors qu’aucun journaliste n’a eu entre les mains le fameux document des Suisses, et que l’on sait aujourd’hui que les questions posées par l’administration fiscale française (dont monsieur Cahuzac avait la tutelle), n’étaient pas formulées correctement. Je rappelle que cette tentative de blanchiment orchestrée depuis Bercy a eu lieu alors qu’une enquête judiciaire était en cours depuis plus de deux semaines. Cela apparaît très clairement aujourd’hui comme une étonnante tentative de hold-up sur une enquête en cours. Et l’on voit bien à quel point les aveux foudroyants de monsieur Cahuzac viennent à eux seuls briser cette manœuvre.
Yansolo. Quelle différence faites-vous entre une tentative de blanchiment et une demande d’information ?

F.A. A partir du moment où l’administration fiscale française a posé de manière à tout le moins maladroite les questions concernant Jérôme Cahuzac, cela apparaît comme un acte de pure mauvaise foi administrative. D’autant que je rappelle qu’une enquête judiciaire était déjà en cours. Dès lors, pourquoi ne pas avoir laissé le procureur et les policiers faire leur travail, sans tenter d’amener de manière biaisée les réponses qu’ils cherchaient ?
Toquinha. Est-il vrai qu’une première enquête sur Cahuzac a été «plantée» par Eric Woerth ?

F.A.
 En effet, en juin 2008, un agent du fisc du Sud-Ouest, Rémy Garnier, avait alerté sa hiérarchie et le ministre du Budget de l’époque, Eric Woerth, sur des soupçons concernant l’existence d’un compte suisse détenu par monsieur Cahuzac. Il réclamait dans ce courrier que Mediapart a rendu publique [public] l’ouverture d’une enquête poussée sur ces soupçons, pour les vérifier ou les infirmer. Eric Woerth n’a donné aucune suite à cette requête. Je peux rappeler que le même Woerth, deux fois mis en examen [et présumé innocent] dans l’affaire Bettencourt, a été le premier témoin de moralité à voler au secours de Jérôme Cahuzac dès le premier jour de nos révélations.
Gymnopedie. Faut-il croire à cette histoire rocambolesque de «rappel téléphonique par erreur» ? Mediapart ne prend-t-il pas le risque d’être manipulé par des agences spécialisées ou des cabinets noirs à des fins politiques ?

F.A. Ce n’est pas parce que c’est rocambolesque que c’est faux. L’enquête préliminaire du Parquet de Paris a permis d’établir à la fois l’intégrité (c’est-à-dire qu’il n’a pas été bidouillé) de l’enregistrement et, grâce au meilleur laboratoire français de police scientifique, la certitude au[x] deux tiers qu’il s’agit bien de la voix de Jérôme Cahuzac.
Parallèlement, les enquêteurs ont recueilli les témoignages d’un ancien gendarme, d’un huissier, d’un détective, et d’un banquier suisse qui, chacun à des degrés divers, ont [a] confirmé l’authenticité de la voix de monsieur Cahuzac ou celle de son correspondant, à savoir, le gestionnaire de fortune Hervé Dreyfus, personnage central de l’affaire.
Kimpap. Je suis attéré [atterré] par l’aplomb des dénégations de M. Cahuzac. Sans être de son bord politique, il m’avait même presque convaincu. Excusez-moi d’avoir douté de vous. Comment expliquez-vous ses dénégations et son attitude alors qu’il avait peu de chance de s’en tirer ?

F.A. Jean-François Kahn, le fondateur de Marianne, a une expression très juste : «D’abord on lèche, puis on lâche, ensuite on lynche.» Je ne ferai pas parti de ceux qui, bien que saisis de vertige face au mensonge de monsieur Cahuzac, pensent qu’il faut aujourd’hui accabler l’homme.
Ses aveux ne peuvent prétendre mettre un terme à l’enquête judiciaire en cours, bien au contraire. De très nombeuses questions demeurent : comment le mensonge a-t-il pu tenir si longtemps ? D’où venait précisément l’argent occulte qui a abondé les comptes secrets ? Que savaient la présidence et Matignon de cette affaire ? Est-ce que Hervé Dreyfus (gestionnaire de fortune et homme de confiance de Cahuzac, ndlr) représente les intérêts d’autres personnages publics de premier plan? Je crois que nous ne sommes qu’au début d’une grande enquête judiciaire. Du moins, je le souhaite.
Lien PaSiDupes -"Mediapart: le gestionnaire de fortune de Cahuzac en sait long" : Mediapart abat une nouvelle carte
Santana. Pourquoi cet enregistrement a mis autant de temps a apparaître ? Mettrez-vous autant de verve à mettre à jour les affaires droitières actuelles ?

F.A. Cet enregistrement a surgi du fin fond des siècles, pour la simple et bonne raison, qu’à partir du mois de juillet dernier, j’ai décidé d’enquêter sur monsieur Cahuzac, intrigué par sa proximité et leur renvoi d’ascenseur mutuel avec Eric Woerth. J’ai d’abord entendu parler de cet enregistrement, puis rencontré des gens qui l’avaient écouté, puis obtenu, puis authentifié. Grâce à mes nombreuses sources dans cette affaire, qu’elles soient bancaires, liées aux services de renseignements, fiscales, politiques ou personnelles, j’ai pu approfondir mon enquête au-delà de cet élément matériel.
Concernant la droite, Mediapart peut difficilement être soupçonné de partialité, pour avoir révélé sous l’ancienne présidence, les affaires Tapie, Bettencourt, Karachi, Takieddine, ou Kadhafi.
Pew. On en oublierait presque que notre ministre du Budget avait un compte en Suisse. Pourquoi parle-t-on plus du mensonge que de l’acte en lui-même ? Le second me semblant plus grave que le premier.

F.A. Je partage entièrement votre sentiment. Il ne faudrait pas que le traitement médiatique de l’affaire Cahuzac sombre uniquement dans une sorte de psychanalyse publique face aux mensonges d’un homme, et oublie le cœur du dossier, à savoir qu’un ministre chargé de lutter contre la fraude fiscale ait été lui-même un fraudeur. Il est peut-être temps que la classe politique française prenne conscience des ravages profonds et quotidiens de l’évasion et la fraude fiscale dans une démocratie, a fortiori en temps de crise.
Nicolaszin. Visiblement Jérôme Cahuzac aurait «caché» son compte dans un «compte maître». Est-ce que la justice, ou vous, allez regarder s’il n’y a pas d’autres comptes «à problème» dans ce compte maître? N'est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ?

F.A. En effet, il est question dans le dossier de l’existence de ce que l’on appelle un compte maître, au sein d’UBS. C’est-à-dire qu’une société où un gestionnaire de fortune peut détenir en nom propre un compte structuré en sous-comptes représentant de nombreux bénéficiaires économiques cachés. Cette technique permet de masquer au sein même des établissements bancaires l’identité réelle des propriétaires des fonds cachés.
La question est donc, si l’on décide de dérouler la pelote de laine, de savoir si les intermédiaires de monsieur Cahuzac représentaient d’autres personnalités et, si oui, combien. Et pour quel montant.
Bernard974. Antoine Peillon, auteur du livre «Ces 600 milliards qui manquent à la France - Enquête au coeur de l’évasion fiscale» a déclaré sur France Inter : «Les 600 000 euros sont une blague. D’après différentes sources, la somme s’élèverait à 16 millions d’euros». Qu’en pensez-vous ?

F.A. Pour ceux que la question démocratique de la fraude fiscale intéresse, le livre d’Antoine Peillon [frère du ministre de l'Education] est à lire de toute urgence. Grand reporter à La Croix, il est celui qui connaît le mieux les arcanes poisseuses de l’évasion fiscale, et de la faiblesse de l’action politique pour la combattre. S’il évoque de telles sommes publiquement de plusieurs sources, je pense qu’il faut prendre au sérieux ses informations.
Cela vient donc nous interroger sur la réalité des aveux de monsieur Cahuzac, qui évoque un solde actuel sur ses comptes cachés de 600 000 euros. Ce que nous ne savons pas, en revanche, c’est combien d’argent a circulé, et combien a été retiré (peut-être en espèces), ou investi ces dernières années.
[Et peut-être aussi sa provenance ?...]
Juste. Mediapart a t-il subi des pressions ? Si oui, lesquelles ?

F.A. Contrairement à ce que nous avons pu connaître sous la présidence Sarkozy, Mediapart n’a pas été dans l’affaire Cahuzac la cible de dérapages verbaux orchestrés depuis le sommet de l’Etat [allégations trotskistes]. Je rappelle que pendant l’affaire Bettencourt, le secrétaire général de l’UMP avait dénoncé les «méthodes fascistes» de Mediapart [liberté d'opinion !], ou que Nadine Morano, dont nous connaissons tous la subtilité langagière [polémique?], nous avait traités d'«hitléro-troskistes [trotskistes ?]» - pour ne citer qu’eux.
Je ne parle pas non plus des surveillances dont nous avons pu être la cible sous l’ancienne présidence, comme nous l’avions raconté dans Mediapart et comme cela avait été rapporté dans le Canard enchaîné et dans le livre l’Espion du président [raconter n'est pas prouver... "Ce n’est pas parce que c’est rocambolesque que c’est vrai"]. Il faut également faire crédit à la majorité actuelle d’avoir laissé la justice travailler en toute indépendance. On ne peut pas en dire autant de la présidence Sarkozy qui avait tout tenté pour étouffer l’affaire Bettencourt, grâce au relais judiciaire du procureur de Nanterre, Philippe Courroye.
VOIR et ENTENDRE comment F. Hollande et Edwy Plenel bras dessus-bras dessous s'entendent pour chercher des noises à la droite:

Bob. Apathie [Aphatie] met en doute votre méthode de travail. Si j’ai bien compris, il vous reproche de ne pas avoir «publié les preuves de vos affirmations» si vous les aviez en possession. Qu’en est-il exactement ?
F.A. Je ne souhaite rentrer dans aucune querelle personnelle. [sic] Cela étant, je crois que l’obsession dont monsieur Aphatie a fait preuve pour discréditer notre enquête doit être analysée, comme un révélateur d’un déficit culturel démocratique dans notre pays sur l’utilité d’un journalisme [révolutionnaire] qui révèle, qui dérange, qui bouscule, qui crée de l’intranquillité [ce qui s'appelle de l'agit-prop, car Mediapart cherche à déstabiliser, mais n'a pas toujours raison].
Dans l’affaire Cahuzac, je reste sans voix quand je constate que monsieur Aphatie ou d’autres n’arrivent pas à consacrer l’enregistrement comme une preuve [un enregistrement n'est jamais une preuve à lui seul, aux termes de la loi], ce que l’enquête préliminaire a pourtant fait [parmi d'autres indices]. Mais au-delà de la question de l’enregistrement, faisons un tout petit peu d’histoire du journalisme. [Arfi pontifie volontiers !] Dans l’affaire Ben Barka [disparu en 1965, alors qu'Arfi avait 16 ans], si je devais reprendre les injonctions comminatoire de certains, où sont les preuves de l’Express? Dans l’affaire du Watergate [Arfi avait 9 ans], où sont les preuves du Washington Post? Dans l’affaire des micros du Canard enchaîné, où sont les preuves? Dans l’affaire du Rainbow Warrior, où sont les preuves du Monde? [C'est ainsi l'ensemble de la presse qu'il incrimine] Il faudrait qu’une partie de nos détracteurs comprennent qu’un journaliste a des sources, qu’il doit à tout prix protéger, et que, parfois, il a aussi des preuves. Dans l’affaire Cahuzac, nous avions les deux.
Churchill. Quelle sera la prochaine affaire sur laquelle vous allez enquêter ? Allez-vous poursuivre celle-ci en provoquant la démission d’un autre ministre ?

F.A.
 Mediapart n’a pas vocation à couper des têtes. Nous mettons sur la table des informations d’intérêt public. La démocratie fonctionne quand il existe les relais institutionnels (le Parlement, la justice...) à ces informations. Nous sommes sur de très beaux dossiers, mais vous comprendrez que nous gardions la primeur pour les lecteurs de Mediapart.

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1 commentaire:

  1. Ce délinquant (# "personnalité")n'avait-il pas été condamné à une peine de prison ferme ?J’ai la mémoire qui flanche…Il est vrai que selon M.le président de la République française les paradis fiscaux n'existent pas...Pourtant un citoyen lambda aurait été condamné,lui,à une peine incompressible de 20 ans ferme avec comparution immédiate.Va comprendre Charles!On pourrait peut-être souhaiter un bon séjour et de bonnes vacances (en Guyane)à M.Cahuzac qui se croit (visiblement à bon droit)AU-DESSUS des LOIS!Mais l’explication de cette justice qui dysfonctionne gravement doit être ailleurs...J'ai entendu un leader politique affirmer récemment "Ce nouveau monde a tout de l'Ancien Régime et rien de la République".Cette explication est déjà plus intéressante et convaincante...

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